Figma : croissance collaborative

Lucie Bordelais, directrice générale Europe du Sud de Figma, nous parle de son entreprise qui connaît une très forte croissance dans l’écosystème du design.

Lucie Bordelais, pourriez-vous vous présenter ?
L.B. J’ai fait Dauphine et je travaille dans le secteur de la tech depuis 20 ans, notamment en matière d’audit financier. J’interviens plus particulièrement dans le domaine du SaaS depuis 10 ans. Je suis arrivée chez Figma il y a un an, lors du lancement de la filiale française à Paris, pour prendre en charge l’Europe du Sud – et par conséquent la France – avec l’idée de bien comprendre qui sont nos clients et quelles sont leurs attentes. Pour vous donner une idée, 80 % des utilisateurs de Figma se situent en dehors des États-Unis. Il est donc important pour nous d’être implanté à l’extérieur. En parallèle de l’Europe du Sud, on a ouvert au Japon et en Allemagne.

Quels sont l’activité et le positionnement de Figma ?
L.B. Figma est un outil de design collaboratif qui permet de concevoir des applications et des interfaces digitales à destination de l’Internet, des applications mobiles, mais également pour toutes sortes d’interactions homme-machine. Au cours d’une journée, lorsque l’on regarde le nombre d’interactions digitales qui ont lieu, on réalise combien les quantités sont considérables et de surcroît en constante augmentation. Ce monde digital qui était au départ géré par les développeurs a progressivement été repris par les designers pour s’assurer que les interactions s’effectuent de la façon la plus agréable possible pour l’homme. Les designers deviennent donc majoritaires en tant qu’utilisateurs de Figma, tant pour ce qui concerne les entreprises spécialisées dans le digital que pour celles situées dans d’autres secteurs d’activité. En matière de part de marché, nous estimons être le leader mondial avec environ 100 millions d’utilisateurs. Figma compte aujourd’hui un peu plus de 1 000 collaborateurs et réalise 50 % de son chiffre d’affaires hors États-Unis, c’est-à-dire là où les marchés font état d’une progression plus rapide que notre marché domestique, déjà très mature.

Pourquoi avoir choisi d’implanter une filiale en France ?
L.B. Figma est une solution qui a grandi de façon virale. Les designers de la tech ont connu Figma de façon naturelle via les États-Unis et les communautés. Ce monde des designers nous est donc familier. Il se trouve qu’en France nous avons des industries fortes, comme le luxe, la distribution ou le luxe, qui sont des secteurs qui ont été particulièrement touchés par la révolution technologique et qui se doivent de maîtriser parfaitement le digital pour demeurer concurrentiels. Depuis un an, on s’aperçoit d’ailleurs que certains se sont spectaculairement améliorés sur ces sujets. Ce qui est intéressant, également, c’est que la France est très conditionnée, comme partout en Europe, par les directives européennes et notamment celles qui concernent l’accessibilité au numérique. Et ce contexte a de fortes répercussions sur les façons de concevoir et de mettre en œuvre une offre digitale. Lorsque l’on parle avec les administrations et les grands groupes, l’on voit bien que ce sont des sujets clés. Pour information, nous avons tous les ans une convention aux États-Unis et le thème de l’accessibilité sera traité cette année par une entreprise française, Canal+. 

Qu’en est-il de l’acquisition de Figma par Adobe ?
L.B. L’idée de fond est de se dire que dans un monde où tout va très vite, le fait d’être adossé à un  grand groupe comme Adobe, en mesure de se prévaloir de moyens R&D considérables, est forcément un avantage, tant pour servir le client qu’en matière de croissance. En termes de timing, une offre d’achat a été lancée, et comme vous le savez, un processus de revue est en cours. Je sais que Figma travaille avec les instances de régulation au Royaume-Uni, en Europe et aux États-Unis pour que le deal soit finalisé en temps voulu.

Quelles sont les ambitions de Figma pour les années à venir ?
L.B. On discute beaucoup avec nos clients, et avec l’écosystème du design en général. Ce que l’on nous dit est qu’il y a un sujet majeur qui concerne le lien à optimiser entre designers et développeurs, car ces deux univers ne communiquent pas toujours facilement. Notre ambition est d’amener les designers et les développeurs à se parler avec un langage commun et à utiliser des outils similaires. Il est en effet dommage d’entendre un designer dire “j’ai conçu un  truc formidable que je ne retrouve pas après que le technicien s’est en occupé”. C’est une problématique assez courante dans tous les compartiments du design et notre objectif, vous l’aurez compris, est de contribuer à la résoudre grâce à nos outils. 

Votre analyse du Design Ops ?
L.B. Les spécialistes du Design Ops sont très attachés à la notion de design system et il se trouve que Figma est un bon réceptacle aux design systems, qu’il sait faire vivre de façon créative, mais rigoureuse : c’est ce qui plaît aux designers. 

Et l’IA ?
L.B. L’IA est un sujet important pour nous. On se demande tous comment l’IA va chambouler nos jobs, mais sans avoir la réponse pour l’instant. Si la question de l’accessibilité est une tendance lourde, celle de l’IA l’est également – même si pour cette dernière l’on ne parle pas à six mois, mais sur un plus long terme.

Un message pour terminer ?
L.B. Pour nous, le point majeur est de faire vivre la communauté des designers. Cette notion de communauté est cruciale, car si les designers n’avaient pas adopté Figma il y a cinq ans, on n’en serait pas là aujourd’hui.

Une interview de Christophe Chaptal

Article précédemment paru dans le Design fax 1284