frog : dans le sens du vent

Florent Charrasse est experience design lead chez frog, une entité de Capgemini, entreprise partenaire au niveau mondial de la 37e America’s Cup. À cette occasion, il nous dévoile comment frog et Capgemini ont développé le WindSight IQ en collaboration avec les équipes de l’America’s Cup.

Florent Charrasse, pourriez-vous vous présenter ?
F.C. J’ai un cursus dans les sciences de l’environnement et le développement durable à l’étranger et j’ai pris plus tardivement conscience du design et de la création au cours de mes différents jobs en Angleterre, Suisse, Irlande et États-Unis. J’ai pu me former au design de service et au design graphique dans différentes agences. L’experience design est venue ensuite. Actuellement, je travaille comme experience design lead chez frog où je définis les principes d’expérience sur des projets variés, aussi bien physiques que digitaux. Sur l’America’s Cup je conçois l’expérience, la scénarisation et la mise en œuvre liées au procédé WindSight IQ.

Qu’est-ce que le WindSight IQ exactement ?
F.C. C’est un système totalement intégré aux éléments éditoriaux de l’America’s Cup. Il s’agit d’une innovation qui combine technologie, data et design et dont l’objectif est de rendre visible l’invisible – le vent – pour permettre aux commentateurs et aux spectateurs de participer à la course de façon à la fois plus simple et plus captivante. Dans ce type de course, le vent joue un rôle majeur et la capacité des équipages à sentir le vent constitue un avantage indéniable. Il est donc intéressant de le raconter, ce qui permet d’aller dans la simulation stratégique et la compréhension des performances de tel ou tel équipage. Bien entendu, cette scénarisation est réservée aux commentateurs et spectateurs : les skippers n’ont pas accès à ces éléments. Précisons qu’il n’y a pas d’interactions avec les utilisateurs : ce sont les équipes du broadcast qui ont la charge d’afficher la représentation du vent sous forme de réalité augmentée ou d’un footage réalisé par les hélicoptères qui survolent la course. Sont ainsi affichées les particules de vent avec les données de pression et de vitesse et c’est ainsi que les commentateurs peuvent raconter l’histoire de la course et que les spectateurs vivent une expérience immersive. J’ajoute que l’on passe de façon instantanée de la réalité augmentée à la réalité virtuelle et que c’est la première fois que l’on modélise avec autant de précision la vitesse et la direction du vent. On recherche en permanence le juste équilibre pour rendre le spectacle plus captivant possible. On fera le bilan début novembre, mais on est bien parti pour dépasser le milliard de vues.

Quel a été l’apport du design dans ce projet ?
F.C. Le rôle du design a été majeur, et d’abord lors du brief pour savoir comment l’on devait représenter le vent et à quel moment il était opportun de l’afficher. Et puis il fallait créer de l’engagement et de l’excitation avec des changements météorologiques rapides : les hélicoptères changent d’altitude et la lumière varie. Le design a également été là lors du storytelling et de l’incarnation visuelle avec cette innovation qui consiste à afficher les données avec une précision extrême : nous ne sommes pas dans un modèle météorologique classique. On devait par conséquent s’éloigner des codes habituels de la marine sans pour autant exclure les spectateurs experts. D’autre part, le design a eu un rôle de coordination. Il a fallu en effet combiner l’équipe projet, l’ingénierie, les équipes de l’America’s Cup ainsi que les nombreuses parties prenantes de Capgemini. En résumé, le design a permis d’exprimer une vision, une expérience, et donc de tracer la ligne directrice du pilotage du projet, et notamment du point de vue de la technologie.

Quel est l’intérêt du WindSight IQ pour frog et plus largement pour Capgemini ?
F.C. Ce qui est certain c’est que l’on veut montrer notre capacité à maîtriser n’importe quel enjeu d’innovation. Partir d’une hypothèse, quelle qu’elle soit, et avoir la capacité de la matérialiser. En trame de fond, il faut y voir la volonté de Capgemini d’apporter des technologies de pointe dans le cadre de partenariats sportifs, sans pour autant avoir une d’ambition stratégique de passer à un stade industriel. À chaque fois nous faisons du sur-mesure, comme avec la data pour Peugeot Sport pour qui nous sommes le partenaire technologique. Et c’est le même principe avec la Ryder Cup. Notre démarche de fond est toujours la même : d’abord on recherche, et ensuite on voit si on peut appliquer. Et pour l’America’s Cup on est très fiers du résultat : on diffuse dans 180 pays avec 80 broadcasters. Et nous constatons que cette façon de représenter le vent est déjà devenue un standard puisque l’America’s Cup réitérera l’opération lors de la prochaine édition.

Une interview de Christophe Chaptal

Article précédemment paru dans le Design fax 1337