Okoni joue la carte Change

Brice Jehanno, co-fondateur d’Okoni, nous parle de son agence, récemment acquise par le groupe de communication Change.

Brice Jehanno, rappelez-nous votre parcours
B.J. J’ai effectué une prépa HEC puis suis allé faire mes études à l’ESC Reims. La première partie de mon parcours fut de l’audit financier et du  commissariat aux comptes chez EY. Ensuite, je suis passé chez PwC pour faire du transaction services, et notamment de la due diligence dans le cadre de rachats ou de fusions. Je me suis assez rapidement aperçu que je n’étais pas vraiment attiré par le milieu de la finance et j’ai décidé de m’investir dans le milieu politique en travaillant comme directeur de cabinet pour Montereau-Fault-Yonne et Lourdes. Après cela, j’ai intégré IDRH qui avait introduit en France la sociologie des organisations. Là, j’ai eu des missions très intéressantes, en particulier au Gabon, pour accompagner des ministères pilotes dans des réformes de l’État. C’est d’ailleurs chez IDRH que j’ai rencontré mon futur associé Pierre Baudry avec  qui j’ai cofondé Okoni en 2013.

Quels sont le positionnement et l’activité d’Okoni ?
B.J. Okoni est une agence de design et d’innovation créée par deux non-designers. C’est sans doute pour cela que l’on nous appelle parfois les « barbares du design ». Et c’est aussi pour cela que l’on a créé la revue iconique Barbaricum dont le nom évoque la zone tampon entre  l’empire barbare et l’empire administré par les Romains. Cela est révélateur de notre positionnement : on travaille pour des entreprises installées afin de leur faire prendre un schéma de traverse, c’est-à-dire prendre des décisions autrement. Chez Okoni on veut arrêter de travailler par le haut pour se rapprocher des projets. C’est dans cette optique que nous nous sommes inspirés de ce que fait IDEO, pour constituer en quelque sorte une IDEO à la française. Nous avons un lieu extraordinaire de 500 m² à Montreuil, le MA, où l’on fait de l’intelligence collective et où nous disposons d’un atelier digital et d’un atelier de fabrication, ce qui nous permet de prototyper dans d’excellentes conditions. Ce lieu est un peu le paradis du créateur ! Le gros avantage du prototypage est qu’il nous permet d’expérimenter. En effet, notre but est d’expérimenter pour mieux transformer. Je peux dire que nous sommes les pionniers dans l’expérimentation : comment concevoir, comment prototyper, comment projeter, comment tester. Aujourd’hui, notre slogan est « Redonner le pouvoir d’agir ». Nous redonnons le pouvoir d’agir dans trois secteurs clés que sont la santé, les territoires et l’économie circulaire. Lors des étapes de transformation, on va redonner du pouvoir d’agir aux collaborateurs en montant des chantiers  d’expérimentation à partir de défis stratégiques posés par la direction. En matière de fonctionnement, nous sommes une dizaine de personnes chez Okoni  : designers, ethnologues, architectes prototypistes et consultants. C’est une équipe de gens très différents que l’on fait travailler ensemble. Nous sommes de surcroît associés à un laboratoire d’économie expérimentale, le LEEM, basé à Montpellier. 

Pourquoi avoir rejoint Change  ?
B.J. Petit retour en arrière : en 2018 on a voulu s’allier à la société d’études BVA (ndlr : groupe The BVA Family) en faisant le pari que l’activité études allait nous ouvrir de nouveaux horizons. En effet, les études permettant d’aller plus loin dans le diagnostic, cela aurait dû, en principe, nous donner davantage de possibilités d’agir. Mais le pari a été raté, car la synergie avec la grosse machine qu’est BVA ne nous a pas permis de nous développer comme on le pensait. Il y a des responsabilités d’un côté comme de l’autre, mais, surtout, le monde des études et celui de la transformation sont trop différents, avec un gap culturel important. Bref, BVA, en bonne intelligence avec nous, nous a cédé à Change. Il s’agit d’un groupe de communication de premier plan de 100 personnes, avec deux entrepreneurs à la tête qui connaissent très bien les patrons des grosses PME, ce qui signifie un accès direct aux dirigeants. Cela représente un avantage pour nous. Nous estimons que l’alliance des mondes de la communication et du design est un pari gagnant. L’une des clés du succès lors d’une transformation est de mettre en mouvement les équipes, et pour cela il est obligatoire de créer des imaginaires – la communication étant une machine à créer ces imaginaires. Change va nous aider à construire des futurs enthousiasmants où l’on saura mettre en mouvement et donner le pouvoir d’agir. L’idée est bien sûr que les décideurs osent décider autrement. Ne plus être dans son coin avec son Comex, mais poser une vision puis demander aux collaborateurs d’expérimenter à partir de là. Au-delà du collaboratif, nous sommes dans une façon de travailler inductive. Il s’agit d’une révolution copernicienne de la stratégie, en quelque sorte. Enfin, le fait que Change travaille sur la bénévolence, c’est-à-dire aide les marques à avoir un impact positif, nous plaît beaucoup. En résumé, Okoni est là pour sortir du discours et pour fournir des actes et des preuves.

Vos ambitions pour les années à venir ?
B.J. Nous visons les trois millions d’euros de marge brute en 2024 contre un million aujourd’hui, ce qui correspond à un triplement de notre taille actuelle. De façon générale, et inspirée par IDEO, Okoni veut se positionner en challenger des cabinets de consulting traditionnels, avec une approche différente – expérimenter pour mieux transformer, c’est-à-dire faire de la stratégie chemin faisant et avec les collaborateurs.

Un message pour terminer ?
B.J. En 2013, on était un peu pionnier sur les sujets de design thinking. Depuis quelques années, tout le monde en parle. Aujourd’hui, nous considérons que la frontière c’est l’expérimentation. On a bâti des méthodes et des outils en ce sens pour que le chemin d’expérimentation soit finalement celui de l’apprentissage. On met en mouvement pour mieux apprendre et donc avancer dans une bonne direction.

Une interview de Christophe Chaptal

Article précédemment paru dans le Design fax 1283