Tweener : design et ingénierie

Antoine Chastan, cofondateur de Tweener, nous parle de son agence de design et d’ingénierie qui nourrit de fortes ambitions de développement, et notamment en matière d’écoconception.

Antoine Chastan, quel est votre parcours ?
A.C. Je suis ingénieur de formation. J’ai d’abord travaillé en labo de recherche, puis chez Decathlon en tant qu’ingénieur produit pour l’activité sport de raquette (tennis, badminton et squash) avant de partir en Chine à Shenzhen pour y travailler sur les composites thermodurcissables. Ensuite, j’ai pris en charge la stratégie du groupe en matière de composants métalliques, avec un intérêt marqué pour les liens entre l’usage et la technique. À 35 ans, je décide de créer Tweener avec deux associés, Benoît Gastineau, directeur artistique, et Pierre Bernard, responsable du design. L’idée était de lancer une aventure, humaine d’abord, et touchant à tout ce que l’on savait bien faire en matière d’écoconception.

Quel est le positionnement de Tweener ?
A.C. L’idée est de pouvoir mener un projet de produit ou de marque de A à Z. Être capable de concevoir et de développer en prenant le meilleur des deux métiers : celui du designer et de celui de l’ingénieur. Chez nous, ces deux activités vont toujours de pair : le designer et l’ingénieur sont en binômes, même si l’ingénieur va davantage prendre la main lors des étapes de simulation numérique, de recherche de partenaires industriels ou d’inspection qualité que, précisions-le, nous effectuons sur site. Le socle commun est l’écoconception, démarche pour laquelle nous avons développé notre propre méthodologie. Pour chacun de nos projets, nous effectuons systématiquement une validation environnementale qui va nous conduire à opter pour tel ou tel type de conception, avec un design en conséquence. Tous les jours, on travaille à fédérer de nouveaux fournisseurs et partenaires. Nous sommes comme l’oignon, nous partons de la France pour nous étendre géographiquement. Autre point qui me paraît important : on sent que cela bouge beaucoup en France en matière de réindustrialisation. Avec notre savoir-faire, nous savons trouver les bons fabricants et concevoir en conséquence. En effet, on ne conçoit pas et on ne fabrique pas de la même façon en France et en Asie, car les coûts matière et de main-d’œuvre n’y sont pas identiques. De surcroît, sur certaines technologies, on va fabriquer nous-mêmes en mixant impression 3D et soudage électronique. Nous avons un atelier de prototypage qui permet d’aller sur de la petite série si besoin.

Quels sont les chiffres clés de Tweener ?
A.C. Nous avons créé l’entreprise en 2016. Aujourd’hui, nous sommes 32 personnes, dont 15 designers et 15 ingénieurs, et réalisons un chiffre d’affaires de deux millions d’euros. On vient du sport et donc c’est un domaine dans lequel on intervient, mais pas seulement. Nous avons également des clients dans le luxe et dans d’autres secteurs, aussi bien des grands groupes, comme Samsonite, que des start-up. La panoplie des métiers est très large chez Tweener et l’éventail des âges va de 17 à 63 ans. Enfin, nous avons la chance de travailler pour des marques de toute nationalité : françaises, chinoises, taiwanaises, suisses, etc.

Vos ambitions pour les années à venir ?
A.C. Notre ambition est d’avoir un maximum d’impact sur l’écoconception. Ainsi, sur l’un de nos projets, nous avons réussi à économiser l’équivalent de l’impact carbone d’une ville française de 12 000 habitants. D’autre part, plus on travaille avec un nombre important d’entreprises et plus on aura un impact fort. Ce qui signifie que nous devons grossir au maximum. Dans les cinq ans à venir, on se voit les premiers en Europe sur les expertises qui touchent à l’écoconception. On veut être infaillible sur le sujet. Concrètement, cela signifie que nous devrions être une centaine de personnes en 2028.

Quelles sont les grandes tendances en matière de design et d’ingénierie ? 
A.C. On va élargir notre façon de travailler. D’abord réfléchir sur l’expérience dans sa globalité, ce qui signifie en particulier travailler sur la notion de durabilité. Pour cela, deux leviers majeurs : l’écoconception, bien sûr, pour améliorer l’impact des produits et services, et l’intelligence artificielle qui est susceptible de changer nos métiers en bien. Pour ma part, j’espère bien que ce sera l’écoconception qui sera au centre du jeu et qui va devenir la vraie révolution de nos métiers ! Tout cela demande de l’acculturation via des formations spécifiques, car le secteur est très peu formé aujourd’hui. Ainsi que je vous le disais, nous avons développé notre propre méthodologie, que nous avons mise en open source. En parallèle, nous développons les formations à tour de bras. 

Votre vision du design français ?
A.C. Quand on pense au design français, on pense le plus souvent au design d’édition. Il y a un travail d’acculturation important à prévoir. Pour moi, le design doit être perçu selon l’approche anglo-saxonne : esthétique, innovation d’usage et technologie. Mais, même s’il est associé au luxe, le design français a une excellente image. Et puis, nous disposons en France de belles formations en design produit : les étudiants qui sortent sont plutôt très bons.

Un message pour terminer ?
A.C. On est ouvert à toute collaboration, que ce soit avec des collègues ou des marques. On adore échanger sur design en général et sur l’écoconception en particulier. Disons-le : on fait un beau métier !

Une interview de Christophe Chaptal

Article précédemment paru dans le Design fax 1271