Retail 3D : define, design, deliver 

Nathalie Rosenblum et Sarah Monsallier, cofondatrices et directrices associées de Retail 3D, s’expriment à propos de l’activité et du positionnement de leur agence.

Nathalie Rosenblum et Sarah Monsallier, pourriez-vous vous présenter ?
N.R. J’ai 53 ans et j’ai une formation ESCP complétée par un master à l’Institut Français de la Mode ainsi qu’un Executive MBA à HEC. J’ai donc une casquette stratégie et business. D’autre part, j’ai toujours eu des fonctions dans le domaine du retail, notamment chez Cerruti 1881, Escada, Du Pareil Au Même ou encore Nike où j’ai dirigé le retail pour la France pendant trois ans en matière de stratégie, de développement (en propre et pour les franchises) et d’exploitation. Chez Retail 3D, je suis le premier D, c’est-à-dire le Define, et j’agis avec une équipe de cinq personnes. Je m’occupe également du back-office, des RH et de la gestion 
S.M. J’ai 52 ans et 25 ans de retail. J’ai fait l’École Duperré où j’ai suivi un BTS Expression Visuelle, Images de communication. J’ai commencé ma carrière dans l’enseignement des arts appliqués, puis au bout de deux ans je suis allé chez IKEA comme architecte d’intérieur. J’ai ensuite rejoint Nike où j’ai passé huit ans successivement comme architecte, responsable merchandising, acheteuse et chef de produit. C’est d’ailleurs chez Nike que j’ai rencontré Nathalie. Chez Retail 3D, j’ai la responsabilité du deuxième D, le Design. Je travaille avec une équipe de 13 designers et je dispose d’un studio 3D qui tourne sous 3ds Max. J’ai également dans l’équipe des spécialistes identité visuelle et merchandising, du fait de notre approche très produit du retail. Nous sommes en effet beaucoup sur des points de vente avec des produits, même si nous nous occupons aussi de point de vente de services. 
N.R. Je voudrais en profiter pour présenter Laurence Istrou, également cofondatrice et directrice associée, que j’ai rencontrée chez Escada et que j’ai retrouvée chez Nike. Laurence a toujours été sur le terrain, en commençant comme démonstratrice en points de vente, puis responsable de concessions dans les grands magasins, puis en pilotage de franchises sur la dimension exploitation. C’est elle qui porte le troisième D de l’agence, le Deliver, c’est-à-dire la maitrise d’œuvre – ce qui explique sa forte présence sur les chantiers.

Parlez-nous de Retail 3D
N.R. On a créé Retail 3D il y a 14 ans et nous avons fait entrer un actionnaire majoritaire en 2018, Diam Group. Cela dit, la politique de cet actionnaire est de laisser chacune de ses entités très indépendante. Nous gérons donc Retail 3D comme on le faisait avant, tout en bénéficiant des synergies du groupe, notamment à l’international, ce qui a été, par exemple, l’occasion de collaborer en Chine avec Armani. Nous sommes une quarantaine de personnes et notre raison d’être est d’accompagner durablement la transformation des marques d’enseigne. Concernant notre activité, et même si on ne l’a pas encore nommée avec un quatrième D, il faut noter la progression de l’offre formation – nous sommes certifiés Qualiopi – avec des propositions tant sur étagère que sur mesure, notamment dans l’écoconception de mobilier ou de magasin. 
S.M. On aime bien dire que nous ne sommes pas une agence de design, mais un service retail externalisé. On apprécie cette idée, car nous n’avons pas que le métier du design à offrir. Se positionner comme service externalisé – on travaille pour et pas chez – indique une mode de relation spécifique avec le client. 
N.R. À nous trois, nous avons la connaissance de l’ensemble de la chaîne de valeur du retail, de la réflexion stratégique (format, concept, etc.), en passant par l’alignement des parties prenantes, jusqu’aux métiers.
S.M. Les clients nous disent souvent « vous, on vous comprend », car on vient toutes du retail. D’autre part, comme nous réalisons tout ce que l’on conçoit, on doit impérativement être dans les clous en matière de faisabilité, de coût ou de planning. C’est sans doute pour celer que l’on nous appelle souvent les « designers pragmatiques ».
N.R. On travaille avec des entreprises de toute taille et dans tous les secteurs du retail. Ajoutons à cette pluridisciplinarité et cette expertise de l’ensemble de la chaîne de valeur les savoir-faire de Diam en matière de pilotage du cycle de vie, d’études et de prototypage.

Quelles sont les spécificités de votre agence ?
N.R. Un des points saillants est que nous sommes en co-développement avec nos clients. On fait des reviews toutes les semaines avec eux et certains viennent même travailler chez nous. C’est efficace, et en plus le client y trouve un avantage économique. 
S.M. Autre point saillant, on n’a pas d’ego. Mais alors pas du tout ! On n’est pas un nom. Ce qui nous motive c’est de voir se réaliser les choses. Ce qui nous intéresse c’est le résultat avant tout et la satisfaction client. C’est notre récompense.
N.R. On a aussi des clients très fidèles. Sans doute parce que notre sens du service est vraiment une valeur cardinale chez nous. Dans nos métiers, les délais, les budgets sont des incontournables. Chaque fois qu’on a un nouveau projet, on prend nos risques. On est toutes les trois pareille !
S.M. Le fait que nous soyons des femmes indique que nous travaillons beaucoup à l’intuition. C’est comme cela que nous avons lancé la formation, et en particulier l’écoconception. C’est aussi l’intuition qui nous fait aborder le métavers ou l’IA : on regarde, on réfléchit, on essaie. Pour résumer, je dirais que nos spécificités sont la passion, la générosité et la créativité, tout en respectant les contraintes du retail : économie, écologie, multiformat et bien sûr coût, qualité et délai. D’ailleurs, on préfère le terme d’ingéniosité à celui de créativité.
N.R. Avoir travaillé dans le mass market nous a habitué à trouver des idées de manière frugale, ce qui est par ailleurs un avantage dans le secteur du luxe.

Vos ambitions dans les trois à cinq ans ?
S.M. Précisons que nous n’avons pas d’objectifs de croissance, même si la croissance a toujours été là.
N.R. L’important est de continuer à sentir les signaux faibles pour s’adapter en permanence aux besoins de nos clients. Par ailleurs, nous visons la certification B Corp d’ici à 2025, tout à fait cohérente avec nos valeurs et nos actions. 

En quoi l’approche française du retail est-elle particulière ?
S.M. Nous avons une approche beaucoup plus authentique en France, comparée, par exemple, aux États-Unis, sans doute pour des questions d’échelle. Les problématiques n’y sont pas les mêmes. En France, quand on intervient en centre-ville, on a des contraintes d’espace et d’architecture très fortes. On sait faire des flagships de 25 m² comme c’est le cas pour ce que l’on a réalisé pour Unbottled ou Horace. Et puis notre approche française est très influencée par l’histoire. On n’est pas dans un parc de loisir. On ne fait pas du décor, mais une expérience beaucoup plus globale. 
N.R. Cette approche française est aussi très liée aux contraintes réglementaires et administratives. 

Un message pour terminer ?
N.R. On a une vision très positive de l’avenir qui se décide. Et puis, s’il y a de jeunes designers qui sont intéressés par le retail, qu’ils n’hésitent pas à venir chez nous, on leur offrira une super formation !
S.M. On est passionné et en ce moment c’est encore plus passionnant que quand nous avons démarré : IA, métavers, formats différents ou magasins de plus en plus évènementialisés. 

Une interview de Christophe Chaptal

Article précédemment paru dans le Design fax 1281