La fusion Lerouge

Christophe et Patrick Lerouge, l’un fondateur de Crepuscule Brand Design et l’autre de Médiane, ont décidé d’effectuer un regroupement familial en fusionnant leurs agences.

Christophe et Patrick Lerouge, pourriez-vous vous présenter ?
C.L. Je suis président de Crepuscule Brand Design, agence très focus sur le personal care et le home care. Nous sommes 40 à Paris et 10 à Singapour. Nous réalisons un chiffre d’affaires de quatre millions d’euros, dont 50 % hors de France. Concernant mon parcours, j’ai passé huit ans chez Bénéteau aux USA, en Australie et en France. Puis, j’ai repris une agence d’édition et j’ai racheté Crepuscule il y a 13 ans.
P.L. Je suis président de Médiane, agence créée en 1972 et que j’ai reprise il y a 15 ans. Médiane est spécialisée dans les vins et spiritueux ainsi que l’épicerie fine. Nous réalisons un million de chiffre d’affaires avec sept personnes et avons en portefeuille de clients comme Hennessy ou Veuve Clicquot (ndlr : LVMH), mais aussi de belles maisons moins connues comme Pascal Jolivet. Concernant mon parcours, j’ai travaillé pour Évian aux USA lorsqu’il s’agissait d’imposer le concept de l’eau en bouteille. J’ai ensuite rejoint une société de co-packing en Pologne pour développer des emballages spécifiques aux pays de l’Est. Enfin, j’ai repris Médiane. J’ajoute que la dimension artistique est forte chez nous et que nous avons une bonne expertise dans les collaborations avec les artistes, étant moi-même assez impliqué dans l’art contemporain.

Pourquoi ce rapprochement familial ?
C.L. Au préalable, je précise qu’il s’agit d’une fusion : Patrick devient actionnaire de Crepuscule. D’un point de vue commercial, on conserve les deux marques, même si d’un point de vue capitalistique il s’agit d’une structure unique. Dans nos secteurs, en effet, les marques sont un atout fort. Maintenant, la raison de ce regroupement est que Patrick avait envie de se rapprocher de Crepuscule. Et de surcroît, comme les deux dirigeants s’entendent très bien, cela a accéléré les choses.
P.L. C’est assez naturel pour une agence comme la mienne de vouloir élargir son domaine d’activité. Et inversement pour Crepuscule, d’ailleurs. Nous sommes très complémentaires et les créatifs de nos deux entités sont ravis de pouvoir se frotter chacun à de nouveaux domaines.
CL. Nous sommes tous les deux dans les codes du luxe. Il y a une vraie logique de stimulation financière et de stimulation créative.

Quels sont vos objectifs ?
CL. D’abord, faire fonctionner les synergies à plein entre Paris et Singapour. Rien que cela va demander beaucoup de boulot. Dans un deuxième temps, on aimerait bien ouvrir une filiale à New York d’ici deux à trois ans. Nos gros clients étant tous présents là-bas, c’est une destination assez idéale pour accompagner et élargir notre business.
P.L. Depuis que l’on a fusionné, Médiane a déjà récupéré des clients qui considéraient auparavant que nous étions un peu trop petits. Je pense en particulier à une belle maison italienne. On a aussi décroché un très beau chantier pour du rhum. Et puis, quand on nous étions Médiane seule, on était limité dans notre capacité de production. Aujourd’hui, on peut accompagner nos clients sur leurs gros chantiers.

Quelle est votre vision sur ce phénomène de rapprochement entre agences ?
C.L. Il y a en réalité deux niveaux de réponse. On est dans une industrie où par construction il y a de la concentration tout le temps. Il y a toujours eu des tout petits qui se créent et qui se font racheter. Il n’y a donc pas plus de croissance externe maintenant qu’il y a 10 ans. Par ailleurs, pour des entités d’une certaine taille comme nous, la croissance par acquisition fait gagner du temps et beaucoup plus qu’une croissance organique. D’ailleurs, ce serait une bonne idée pour nous que de penser à de futures acquisitions, surtout quand je vois les effets positifs de notre récente fusion. Mais c’est une histoire de personnes et de financement. Et pour ce dernier point, la question est de savoir si les capitaux vont être désormais accessibles aussi facilement que durant ces 10 dernières années.
P.L. Je suis totalement en phase avec Christophe. On est exactement aligné !

Comment voyez-vous évoluer vos marchés ?
C.L. Ils résistent très bien. Le pouvoir de la marque est de plus en plus fort et de façon générale, je n’ai pas le sentiment que c’est plus difficile pour nos clients aujourd’hui. Dans l’ensemble, la beauté continue de bien se porter dans le monde et il n’y a aucune raison que cela s’arrête – au contraire, on est de plus en plus attentif à son apparence et il y a une grosse partie de la population qui veut améliorer les soins auxquels elle a accès.
P.L. D’un point de vue général, le marché des vins et spiritueux est très dynamique, avec évidemment des variations selon les secteurs. Ainsi, les vins du Bordelais ont du mal, mais le Beaujolais continue à progresser, tout comme le rosé qui est très dynamique. Concernant les tendances graphiques et les codes, disons que, globalement, de 2000 à 2015, tout le monde a cherché à apporter un maximum d’impact visuel et de visibilité. C’était un travail de nettoyage pour rendre la marque plus sobre et plus puissante, bref, plus dépouillée. On a même été trop loin et on s’est rendu compte que l’on avait perdu le côté humain et terroir. Maintenant, le sujet est de mettre en avant le savoir-faire à travers les habillages. L’objectif n’est donc plus d’épurer, mais de donner de l’humanité. C’est presque le chemin inverse de celui que je décrivais : on recharge graphiquement les étiquettes, mais de façon très maitrisée. Il s’agit de combiner la force de la marque avec une bonne lisibilité afin de retrouver cette patte humaine. Et on va sûrement ouvrir de nouveaux chapitres avec l’IA : on ne sait pas ce que cela va donner, mais ce sera de toute façon intéressant.

Un message pour terminer ?
P.L. Le meilleur reste à venir pour nous : cette nouvelle page que nous venons de commencer est franchement enthousiasmante.
C.L. Tout à fait. 

Une interview de Christophe Chaptal

Article précédemment paru dans le Design fax 1276