Saguez : une épopée américaine

Boris Gentine, directeur général création et associé chez Saguez & Partners, nous en dit plus sur la récente acquisition de l’agence américaine Dash Design et nous fait part de sa vision du design aux États-Unis.

Boris Gentine, pouvez-vous nous en dire plus sur l’acquisition de Dash Design par Saguez & Partners ?
B.G. Le terme acquisition est en effet correct et elle s’est réalisée après quatre années de lune de miel. D’autre part, David Ashen, le fondateur de Dash Design, est connu de longue date, puisque nous nous étions rencontrés sur le projet Peugeot Avenue alors qu’il était chez Desgrippes Gobé (ndlr : Brandimage aujourd’hui). C’est à partir ces années, nous étions en 2019, que l’on a commencé à réfléchir à l’international. J’ai d’ailleurs toujours cru à la capacité de Saguez de s’intéresser à des marchés différents, à d’autres cultures, avec ce je ne sais quoi qui nous caractérise, nous les Français. Très tôt, j’ai eu la conviction que l’international pourrait constituer une nouvelle voie de diversification, tant culturelle, qu’en matière de business et de typologies de projets, comme les aéroports. L’international nous a renforcés en compétence et en savoir-faire. C’est donc cette envie de nous développer en dehors de la France, avec en particulier notre travail pour Westfield, qui nous a mis le pied aux États-Unis à San Diego. Du coup, notre regard s’est tourné sur le marché sur l’hospitality avec notamment Marriott et Le Meridien. Notre idée a été rapidement de trouver un partenaire sur place et, grâce à Business France, nous avons rencontré beaucoup d’entreprises et de designers ouverts à un principe de partenariat. Vous le savez, pour travailler aux États-Unis, et en général à l’international, il est impératif de disposer d’équipes locales, c’est-à-dire un ou plusieurs partenaires qui connaissent les normes et les codes en vigueur. Notre Cendrillon à nous a été Dash et on a mené les premiers projets ensemble pendant la crise sanitaire. Là, on s’est aperçu que l’on apprenait beaucoup l’un de l’autre. Du côté de Dash, des process de développement de projets architecturaux très efficients, une relation client performante et de la rapidité dans la décision. Et chez nous, des méthodes créatives différentes avec du temps pour la prise de recul, une approche holistique, c’est-à-dire une réflexion globale à 360° sur la marque et sur les lieux. Tout cela a donné une combinaison appréciable de créativité et d’efficacité. Cette synergie, d’autre part, se distingue des agences américaines qui travaillent sur des verticales, comme l’hôtellerie ou le senior living. Il est maintenant manifeste que des agences de taille modeste comme Saguez & Partners, en comparaison à des agences américaines colossales, ont une agilité nettement supérieure.

Saguez et l’hospitality, c’est une grande histoire ?
B.G. Depuis sept ans, on a de plus en plus de projets d’hospitality, qui est finalement un métier évident dans le développement de Saguez. En effet, notre approche des lieux, que ce soient des bureaux, des aéroports ou des centres commerciaux, est basée sur une démarche d’hospitality, et notamment si l’on y intègre le digital. Il y a donc une forte logique à combiner développement international et hospitality. De plus, sachant que Dash ne fait que de l’hôtellerie et des restaurants, et sachant également que les plus grands groupes hôteliers sont aux États-Unis, il y avait une logique indiscutable de s’installer dans ce pays pour y développer notre offre hospitality dans un pays qui est connu pour son amour de la marque. Et puis, beaucoup d’innovations, qu’elles soient sectorielles ou digitales, se font aux États-Unis. De surcroît, s’installer au cœur de New York est une évidence pour apprendre encore plus vite. Pour information, on travaille actuellement à Scottsdale en Arizona sur un resort de 450 chambres, où l’on mène un chantier global de stratégie, branding, architecture d’intérieur et pilotage de l’architecture et du landscape. On y retrouve l’appétence américaine pour les designers français avec ce soin du détail et ce je ne sais quoi dont j’ai déjà parlé. 

Comment ressentez-vous le design aux États-Unis ?
B.G. Tout est design de marque aux États-Unis et la marque est omniprésente. On a évidemment tous en tête des designers comme Raymond Loewy ou des Français expatriés là-bas. Cependant, je n’ai jamais autant ressenti l’appétence pour le design que dans ce pays. L’intégration de la marque est partout, jusqu’aux vêtements des policiers qui sont parfaitement conçus. On a besoin du stimulus américain dans une période de morosité ambiante, en particulier en France. Il y a cette philosophie d’avancer aux États-Unis avec cet état d’esprit que l’échec n’est pas un problème. Et puis l’économie américaine en croissance est un levier dont on pourra faire profiter les équipes en France. Je souhaiterais également indiquer le profond respect dont bénéficient les designers américains de la part des entreprises. En France, on ne peut plus avoir un projet sans entrer dans un cycle d’appels d’offres, la plupart du temps non rémunérés, avec quatre à cinq agences en compétition. Aux États-Unis, on rédige un RFP de dix pages (ndlr : Request For Proposal), qui s’accompagne d’une réunion informelle où l’on présente ses réflexions. Le choix de partir avec un designer se fait de façon assez light si l’on considère le taux d’effort délirant en France, de surcroît dans des conditions économiques compliquées.

Un message pour terminer ?
B.G. Une designer de Saguez est déjà partie à New York : voilà qui donne des perspectives aux équipes. Pour ce qui me concerne, je m’installe là-bas en septembre prochain. De façon générale, nous sommes dans une période où il faut innover. C’était la philosophie d’Olivier, et c’est exactement la même pour l’équipe dirigeante en place, à savoir Thibault Saguez, Pierre-Olivier Pigeot et moi.

Une interview de Christophe Chaptal

Article précédemment paru dans le Design fax 1352