AREP + nendo : nouveau TGV

Céline David, directrice du design d’AREP, nous parle du nouveau TGV dont l’appel d’offres pour le mobilier, l’aménagement intérieur, la livrée extérieure et le système signalétique avait été conjointement remporté par AREP et nendo. 

Céline David, pouvez-vous en dire un peu plus sur ce nouveau TGV ?
C.D. L’histoire remonte à 2018 lorsque nous avons répondu et gagné l’appel d’offres lancé par SNCF Voyageurs sur l’aménagement intérieur, le mobilier et la livrée extérieure et le système de signalétique. Le tout prenant place dans un nouvel ensemble repensé, fruit d’un partenariat entre SNCF Voyageurs et Alstom. Dès le départ, nous avons souhaité nous associer à l’agence japonaise nendo : en effet, nous sommes des experts de la mobilité, du design et de la signalétique, tandis que nendo est spécialiste du design de mobilier. Notre idée de départ a été un design épuré et simple, avec une touche de poésie. C’est ainsi que nous avons mis en avant le concept flow qui symbolise un train s’écoulant dans le paysage comme une rivière : on a retenu des formes fluides et des formes de galets polis par l’eau. La notion de confort a été au centre de nos attentions et nous avons en particulier mené un gros travail sur l’ergonomie des sièges avec de tests utilisateur conséquents. Nous avons opté pour une structure en magnésium sur laquelle est enfilé un textile 3D renforcé de mousse aéronautique, ce qui procure une assise optimisée avec un gain d’espace par rapport à un siège traditionnel. D’autre part, tout ce qui est pièce d’usure ou sujette à l’obsolescence, comme les prises USB, est facile à nettoyer ou à remplacer. Sans oublier une nouvelle lampe qui vient prolonger la saga des lampes TGV ! Nous avons d’autre part effectué un gros travail sur la couleur avec un horizon à l’intérieur des voitures construit avec des couleurs foncées en partie basse et des couleurs plus claires en partie haute. Nous avons aussi opté pour des couleurs rouges chaud pour la première classe et le bistrot et des teintes de bleu en seconde classe, le tout avec de petites touches de jaune pour faire vibrer l’ensemble. Fabriqué avec 25 % de matériaux issus du recyclage (ndlr : soit 100 tonnes), il sera recyclable à 97 %, ce qui en fait le train à grande vitesse avec le bilan carbone le plus faible du marché. Enfin, nous avons choisi une livrée extérieure en teinte claire dans le but de réduire le poste de dépense énergétique, et en particulier celui de la climatisation On a misé sur de la pérennité, car un TGV dure plusieurs dizaines d’années. 

Vous parliez du bistrot à l’instant ?
C.D. Oui, c’est un espace totalement noyveau qui s’étend sur deux niveaux : une salle basse avec une offre de restauration en libre-service, et une salle haute aménagée comme une mezzanine où sont distribuées 28 assises pensées comme un salon avec une variété de couleurs et des postures avec des sièges en enfilade, des banquettes et des vis-à-vis. Je voudrais aussi mentionner que nous avons revu les racks à bagages qui permettent de recevoir 20% de bagages en plus, que nous avons introduit une nouvelle voiture PMR avec accès en autonomie totale pour les personnes à mobilité réduite et que nous avons prévu des rangements spécifiques pour huit vélos par TGV. Enfin, concernant la signalétique, nous avons prévu une lisibilité et une compréhension totales pour tous les publics, avec des pictogrammes conçus de l’extérieur vers l’intérieur. Et nous avons répondu à une attente de longue date des voyageurs avec une numérotation à trois chiffres comprenant le numéro de voiture et le numéro du siège. Bref, notre travail a été d’introduire une fluidité totale, aussi bien pour le parcours voyageur que concernant la posture voyageur.

Pourquoi avoir choisi un partenaire japonais plutôt qu’une agence française ?
C.D. Le cahier des charges initial demandait un travail sur le confort qui se rapproche de l’univers domestique. On avait la volonté d’une approche rafraichissante et, du coup, on s’est maillés avec l’agence nando, très complémentaire à la nôtre. D’autre part, les Japonais ont une culture forte du train à grande vitesse et il nous paraissait naturel d’aller chercher un partenaire du côté du Japon. 

Quel est pour vous l’avenir du train dans les 50 ans qui viennent ?
C.D. On sait que le trafic ferroviaire va fortement augmenter : le transport décarboné est promis à un bel avenir, surtout si l’on considère avec le report modal de la voiture et de l’avion vers le train.

Comment se positionne le design chez AREP ?
C.D. On est très engagés sur les sujets du post-carbone et du réemploi pour minimiser l’impact environnemental. Nous avons l’ambition d’être un acteur majeur dans ce domaine. Cela englobe les étapes de conception, mais aussi la façon dont on peut travailler avec des partenaires dans une optique RSE au sens large et pas seulement environnemental. Nous sommes très attachés à la responsabilité sociale du designer et donc très motivés pour une transformation de la société à travers, par exemple, le mécénat, l’accompagnement les entreprises ou les actions en faveur de la réinsertion. C’est cela que nous appelons être des designers post-carbone.

Une interview de Christophe Chaptal

Article précédemment paru dans le Design fax 1357