Surf + Pulp : prendre la vague

Matthieu Delapalme, cofondateur de Pulp Branding et Design, et Arnaud Kervella, directeur associé de Surf Groupe, nous en disent plus à propos du rapprochement des deux entités.

Matthieu Delapalme et Arnaud Kervella, pourriez-vous vous présenter ? 
M.D J’ai commencé avec une formation en école de commerce en France et aux États-Unis. Ensuite, j’ai rejoint CBA pendant sept ans ans, puis Euro RSCG Design pour développer l’Amérique du Sud – Chili, Argentine et Brésil. Euro RSCG Design est par la suite devenue Pulp et est sortie du Groupe Havas en 2006 pour devenir indépendante. C’est à ce moment que nous l’avons reprise avec mon associé Simon Bouanich. Pulp a continué à se développer et en juin 2023 nous rejoignons Surf.
A.K. Pour ce qui me concerne, j’ai une licence de packaging et conditionnement agroalimentaire. Avec un père imprimeur, autant dire que j’ai vécu dans les étiquettes et l’industrie alimentaire ! J’ai commencé à travailler dans une agence de packaging en Bretagne. En 2002, j’intègre Carrefour pour 12 ans comme chef de projet packaging puis achat marque distributeur, en touchant en particulier les aspects techniques de vente, consensus marchés ou besoins industriels. Ensuite, je suis passé chef de groupe France packaging. En 2010, je suis promu directeur packaging Europe. En 2013, j’ai voulu revenir en agence et j’ai rencontré Olivier et François Goldenberg, les fondateurs de Surf. C’est notamment à la suite de cette belle rencontre que nous avons décidé de développer le département pack ainsi que le pôle design.

Pourquoi ce rapprochement entre Pulp et Surf ?
A.K. Surf est un groupe indépendant avec une forte complémentarité des fondateurs sur des valeurs clés comme l’engagement, le respect et l’esprit d’entreprendre. Nous sommes structurés autour de cinq pôles d’expertise, dans une approche 360° : design, santé, contenu digital, luxe et real estate. Nous réalisons 12 millions de chiffre d’affaires et l’activité a doublé en cinq ans. Nous sommes une agence jeune, en bonne santé financière avec la volonté de se développer sur notre marché selon un positionnement pragmatique et spécifique, autrement dit un déploiement en matière de création et d’exécution sur les produits de grande consommation. On recherchait depuis 18 mois une structure proche de nos secteurs, mais avec une expertise en amont de la nôtre : le branding stratégique. On voulait d’autre part une agence géographiquement proche pour faire travailler les gens ensemble. Et puis, Mathieu et moi on se connaît depuis 10 ans, et cela crée des liens !
M.D Pulp est une agence spécialisée sur la marque et l’identité, consumer et corporate, référente sur le marché depuis 20 ans avec de belles créations pour des marques patrimoniales françaises comme St Michel, Cassegrain ou Petit Navire. On les a fait changer d’époque pour rentrer dans un mode de consommation contemporain. On arrivait à un moment de notre vie d’entreprise avec un associé qui souhaitait poursuivre d’autres objectifs. Il nous fallait aussi être plus forts avec des enjeux de taille critique sur un marché très compétitif. Et puis, le besoin aussi de mieux maîtriser l’ensemble de la chaîne graphique. Car la stratégie c’est bien, mais l’exécution c’est tout ! Pour qu’une marque se projette bien, il faut qu’elle s’exécute parfaitement, dans des contextes, de surcroît, où les équipes marketing se réduisent de plus en plus chez l’annonceur. Pour résumer notre rapprochement avec Surf, c’est un effet combiné de conjoncture, de stratégie, mais aussi l’histoire d’une rencontre avec Olivier et François Goldenberg, entrepreneurs dynamiques et ouverts. Quant à Arnaud, il l’a dit, on se connaissait déjà et on s’appréciait. Tout cela donne beaucoup de bonnes raisons pour que tout s’enchaîne avec une complémentarité évidente. Nous avons donc fait affaire ! La marque Pulp doit être référente sur le marché dans notre compartiment de jeu et contribuer à ce que notre métier soit utile et porteur dans le monde de demain. Nous avons un portefeuille très fort en agroalimentaire et en corporate qui s’ajoute à celui d’un autre groupe très fort sur les marques, mais qui souffre sans doute d’une image en retrait par rapport à ce qu’il réalise. Le nouvel ensemble va certainement connaître une belle croissance à tout point de vue.

Comment positionnez-vous le nouvel ensemble ?
M.D Ce sont des métiers de gens. On a des équipes de grande qualité. On crée de la valeur pour nos clients, de l’amont à l’aval. On est très techno avec un savoir-faire dans la mise en œuvre des solutions. C’est assez particulier sur le marché cette forte démarche d’innovation. On est loin du design traditionnel, avec une méthodologie qui permet de répondre à la fois à un besoin de déconsommation, mais aussi une envie de consommer qui demeure forte. D’où une interrogation sur le produit lui-même et sur ses aspects techniques et industriels. Et d’où une réflexion importante sur la valeur d’usage. Beaucoup de choses restent à faire pour retrouver des produits construits différemment et davantage respectueux, portés par des marques qui sont sur ce même positionnement. Auparavant, la marque était la priorité et les produits suivaient. C’est fini et nous sommes dans une démarche inverse. Notre équilibre entre humain, technologie et stratégie constitue un mélange original. On essaie aussi de bien intégrer les valeurs entrepreneuriales de nos clients. Le designer mélange cerveau droit et cerveau gauche de façon étonnante. On a un rôle à jouer en ce sens. Et puis, on est indépendant, ce qui signifie forcément tonique, avec l’envie d’avancer. 
A.K. On se positionne résolument dans l’innovation. Dans le produit, bien sûr, mais aussi dans les services que nous proposons à nos clients comme celui qui consiste à accompagner leur démarche d’innovation. C’est le rôle d’une agence de design de développer des prestations spécifiques pour mieux servir son client, notamment en fonction de ses besoins et contraintes. Enfin, Mathieu parlait de taille critique : nous répondons de plus en plus souvent à des appels d’offres organisés par les achats indirects. Là, la solidité financière est déterminante. Encore un aspect qui milite pour le nouvel ensemble que nous avons constitué.

Votre vision du business en France et au-delà ?
M.D Nous sommes dans un contexte conjoncturel en montagnes russes qui demande solidité et souplesse. Notre métier a un avenir, car il très juste par rapport à l’époque qui nous attend. Faire aussi bien avec moins ou de façon plus responsable, tout en créant de la valeur – il s’agit de changer de modèle. L’agence de design a des réponses spécifiques dans le sens où elle descend sur le produit, où elle travaille sur des éléments tangibles. Le développement durable, ce sont aussi des actions très concrètes, et cela est familier au designer. Il n’y a pas beaucoup d’autres métiers qui savent faire ça. Il y a donc un vrai avenir pour nos métiers. D’autre part, la marque est un atout incroyable et les entreprises en ont de plus en plus besoin, avec des sujets majeurs comme le digital ou les lieux de vente. Le contexte de vie de demain est à repenser entièrement. Cela dit, nos métiers sont très compétitifs et pas assez valorisés et n’attirent donc pas assez des gens de valeur. Et merci, au passage, à l’ADC qui porte les bons messages, notamment dans les écoles. Il faut trouver la bonne manière de dimensionner nos métiers en France, alors que nous avons des designers qui travaillent dans le monde entier. 
A.K. Tout à fait d’accord. J’ajoute que l’intelligence d’une agence a beaucoup à gagner dans des contextes durs et en particulier par une meilleure connaissance de ses clients et futurs clients. L’agence doit réussir à valoriser son intervention comme partenaire sur toute la chaîne de valeur, de l’idée à la réalisation. On est très confiant dans notre positionnement et notre mode de relation avec le client. On a besoin de davantage de proximité. Il faut que l’on apporte des prestations et des solutions nouvelles, tout en restant attentifs à la rentabilité pour l’ensemble des parties prenantes.

Un message pour terminer ?
M.D Je suis très content que Design fax se développe, car c’est un média indispensable pour mieux faire connaître nos métiers. Le design d’entreprise est important, tout en laissant une part de rêve et de créativité et de liberté. Cultivons cela. 

Une interview de Christophe Chaptal

Article précédemment paru dans le Design fax 1294