Sébastien Verdevoye, fondateur et associé de SV Design, nous fait part de son parcours ainsi que de sa vision du design produit.
Sébastien Verdevoye, quel est votre parcours ?
S.V. C’est un parcours atypique, car j’ai eu du mal à trouver ma voie. J’ai démarré par des études d’électricité avec un au départ BEP Électrotechnique. J’ai vite vu que cela ne correspondait pas à mes aspirations. J’ai donc enchaîné avec Bac Pro Étude et définitions de produits industriels, avec du DAO. Cela m’a bien plu et j’ai poursuivi avec un BTS Conception des produits industriels, enseignement qui comportait beaucoup de CAO, et surtout de la réflexion en matière d’idées et de solutions toujours, évidemment, dans un cadre très technique. Les aspects liés à l’ergonomie ou à l’esthétique restaient légers, le focus étant surtout mis sur la fonction et la tenue dans le temps. J’ai apprécié ce côté conception, car il faut aussi dire que le métier du design m’attirait depuis le Bac. Mais il n’y avait pas beaucoup de passerelles à l’époque. Du coup, j’ai cherché des solutions après le BTS et j’ai trouvé l’École Internationale de Design à Toulon. En 2008, il n’y avait que cette école qui proposait un cursus en design produit à partir du BTS. J’y ai donc obtenu un Master en Design industriel. Après, je suis parti à Manchester pour un MSc en Design management. On ne peut pas dire que cela m’a passionné à ce moment-là, mais j’ai au moins amélioré mon anglais, découvert la pédagogie britannique, très carrée, et également bénéficié d’une ouverture sur le monde grâce aux diverses nationalités présentes. J’ai obtenu mon Master 2 tout en travaillant en parallèle avec une junior entreprise ce qui m’a permis d’avoir de premiers contacts commerciaux et de mener des projets en design tout en gérant les aspects clients, droits d’auteurs, devis, etc. Cela m’a conforté dans l’idée de me mettre à mon compte. Je me suis installé à Lyon pour démarrer mon agence SV Design, et cela va faire 13 ans maintenant. C’était un peu un saut dans le vide, car en 2010 ce n’était pas le cursus habituel : on était plutôt formés à devenir salarié. L’apprentissage fut un peu brutal, surtout pour ce qui concerne les aspects commerciaux et notamment ceux touchant à la prospection. Aujourd’hui, nous sommes trois et j’ai deux associés, des amis d’école qui ont été salariés et qui m’ont rejoint. On est sur des métiers différents : designer, web développeur et architecte d’intérieur, ce qui nous permet de proposer une offre à 360° et de faire appel à des partenaires – en toute transparence – quand les projets le demandent.
En quoi consiste votre activité ?
S.V. On est à 50-50 sur du design industriel, activité qui se développe, ainsi que du branding et du contenu. En matière de design industriel, on est principalement sur des projets techniques à vocation série. Nous avons deux types de clients, les porteurs de projets qui veulent mettre en forme leurs idées, et des industriels qui veulent lancer une nouvelle gamme avec des aspects structurants en matière d’ergonomie, de conception et d’esthétique, ce dernier point n’étant pas pour nous le plus important. On aime bien intégrer les fabricants et sous-traitants en milieu de projet afin d’être certain que les caractéristiques techniques et économiques seront bien prises en compte. Le respect du cahier des charges est déterminant pour nous. On pose toujours le cadre des objectifs et des coûts, c’est important pour nos clients. Nos prestations vont du remodelage à la conception complète en veillant en permanence à assurer l’équilibre entre fonctions, coûts et viabilité technique. Et on n’hésite pas à interpeller le client lorsque son cahier des charges paraît trop ambitieux, sinon cela se paie très cher par la suite. Quand tout le monde est d’accord, nous signons le cahier des charges pour que chacun soit au clair sur les ambitions du projet et les moyens mis en œuvre.
Comment voyez-vous évoluer le design produit ?
S.V. On voit souvent passer sur LinkedIn des posts qui affirment que le design produit n’existe plus. Est-ce de la provocation ou un moyen de ramener un maximum de vues ? Je ne le sais pas, mais pour ma part je suis plutôt optimiste, car on a de moins en moins de phases d’explication avec nos clients. Ces derniers savent de plus en plus que le design n’est pas que de l’esthétique : il y a donc bien une acculturation qui se fait. Nous avons d’ailleurs pas mal de prospects entrants via notre site internet, ce qui n’était pas le cas il y a quelques années. Les industriels commencent vraiment à comprendre ce que représente la plus-value du design, même s’il y a encore un gros vivier de réticents ou de conservateurs. Et puis, point rassurant, même si l’on parle beaucoup de l’IA actuellement, nos clients veulent de l’humain et de vraies personnes avec lesquelles ils peuvent échanger. Je note, d’autre part, que nous réalisons plutôt de bons chiffres ces deux dernières années, ce qui indique que l’on peut parfaitement bien vivre du design produit, même si cela reste compliqué. Nous devons aller de l’avant pour bien nous vendre auprès des industriels qui, pour certains, voient leurs concurrents leur passer devant en ayant fait appel au design. C’est une situation assez franco-française : il y a un réservoir considérable de business en France en matière de design produit.
Votre vision du design français ?
S.V. Il est sans doute plus humain et différenciant que les autres, mais on n’est pas les meilleurs communicants et, surtout, tout cela manque de cohésion : chacun bosse dans son coin. Il manque un fil conducteur pour le design français soit un plus dans la convergence plutôt que dans la compétition. L’État n’est pas non plus très porteur sur le sujet, et c’est dommage, surtout quand on voit comment l’Italie travaille. Il y a aussi des partis pris très conceptuels ou philosophiques qui manquent sans doute un peu de concret. Enfin, j’ai été enseignant il y a quelques années, avec des classes de 35 élèves, et je n’étais pas très à l’aise, car je ne me voyais pas comment le marché pouvait intégrer tant de diplômés.
Un message pour terminer ?
S.V. C’est peut-être un peu bateau, mais il est important de se nourrir de tout ce qui nous entoure avec un esprit critique modéré et réfléchi et voir le positif dans chaque action. Tout ce qui nous entoure est formateur et nous pousse constamment à nous remettre en question en matière de méthodes et d’outils pour nous adapter aux évolutions du marché. Et puis, il est impératif que le design reste une passion rémunératrice ! Il faut se vendre au bon prix et être conscient de ce que l’on apporte. Le banquier aime bien la passion, mais préfère toujours le compte de résultat.
Une interview de Christophe Chaptal
Article précédemment paru dans le Design fax 1324