Outercraft : dérisquer l’innovation

Florian Auger, fondateur d’Outercraft, nous parle de son agence de design global spécialisée en produits hardware, qui nourrit de solides ambitions.

Florian Auger, comment allez-vous  ?
F.A. Ça va bien. On vit une belle période, dynamique, avec beaucoup de motivation pour les collaborateurs, pour moi et pour nos clients. Pour information, nous sommes une équipe d’une dizaine de personnes dont l’expertise s’est développée au-delà du design produit et de la technique, avec notamment le branding, mais en restant toujours dans le domaine du produit. Notre métier est celui du produit physique et on veut y rester.

Quelles sont les actualités d’Outercraft ?
F.A. On est en train de construire un nouveau bâtiment, car nous sommes actuellement dans des locaux d’où nous devons sortir. On a eu l’opportunité de disposer d’un bâtiment de 750 m² dans une zone d’activité hyper dynamique à Bayonne, ce qui nous permettra de monter en qualité de service, tant pour nos clients que pour nos collaborateurs. C’est un lieu où l’on pourra également développer la cocréation et la partie prototype. Cela représentera une part importante de l’identité de l’agence, avec une vraie expérience pour chacun de nos visiteurs. Je vois cet endroit comme un hub de haut niveau en matière de réflexion stratégique pour construire des propositions en design produit, mais aussi pour penser le futur des marques. Ce sera également la possibilité d’accueillir notre réseau, qui est de plus en plus internationalisé, pour des évènements et des conférences. Nous hébergerons également l’un de nos clients du domaine de la santé, pour qu’il installe sa chaîne d’assemblage. Précisions que nous finançons cette construction par emprunt : on s’engage donc économiquement dans l’avenir de l’entreprise, car nous sommes encore une petite agence. Il s’agit là d’un gros levier de croissance. Autre bonne nouvelle, DAM Motors (cf. interview dans le Df 1178), l’un de nos clients emblématiques, a été repris par Peugeot Motocycles, ce qui constitue en soi une belle récompense, car c’est en quelque sorte une reconnaissance de la qualité du travail tant créatif que technique que nous avons fourni. Autres sujets, on a démarré une collaboration avec MiIllet sur des projets dont je ne peux pas encore parler. D’autre part, sera dévoilé cet été le résultat de notre collaboration avec Decathlon.

Comment voyez-vous cinq prochaines années ?
F.A. On veut s’ouvrir au marché européen et on va l’affirmer dans notre stratégie. On a aussi une nouvelle vision à apporter en matière de gestion opérationnelle de projets innovants, avec une méthode très singulière qui nous permet, entre autres, de caler notre service pour les grandes entreprises. Enfin, on veut répondre à des projets ambitieux, et pour cela, nous visons à doubler de taille rapidement. On a de bons relais avec la Suède et l’Allemagne et on souhaite continuer à nous développer dans cette direction, d’autant que leur pratique du design est différente de la nôtre et que l’on peut s’inspirer de ce qu’ils font en rejoignant leur écosystème. On a également des clients chinois, de gros groupes, qui viennent nous voir pour démarrer des études de marché sur des segments spécifiques comme la pompe à chaleur de piscine. De façon générale, et pour chaque projet, on confronte très en amont un panel d’utilisateurs aux projets. Cela signifie que plus on avance dans le projet, plus on le dérisque. On est donc très solide en matière d’innovation, en particulier parce que, pour nous, l’innovation est une opportunité et non un risque.

Pourquoi le design industriel est-il encore si peu reconnu, du moins en France ?
F.A. Cela fait longtemps que je me pose la question. Si les choses sont différentes en Allemagne et dans les pays scandinaves, c’est sans doute parce que dans ces pays, les entreprises ont beaucoup de partenaires extérieurs qui ont l’habitude de se connecter les uns avec les autres. Pour les donneurs d’ordres, ce n’est pas un problème si la valeur provient de l’extérieur. En France, c’est l’inverse : il faut absolument garder la maîtrise de la valeur en interne. Si on nouait des partenariats basés sur un principe de rémunération liée aux résultats, ce ne serait pas une si mauvaise chose, car cela renforcerait notablement le poids du design industriel dans notre pays. Bref, on est en France dans une problématique culturelle contre-productrice : penser que l’on fera des économies à tout faire en interne. Le bon format est sans doute de faire travailler des designers intégrés et des designers externes. Il faut aussi développer les réseaux d’entreprises, car dans d’autres pays les entreprises sont très liées, y compris financièrement. Mais il y a aussi des choses à dire du côté des agences de design produit qui se contentent trop souvent de fournir un service design qui n’est pas d’un niveau suffisant pour prétendre aller vers un partenariat stratégique. C’est pour cela que nous devons toujours être au meilleur niveau d’expertise et avoir un temps d’avance, sinon on a peu de valeur à apporter. Pour dérisquer l’avenir, il faut une méthode pointue, et la valeur d’Outercraft vient aussi de là. C’est le levier sur lequel nous travaillons.

Un message pour terminer ?
F.A. Je suis constamment en recherche d’apprentissage et avec la volonté de travailler avec des gens intéressants, pour utiliser la matière grise à fond. Toute personne dans cet état d’esprit est la bienvenue pour avancer avec nous.

Une interview de Christophe Chaptal

Article précédemment paru dans le Design fax 1286