Onepoint = multidesign

Marion Jestin, experte en design de service et à l’aide à la maîtrise d’ouvrage au sein du cabinet de conseil Onepoint, nous en dit plus sur son métier et sur le positionnement du design dans son entreprise.

Marion Jestin, quel est votre parcours ?
M.G. Je suis diplômée de l’École des beaux-arts de Rennes et également diplômée de l’ENSCi en 2012. J’ai commencé mon parcours professionnel en travaillant dans l’agence de Stéphanie Langart qui intervenait pour des espaces commerciaux. J’ai ensuite rejoint le conseil – en quelque sorte sur un malentendu – en rejoignant Weave, cabinet qui a été racheté par Onepoint en 2019. Chez Weave j’étais rentrée pour faire de l’écoconception et en réalité j’ai fait de l’innovation durable, mais en dehors du produit. J’ai alors compris que le design dans ces conditions consistait essentiellement en un cadrage de définition de produits conçus par d’autres. Il fallait donc être très exigeant sur le brief à destination des agences de design qui passaient derrière. Au cours de ces premières années d’activité, j’ai pu constater que les Directions adressées, et notamment innovation et stratégie, avaient une vision sur le long terme par rapport aux Directions métiers. J’ai constaté qu’il y avait un frein du côté de la méthodologie et des outils du design lorsqu’étaient abordées ces visions sur le long terme. On s’est donc formés à la prospective stratégique sur le modèle de celui des arts et métiers pour aboutir à ce que nous avons appelé le design prospectif, c’est-à-dire la conception de services et produits dans une vision prospective avec l’utilisation du back casting. Le secteur public est très friand de ce type de démarche, qui consiste à imaginer les cibles à attendre dans un futur souhaitable. Dans cet esprit, on intervient pour des clients comme la Banque des Territoires, des collectivités dans le Grand Est ou à l’international avec la Côte d’Ivoire. Je dois dire qu’à partir du moment où on a un cadrage à réaliser dans un délai restreint, cela m’amuse beaucoup. 

En quoi consiste votre job chez Onepoint ?
M.G. Deux mots sur Onepoint au préalable : c’est un cabinet spécialisé en transformation digitale qui intervient sur l’ensemble de la chaîne de valeur du conseil, de l’amont stratégique au delivery, et ce, sur tous les produits et supports digitaux. Le design est donc présent un peu partout et à différents moments. Il est d’ailleurs intégré au socle commun de Onepoint et en constitue l’une des cinq composantes, avec la cybersécurité, la data l’IA, le cloud et les humanités. En matière d’organisation, Onepoint est réparti en communautés. C’est un mode de fonctionnement un peu particulier constitué de cercles autour desquels on navigue. Pour ce qui me concerne, j’appartiens au cercle Innovation et Stratégie, lequel comprend 120 personnes. Au sein de ce cercle, je fais partie d’un collectif de 25 leaders (ndlr : managers) qui pilotent, par exemple, des projets de refonte de parcours. À proximité se trouve la filière design qui comprend 20 personnes, composée essentiellement de designers de formation initiale, ainsi que des personnes qui se sont formées et sont en mesure de prendre en charge le design.

De manière générale, quelle est la place du design chez Onepoint ?
M.G. Chez nous, le design est une compétence clé et une expertise clé. Deux grandes typologies de profils sont présentes : ceux qui relèvent du design de service et qui vont travailler sur du cadrage en amont des projets et plutôt sur la durée avec d’autres Directions (où sont d’ailleurs logés les designers industriels) et les designers qui travaillent comme une agence interne (ndlr : 60 personnes) et qui font de la conception de produits et de services digitaux. Le design est la plupart du temps perçu comme une évidence dans les dossiers que nous traitons : par exemple, un acteur de l’immobilier veut mettre en place des ombrières sur ses parkings dans un but de récupération de l’énergie solaire. Et il souhaite sa propre ombrière. On va faire alors effectuer un cadrage stratégique global – usage, retour global sur investissement en incluant les données environnementales et faisabilité technique avec un partenaire métallier. À partir de là est réalisé un cahier des charges technique par un binôme designer et ingénieur auquel est accolé un expert en finances vertes, le tout pour disposer d’un encéphale conseil très analytique, apte à apporter de l’intelligence créative dans la conception. On a travaillé main dans la main avec l’architecte intégré au client, ce qui a permis d’aboutir à trois propositions numériques qui ont donné lieu à une maquette volume. Parfois, le design arrive de façon apparemment moins logique comme pour un autre acteur de l’immobilier qui souhaitait anticiper Scope 3 (ndlr : les entreprises de plus de 500 salariés doivent fournir à l’État un bilan d’émissions de gaz à effet de serre, ou BEGES, comprenant les émissions indirectes significatives, en vertu de la loi Grenelle II). Là, il fallait aménager des espaces vélo pour décarboner le trajet domicile-travail. Ce sont les designers qui sont intervenus dès le départ sur cette mission, car les problématiques d’usage étaient structurantes. Et c’est par la suite que la phase technique est apparue. On a utilisé les usages pour acculturer les parties prenantes du projet. Et c’est ainsi que l’on a aménagé tous les cheminements et stationnements cyclables pour le Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques d’été de 2024 (COJOP) et que nous avons pu répondu à une forte demande de mobilité active et de mobilité douce. Précisons que les ingénieurs nous ont beaucoup aidés dans la phase industrielle du projet.

Un message pour terminer ?
M.G. Chez Onepoint on a à cœur que le design ne soit pas qu’une démarche d’ingénierie, mais qu’elle puisse contribuer à réveiller la poésie, le beau, l’irrationnel. C’est pour cela que l’on a aménagé nos espaces de travail dans un souci d’harmonie. Nous mettons de la poésie dans ce que l’on fait, ce qui donne lieu à des expériences intéressantes pour nos collaborateurs. On a par exemple mis en place une curation autour d’objets d’art et de beaux livres pour éveiller les collaborateurs à l’esthétique et à la culture. 

Une interview de Christophe Chaptal

Article précédemment paru dans le Design fax 1336