Guillaume Berthonneau, brand designer, travaille à la fois pour Anagram et pour son propre compte. Il nous transmet un regard très actuel sur son métier.
Guillaume Berthonneau, quel est votre parcours ?
G.B. J’ai 27 ans et cela fait huit ans que je suis dans le design. Auparavant, j’ai obtenu un bachelor chef de projet multimédia chez Digital Campus à Bordeaux. J’ai pu y découvrir les différents métiers du digital, comme le développement, le design, le motion design, la stratégie ou le community management. Avant de faire cette formation, je ne savais pas que je voulais être designer. Et ce métier est devenu une passion. En parallèle de mes études, j’ai passé beaucoup de temps à me former aux aspects techniques et aux outils, ainsi qu’à l’histoire du design, d’où un portfolio bien garni à ma sortie de l’école. J’ai commencé à travailler à l’âge de 21 ans en rejoignant BeTomorrow, une agence digitale de 50 personnes à ce moment-là, spécialisée dans la création d’applications mobiles connectées. Cette première expérience m’a fait découvrir la vraie vie et le travail en équipe. Ce qui était intéressant, c’est que j’étais le seul designer parmi les développeurs, avec par conséquent beaucoup de responsabilités tout de suite. J’ai notamment mis en place les bonnes pratiques avec clients et développeurs. Puis, à un moment donné, j’étais tout seul sur 6 à 7 projets et donc le recrutement de ressources supplémentaires en design s’est avéré nécessaire. Aujourd’hui, BeTomorrow ce sont 100 personnes, dont 8 designers, et je suis assez fier du travail réalisé ! Je suis resté 3 ans chez BeTomorrow et je suis ensuite allé chez Luni, studio de création d’applications mobiles. Là, j’ai bossé en particulier sur une application de paris sportifs avec coins gamifiés. C’est dans cette entreprise que j’ai commencé à faire vraiment du branding, en abordant à la fois les aspects stratégiques et de conception. En parallèle, j’ai commencé à effectuer du freelance pour Anagram. C’est chez Luni j’ai opté pour le format 4/5 e avec un cinquième jour consacré au freelance. Il s’agit d’un format intéressant qui permet de sortir la tête de l’eau, puis de se recentrer sur le travail de tous les jours après s’être mis pendant une journée sur d’autres problématiques. Enfin, en avril dernier, j’ai rejoint Anagram en CDI, mais toujours sur le principe du 4/5 e. Ce cinquième jour me permet de faire du freelance, mais aussi de me former et de tester de nouveaux sujets. Le free est consacré à ce qui me fait vraiment plaisir.
En quoi consiste votre job chez Anagram ?
G.B. Anagram intervient aussi bien pour des clients de type grand groupe que pour des start-up en France, mais également aux États-Unis : Fortuneo, Hero, Planity, Pennylane, etc. Nous sommes 7 personnes dans le studio, en incluant les deux fondateurs qui trouvent les sujets et impulsent les leads. Pour ma part, j’occupe la fonction de brand designer : je lance les créa, je communique avec les clients et je décline les assets. C’est un poste assez pluridisciplinaire avec les aspects touchant au design, au motion, au shooting et désormais à la typographie. Je travaille exclusivement en télétravail l’équipe d’Anagram qui est dispersée un peu partout : Rennes, Paris, Bordeaux et la Colombie. Ce distanciel oblige à être très cadré, mais cela me convient tout à fait. C’est très agréable.
Quelle est votre vision du métier ?
G.B. Je vais parler en tant que brand designer : on aura toujours besoin du brand designer, mais, en disant cela, on ne peut pas ne pas aborder la question de l’IA. Il y a des outils qui existent et il faut se les approprier pour comprendre pourquoi et comment cette technologie peut aider sur des tâches sans valeur ajoutée. Cela signifie que la valeur du brand designer se situe bien au-delà de la déclinaison d’assets. Le cerveau humain est irremplaçable et l’IA qui peut nous apporter une valeur supplémentaire, par exemple sur les moodboards pour fusionner des concepts et des images. L’IA sait très bien faire cela. C’est un outil qui doit être utilisé, mais en prenant systématiquement soin de placer le design à son bon niveau stratégique et créatif. On ne peut de toute façon pas louper le coche de l’IA et une différence va se créer entre ceux qui maîtrisent l’IA et les autres. De façon plus générale, tous les métiers évoluent et il faut énormément se documenter et s’informer pour suivre le mouvement. En 6 mois seulement, on peut se faire dépasser.
Un mot sur votre perception du design en France
G.B. On est un peu en retard en France sur plein de choses. Je parle sur un plan général du design, et notamment en matière de culture, d’organisation et de process. On travaille avec des agences étrangères et on voit que leurs niveaux de recul et de détail sont généralement plus travaillés que ce que nous faisons en France. La taille y fait pour beaucoup, évidemment. Cela dit, il y a des studios en France qui se détachent et qui vont dans le bon sens. Pour résumer, disons que l’on a une excellente expertise dans le domaine de l’advertising, mais sommes en retard en product et en brand.
Un message pour terminer ?
G.B. En considérant mon expérience junior et middle, je pense que, en tant que designer, il faut absolument partager son travail, et profiter de la puissance des réseaux pour avoir des feedbacks. Pour ce qui me concerne, je passe beaucoup de temps à partager mes créations sur les réseaux, car c’est source d’optimisation. Et puis, derrière, cela donne une image assez cool de ce que l’on est. Si beaucoup de designers ont du mal à trouver du travail, c’est soit parce qu’ils n’ont pas de portfolio, soit parce qu’ils sont invisibles sur les réseaux. Il faut partager impérativement du concept et du draft pour montrer sa passion et son implication. Je pousse tous mes collègues à le faire. Deuxième point, en matière d’inspiration, je fais de la veille sur pas mal de plateformes, dont Are.na, un peu méconnue des designers en France, mais très riche. Cela dit, Pinterest reste un bon outil. Autre plateforme de référencement de visuels que j’apprécie : Cosmos.
Une interview de Christophe Chaptal
Article précédemment paru dans le Design fax 1351