Yellow Window va bon train

Patricia Bastard, directrice générale et associée de Yellow Window, nous partage les actualités de l’agence et nous en dit plus sur son positionnement.

Patricia Bastard, comment allez-vous ?
P.B. Yellow Window se porte bien, voire très bien, avec une croissance régulière. On recrute une personne par an et on fait des bénéfices (ndlr : Yellow Window comprend 14 personnes réparties sur Lyon et Paris). Dans notre milieu de la mobilité, notre positionnement d’agence de design dédiée à la mobilité qui sait aborder tous les métiers du design – design de service, design d’information, design produit, design industriel ou design d’espace – nous procure un avantage indéniable. Nous disposons de deux gros pôles : l’un qui recouvre notre activité historique avec le design industriel qui couvre tout ce qui s’industrialise comme les véhicules sur pneus ou rail, les équipements, le mobilier de stations, et le pôle design de service et design d’information (ndlr : informations physiques de type signalétique ; informations digitales et également embarquées). Je rappelle que nous avons été les pionniers en lançant le design de service et en particulier dans le monde de la mobilité. Nous sommes les seuls dans notre secteur avec cet ADN de designer produit, ce qui nous pousse systématiquement à rechercher des résultats tangibles. De ce fait, nous sommes relativement incontournables, notamment avec Île-de-France Mobilités ou d’autres opérateurs. On a également renforcé nos relations avec des équipementiers, et pas seulement du secteur ferroviaire. Ainsi nous travaillons avec un partenaire qui vient de l’aéronautique que nous avons fait intervenir sur l’un de nos projets en cours. Nous travaillons également de longue date avec RATPDev que l’on accompagne dans son expansion en France et à l’étranger. Et idem pour Keolis ou la SNCF. Nous accompagnons également de nouveaux entrants comme Midnight Trains, start-up qui se positionne sur le train de nuit ou encore Kevin Speed, autre start-up positionnée sur le train grande vitesse hyper capacitaire – sorte de Ryanair du TGV. On intervient également pour Le Train qui veut développer des lignes transversales dans le Sud-Ouest. Ce sont là de petites structures avec des circuits de décision très courts et qui font preuve d’approches tout à fait intéressantes. Elles ont logiquement de grosses difficultés pour lever des fonds, du fait d’une rentabilité s’établissant sur le long terme, mais on a absolument besoin de ce type d’acteurs qui développent de vraies alternatives à l’avion et à la voiture avec des tarifs abordables. Dans le cas de Midnight Trains, leur proposition est moins coûteuse que l’avion plus l’hôtel avec un bon équilibre entre prestations premium et prix abordables. En travaillant aussi bien avec de grands groupes que des start-up, nous avons un regard plutôt complet sur la mobilité et sur le point de vue stratégique des uns et des autres. Dernier point, nous touchons également à la communication, à la demande de la Direction de l’Innovation de la SNCF pour qui nous réalisons des supports à la communication et à la persuasion qui mélangent virtuel et réel, notamment pour parler de dessertes délaissées. Cela a été un peu par hasard que l’on fait cela : du fait de notre bonne maîtrise des outils, on peut raconter des histoires sympas. Mais on n’ira pas plus loin : on n’est pas une agence de com !

Quelles sont vos dernières actualités ?
P.B. On est passé au journal du 20h00 sur France 2 avec dans un format en trois volets : dans le premier volet, on a expliqué comment notre vision du design de service nous permet une traduction produit avec une écoute et une compréhension fouillées des usages. Du coup, on a pu décrypter notre train, l’OMNEO Normandie, dont on a conçu le design avec Bombardier. On était également présent dans le deuxième volet pour l’interview de Midnight Trains avec nos visuels en toile de fond. Pour ce qui concerne les projets, nous finalisons actuellement le design du futur RER B. C’est une longue histoire, car nous avons remporté l’appel d’offres au moment où Bombardier était racheté par Alstom. Cette collaboration s’est inscrite dans un cadre très global, dont des ateliers avec les usagers dans une optique de co-construction du train idéal. Et cela a servi de cahier des charges bis pour l’industriel. On développe actuellement le train définitif avec les équipes techniques d’Alstom. C’est un projet pour lequel on est vraiment parti de l’écoute du voyageur pour aller jusqu’aux phases industrielles. Autre projet, le CDG Express. Il est prêt, les rails sont prêts à être posés, mais le projet a pris du retard du fait de la priorité RER B. Petite remarque, au passage : on n’a pas eu besoin de nous inventer une raison d’être et des engagements : nous sommes par définition en plein cœur des sujets de robustesse, de durée de vie et d’écoconception. Ils sont dans nos gènes. Et puis le rapport au temps dans le ferroviaire est particulier : les développements s’étalent sur des années et l’on construit pour durer 30 ans au moins.

Comment voyez-vous évoluer le design ferroviaire ?
P.B. C’est une véritable équation avec d’un côté une prise en compte très importante des aspects économiques, et de l’autre un pragmatisme certain. Et il ne s’agit certainement pas d’innover pour innover. Si cela marche et que l’on trouve sur étagère, on reprend. On est dans une période de nécessaire sobriété. En même temps, on se doit de plus en plus de proposer exactement ce dont les gens ont besoin. Si l’on veut qu’ils quittent leurs voitures, il faut qu’ils se sentent bien en matière de confort, d’ergonomie ou d’usage. Autrement dit, on n’est pas là pour se faire plaisir, mais créer au plus près des besoins dans un cadre budgétaire contraint : il s’agit de notre argent, après tout ! Il faut faire un design juste. On est là pour ça. Par exemple, les dirigeants de Midnight Trains voulaient au départ une agence de design industriel travaillant de concert avec un architecte de renom. Comme je suis moi-même architecte, je leur ai dit que faire un hôtel sur rail n’avait rien à voir avec la conception d’un bâtiment. On a quand même commencé comme ils le souhaitaient, mais ils ont très vite réalisé que cela ne fonctionnerait pas. Un design juste, donc, et qui est dans la vérité. Faire de l’innovation pour se faire plaisir n’a aucun intérêt. C’est pour cela qu’il faut être franc avec ses clients et leur dire que l’innovation n’est pas forcément là où ils pensent qu’elle est. En tant que professionnels du design nous devons dire nettement ce que l’on pense et remettre le client dans les rails – si j’ose dire – lorsque nécessaire.

Un message pour terminer ?
P.B. La façon dont on travaille à l’agence est très importante pour moi. Lors des derniers entretiens individuels, on a pu constater que nos collaborateurs sont tous heureux de travailler chez nous, ce qui constitue un énorme motif de satisfaction, pour moi, bien sûr, mais également pour mon associé Julien D’Hoker qui dirige le pôle design industriel ainsi Juan Lin qui dirige le pôle design de service et design d’information.

Une interview de Christophe Chaptal

Article précédemment paru dans le Design fax 1323