Dragon : feu intérieur

Jérôme Lhermenier, directeur général France de Dragon Rouge, nous fait part des actualités de l’agence ainsi que de ses objectifs et ambitions.

Jérôme Lhermenier, comment allez-vous ?
J.L. Très bien. Je suis arrivé en avril dernier chez Dragon et donc cela fait maintenant assez de temps pour aborder les sujets de fond. Et puis, piloter Dragon Rouge, ce n’est pas rien. J’ai repris toutes les opérations de Dragon Paris en synergie avec les autres bureaux. Notre réseau, avec 250 personnes, est bien sûr moins profond que celui, par exemple, de FutureBrand avec ses 1000 collaborateurs. Mais Dragon Paris est à la fois le bureau historique et le plus contributif du réseau, contrairement à d’autres grands réseaux qui rayonnent à partir de Londres ou des États-Unis.

Quelles sont les actualités de l’agence ?
J.L. Je suis arrivé courant 2024, au moment des 40 ans de l’agence, occasion de se replonger dans les archives et de constater encore une fois la forte contribution de Dragon au design français, avec toutes les marques emblématiques qu’elle a portées (Renault, PSG, etc.). Et on continue toujours à travailler pour de grandes marques populaires, comme LU – encore un client emblématique de l’agence – pour qui on travaille l’ensemble des touch points : c’est le rêve de toutes les agences que de porter des marques comme cela ! Nous continuons également d’intervenir pour d’autres grandes marques françaises, comme Groupama, pour des acteurs du sport, ainsi que pour des marques purement digitales comme Wild (ndlr : rencontres libertines). Je suis fier de tout cela. 

Quels sont vos objectifs pour Dragon Rouge dans les années à venir ?
J.L. En tout premier lieu, j’aborde les choses avec beaucoup d’humilité, notamment quand l’on sait ce qu’ont bâti Patrick Veyssière, disciple de Raymond Loewy, et Pierre Cazaux. Dragon fait partie du petit nombre d’agences qui ont marqué l’histoire du design français. Cet héritage, je le mets en mouvement, car l’environnement des marques change, le consommateur évolue et l’économie se transforme. On ne pense plus aujourd’hui une marque comme il y a quelques années, du fait, notamment, que le premier point de contact est le smartphone. D’autre part, on intègre de plus en plus la composante communication dans nos réflexions et actions sur la marque, car les campagnes de publicité traditionnelles ne sont plus envisageables du fait de la fragmentation des médias. Il y a donc une véritable passerelle entre la marque et des campagnes très identitaires, et nous sommes parfaitement outillés pour le faire, ce que ne peut pas nécessairement faire une agence de communication lambda qui découvre une marque. On est donc très légitime pour communiquer sur la marque, et d’ailleurs, les clients nous le demandent, car c’est un bon vecteur de cohérence de la marque. De surcroit, cela permet à l’annonceur de ne pas se disperser entre plusieurs agences.

Votre vision du métier et de ses évolutions ?
J.L. Je pense que l’on va vers un mouvement de transformation des agences qui ont besoin d’être de plus en plus claires sur leur positionnement. Et puis, on ne peut pas lutter contre la paupérisation de la chaîne de production et on doit absolument s’efforcer de remonter vers de la valeur. Quand on travaille sur une transformation de marque, on touche inévitablement à la transformation globale de l’entreprise : la prise en compte de cet amont stratégique et organisationnel va nous amener à toucher les aspects graphiques le plus tard possible. Et puis, plus on est présent sur la chaîne de transformation, plus on valorise notre métier avec une forte composante touchant à la compréhension de l’humain. C’est cela notre force : prendre soin de la personne via une approche méticuleuse de la marque. Malgré des délais de plus en plus courts, on reste sincère. On a une approche très chirurgicale de notre métier, finalement. 

Votre ambition pour les trois ans à venir ?
J.L. Je veux remettre Dragon au cœur de toutes les conversations. L’héritage en mouvement a pour objet de nourrir de la force vitale de l’agence, et ainsi se donner les moyens d’être le leader du marché. Mon ambition est de faire de Dragon l’agence la plus performante et la plus créative de la place de Paris. La réflexion sur le positionnement de l’agence était en cours au moment où j’arrivai, et tout cela a abouti au souhait de révéler le feu intérieur des marques, autrement dit leur puissance intérieure. Et ceci est valable aussi bien pour nos clients que nos talents (ndlr : Dragon compte 80 personnes sur Paris).

Un message pour terminer ?
J.L. C’est peut-être un peu tarte à la crème, mais j’ai envie d’être optimiste compte tenu d’un exercice 2024 tout à fait honorable et d’un très bon début d’année. Et puis, je suis d’une génération qui n’a pas connu ce que certains appellent âge d’or : je ne pense pas que tout était mieux avant. Au contraire, nous avons actuellement de formidables opportunités de développer de nouvelles expertises et de créer de nouveaux modèles. Il y a beaucoup de pessimisme ambiant, mais, sans aucunement faire preuve d’une quelconque utopie, je suis persuadé que le design de marque a encore beaucoup à faire et à apporter.

Une interview de Christophe Chaptal

Article précédemment paru dans le Design fax 1354