Métiers du design : le diagnostic

Frédérique Pain, directrice de l’ENSCi, nous en dit plus à propos du Diagnostic sur les métiers du design, soumis et porté par l’ENSCi, sous l’égide du Conseil national du design (CNDes), et réalisé dans le cadre de l’appel France 2030 – Compétences et métiers d’avenir (CMA).

Frédérique Pain, pourquoi un tel diagnostic ?
F.P. Tout cela est parti d’une initiative de ma part, d’ailleurs partagée par beaucoup d’acteurs. En effet, depuis trois ans, nous montions au créneau avec France 2030 pour que des budgets appropriés soient débloqués (ndlr : 170 000 euros) afin d’effectuer un diagnostic sur la valeur design au niveau national, à travers quatre volets : acteurs de la formation, employeurs, praticiens, organismes financeurs de formation ; entreprises, investigation internationale ; diagnostic prospectif sous forme de workshops. L’ENSCi, en tant que grande école nationale publique, était particulièrement bien placée pour recommander et piloter une telle étude. Nous avons dès le départ souhaité que tous les acteurs et actrices de la formation en design (80 personnes autour de la table), tant publics que privés, ainsi que les entreprises et les praticiens du design, soient présents pour prouver que l’on est capable de se fédérer lors de cette étape de diagnostic. L’opération a été officiellement lancée par Bruno Bonnell le 27 février : il a affirmé à cette occasion que “l’heure du design est arrivée”.

Quel est le calendrier ?
F.P. Le tempo est plus que soutenu : à partir du 27 février ont démarré les enquêtes auprès de ces 80 acteurs, et au-delà des entreprises. Les relais sont effectués par tous les réseaux habituels et nous devrions disposer courant juin d’une analyse de ces enquêtes, pour une diffusion courant juillet.

L’objectif n’est pas de s’arrêter à cette étape de diagnostic ?
F.P. En effet, il s’agit, en quelque sorte de la face cachée de l’iceberg, car d’autres actions et acteurs existent et que d’autres appels à projets sont dans les tuyaux. Dit autrement, il faudra un budget conséquent pour que tous les actrices et acteurs de la formation dans le domaine du design puissent mettre en place les dispositifs nécessaires pour que la valeur design soit établie. L’objectif final du diagnostic design est de proposer une lettre d’intention commune à tous les actrices et acteurs de la formation pour soumettre des demandes de construction de structures ou de développements futurs répondant aux besoins de formation, ce qui devrait permettre de récupérer à l’échelle nationale les budgets correspondants via des appels à projets qui seront spécifiquement construits pour le design. Car, jusqu’à présent, à chaque fois que l’on veut intégrer le design dans le cadre de France 2030, il faut rentrer aux forceps dans des appels d’offres qui ne sont pas spécifiquement fléchés pour cela.

F.P. Comment va se positionner l’ENSCi dans cette optique ?
Nous allons continuer à faire en sorte que le design s’installe correctement au niveau national. C’est le rôle d’une grande école de design comme la nôtre de s’inscrire dans cette démarche, d’autant plus si l’on prend en compte nos 40 ans d’existence et d’expertise. On joue là notre rôle d’école publique nationale. J’ajoute que notre objectif n’est pas de recréer une énième école de design. Le but est avant tout de faire reconnaitre cette pédagogie par projets propre au design et d’y associer une pratique réflexive académique.

Quel est votre diagnostic à titre personnel ?
F.P. En tant qu’actrice convaincue de la cause du design depuis 30 ans, je suis convaincue que le design n’a pas encore sa place dans le développement des entreprises, et plus largement auprès de l’ensemble des acteurs socio-économiques. On doit travailler pour le monde qui vient. Tout se fait beaucoup trop dans la contrainte actuellement. Un exemple : si le design n’a pas encore totalement trouvé la position qui lui revient en France, c’est aussi du fait d’un raccrochement à la recherche toujours balbutiant, ce qui empêche la pratique réflexive comme cela se pratique depuis longtemps dans beaucoup d’autres pays. C’est quelque part chez nous le fruit de 400 ans de valorisation des sciences de l’ingénieur. On le voit, il est très compliqué de se fédérer quand la pratique réflexive est absente. Un constat : dans tous les autres pays, les écoles de design sont sur des campus universitaires. Cela aide ! Le fait d’avoir accès à cette pratique réflexive va nous légitimer d’un point de vue académique : songez qu’aujourd’hui, il est toujours impossible de créer un poste de formateur en design par exemple, faute de référentiel.

Un message pour terminer ?
F.P. Il y a un élan commun très positif aujourd’hui : tout le monde s’est mis autour de la table. On a beaucoup de réponses et l’effet d’annonce tient la route. Je tiens par conséquent à remercier celles et ceux qui sont présents et qui donnent vie à ce diagnostic. 

Une interview de Christophe Chaptal

Article précédemment paru dans le Design fax 1325