À la suite de l’interview de Louis Béziau, designer associé et président des Sismo (parue dans le Design fax 1348), Olivier Baudry, associé et fondateur d’OpenCommunities, par ailleurs actionnaire des Sismo, a souhaité une mise au point.
Olivier Baudry, vous avez souhaité réagir à la lecture de l’interview de Louis Béziau. Quelles en sont les raisons
O.B. J’ai réagi parce que l’on aurait pu penser à la lecture de l’interview que nous venions du monde du conseil. Nous venons en réalité du monde de l’accompagnement. Plus précisément, on utilise le design pour accompagner les organisations et les collectifs au changement et à la transformation. Nous avons, d’ailleurs, et avec d’autres, largement contribué à l’enrichissement de la démarche design par l’intelligence collective et par les sciences humaines et sociales. Précisions au passage que cet enrichissement est une donnée naturelle aux États-Unis, notamment. Notre objectif est de mobiliser les communautés d’usagers pour pouvoir valider diverses propositions en faisant appel, a minima, aux sciences humaines et sociales comme source d’inspiration pour identifier les problématiques pertinentes. Le sujet est de pallier cette absence d’inspiration scientifique – réflexe assez français – et de non-mobilisation des intelligences collectives – réflexe également assez français. On a travaillé avec d’autres agences sur tous ces aspects, dont les Sismo, dans une logique de métissage des compétences. Le but n’est pas de designer de beaux services, mais de beaux collectifs ou des collectifs puissants. C’est dans cette optique que nous avons, tous ensemble, contribué à apporter au design français ces dimensions collectives et scientifiques. Encore une fois, vous comprendrez que l’on ait réagi quand on s’est vu affublé du qualificatif de “cabinet de consulting” ! C’est aujourd’hui l’occasion de clarifier, les choses, car la sémantique est importante.
Quel est le positionnement d’OpenCommunities ?
O.B. Notre singularité est de remettre en protection les équipes que l’on accompagne grâce à la facilitation, le coaching ou le codéveloppement. À partir de là, elles peuvent se mettre en projection sur des réflexions servicielles de propositions digitales et physiques ou encore de modèles d’organisation et de fonctionnement. On construit avec ces équipes des stratégies de changement et de transformation. Mais on n’y va pas bille en tête : on regarde avec elles le sujet le plus pertinent à travailler pour que ce soit fondateur. C’est notamment le cas dans le domaine du psychosocial, en faisant levier sur les relations et la qualité du travail. C’est ainsi que la qualité des relations peut primer sur le service en tant que tel : nous sommes dans une logique systémique de symétrie des attentions, car le service rendu à l’usager peut dépendre de la qualité de l’expérience collaborateur. Dans cet esprit, nous mobilisons l’ensemble des parties prenantes pour améliorer l’expérience globale afin que chacun puisse opérer dans les meilleures conditions. De ce fait, on entre dans des logiques de robustesse et de frugalité qui sont intéressantes. D’autre part, cette logique systémique nous dirige sur des sujets à partir desquels on saura bâtir des propositions robustes. Pour terminer sur notre positionnement, OpenCommunities est une équipe d’une vingtaine de personnes, avec une combinaison de profils de type designers, accompagnants, formateurs et chercheurs.
Quelles étaient vos motivations à devenir actionnaire des Sismo ?
O.B. Nous sommes actionnaires de la société coopérative de production (SCOP) Les Sismo à hauteur de 25 % dans une volonté de contribuer à consolider l’univers des agences de design. Nous ne sommes donc pas du tout dans une démarche capitalistique, car il n’y a rien à gagner d’un point de vue financier à être actionnaire d’une SCOP, les bénéfices étant intégralement redistribués aux salariés. Ce qui nous motive, c’est l’existence d’un monde du design indépendant, c’est-à-dire non piloté par des cabinets de conseil traditionnels. D’autant plus que, si l’on regarde le marché des agences de design, il apparaît qu’il s’agit d’un marché global de la transformation. On essaie de convaincre les autres agences de design de cette réalité et de privilégier les collaborations avec des cabinets de conseil qui respectent les fondamentaux d’une agence de design. Chacun a un pas de côté à faire pour s’entendre sur un terrain où l’on pourra tous opérer de façon intelligente. On n’y est pas encore, mais il est certain que nous aurions tous à gagner à nous construire sur des approches respectueuses des uns et des autres, comme c’est le cas avec des gens comme Balthazar, par exemple. Pour revenir à notre investissement dans le capital des Sismo, cela nous a demandé 4 à 5 mois de réflexion pour analyser toutes les options, puis aller au tribunal pour défendre l’idée qu’on allait contribuer à remettre de l’ordre dans leur gestion. Notre situation financière transparente et structurée a manifestement rassuré. La qualité de l’équipe dirigeante des Sismo a fait le reste. Au final, on croit dans Les Sismo et on est content de travailler avec eux.
Votre vision du métier et de ses évolutions ?
O.B. Pour moi, le design est une compétence et non un métier. Quand on accueille de jeunes designers, ils ont une identité métier très forte, alors que le marché met souvent en échec la profession. Par conséquent, il faut se développer sur une chaîne de valeur plus large que celle du design, et qui renvoie notamment à la facilitation ou à l’accompagnement. On forme de ce fait nos designers à la facilitation, au changement et à la transformation pour les faire monter en compétence. Il faut s’ouvrir à des logiques métiers plus larges que celle du design.
Un message pour terminer ?
O.B. Merci à Design fax de nous avoir permis de nous exprimer et d’avoir pris le temps de nous écouter, le tout dans un état d’esprit particulièrement bienveillant.
Une interview de Christophe Chaptal
Article précédemment paru dans le Design fax 1355