Jérôme Lhermenier, directeur général de FutureBrand Paris, nous fait part des actualités de l’agence, et en profite pour passer quelques messages.
Jérôme Lhermenier comment allez-vous ?
J.L. Très bien. Cette rentrée présente d’ores et déjà un premier bilan 2023 satisfaisant avec une croissance organique attendue en fin d’année de l’ordre de 5 à 10 %. Au vu du contexte actuel, c’est très satisfaisant et loin d’être anecdotique. Et puis, on a eu 13 awards ces derniers mois sur des prix nationaux et internationaux prestigieux, ce qui constitue de belles récompenses pour nos clients et collaborateurs. On a d’autre part l’immense chance de gérer et être le garant de marques emblématiques, comme Sanofi ou Roland-Garros. Enfin, nous continuons notre chemin sur l’engagement RSE, puisqu’après EcoVadis ou LUCIE nous sommes en route pour être labellisés B Corp. Tout cela ne doit cependant pas obérer le fait que pour croître dans nos métiers, il faut savoir faire preuve d’une grande flexibilité et réactivité, car les contextes sont rapidement changeants.
Pourquoi avez-vous opté pour une codirection de la création ?
J.L. On s‘est beaucoup posé la question de réinventer la gouvernance de l’agence et on s’est rendu compte de notre volonté d’avoir une direction de la création qui facilite les interactions, la responsabilisation des talents et la porosité des idées, sans oublier, bien sûr, une émulation permanente avec des interrogations constantes sur le positionnement des marques. En d’autres termes, il faut créer des écosystèmes de talents et non pas miser sur une organisation rigide. C’est pour toutes ces raisons que nous avons décidé de faire monter un talent historique de l’agence, Doriane Naufle, qui sera en binôme avec Jonathan Mignot (FutureBrand, BETC Design et Spintank) qui nous rejoint pour un comeback. Ce sont deux personnalités assez extraordinaires qui se complètent parfaitement avec des valeurs convergentes. Bref, un choix très stratégique pour nous et en miroir de notre fonctionnement.
Vous avez accompagné Gervais cette année : qu’avez-vous fait pour eux ?
J.L. Gervais est le parfait exemple de ce que l’on aime faire : transformer une marque pour la reconnecter avec le plus profond d’elle-même. D’abord, ce fut un travail archéologique pour comprendre son mythe fondateur et la réaligner avec son originalité première. On n’a pas voulu jouer la nostalgie, mais reprendre ce que la marque avait perdu et traiter tout cela de façon impactante et contemporaine pour qu’elle retrouve sa vérité. D’ailleurs chez Danone ce travail est considéré comme un cas d’école tant le résultat paraît évident. Plus largement, la réinvention pour les marques est un processus important, car les belles marques doivent marquer l’époque et influencer le monde qui nous entoure – je dirais même qu’elles doivent résonner avec lui. Elles sont une matière vivante et doivent démontrer comment elles leadent la société. Dans des contextes économiques, sociétaux et environnementaux toujours en mouvement, les marques ne doivent pas perdre leur raison d’être, mais se placer en écho. Il y a parfois des « logiques de rente » qui font perdre de la force aux marques. Nous sommes là pour éviter cela.
Quelle est votre posture face à l’IA ?
J.L. Notre challenge, comme toute agence issue de l’industrie créative, est d’aborder l’IA comme un levier d’exploration, de prototypage et d’intuition. C’est une matière riche dont l’enjeu dépasse le seul design. Je n’attends pas que seuls les créatifs expérimentent le sujet, mais que toute l’agence s’acculture au sujet. Il faut créer de l’appétence sur l’IA, et c’est un travail de toutes les équipes. La réponse est d’ailleurs aussi bien d’ordre juridique (droits), stratégique et opérationnel. Cela signifie qu’il faut un chemin d’adoption pour l’ensemble des collaborateurs.
Comment le design est-il perçu par le grand public ou le consommateur ?
J.L. Je ne suis pas certain de ce que les uns ou les autres mettent derrière le mot design. Il n’y a pas a priori d’immenses attentes en matière de design : soit on est au-dessus, soit en dessous. C’est donc à nous (et aux marques), collectivement, d’expliquer clairement ce que sont les leviers du design et pourquoi ils sont si importants.
De façon générale, sur quoi les marques doivent-elles accélérer ?
J.L. Comme je le disais, la marque est un matériau vivant et je trouve, que, dans la relation avec les clients, on n’arrive pas toujours à convaincre comme il le faudrait qu’elle est une véritable boussole stratégique. On devrait pouvoir aller dans les Comex et parler de stratégie. Et même si le business model d’une agence de design est calé sur le mode projet, on devrait être capable de se situer au niveau de la gouvernance de la marque. C’est l’une des raisons pour lesquelles j’ai rejoint l’ADC (ndlr : Association Design Conseil) pour apporter ma part au sein d’une corporation qui ne porte pas toujours une parole unifiée.
Un message pour terminer ?
J.L. Je serais ravi que collectivement on puisse faire rayonner le design français. On a trop entendu qu’il n’y a pas assez de design français en France, ce qui n’est pas tout à fait exact. Par exemple, nous avons de remarquables professionnels de la typographie : voilà un levier – parmi d’autres – pour mettre en valeur le design français.
Une interview de Christophe Chaptal
Article précédemment paru dans le Design fax 1292