Sylvia Vitale Rotta, présidente de Team Créatif, revient sur les 37 ans de l’agence en insistant sur les points clés de son histoire.
Sylvia Vitale Rotta, l’agence Team Créatif fête ses 37 ans. Quelles sont les réalisations dont vous êtes la plus fière ?
S.V.R. Avant toute chose, la fierté de fêter ces 37 ans. Et j’ajoute le bonheur et la passion que nous avons d’exercer ce métier du design. On a renouvelé et transformé l’agence, mais on a gardé cette envie et cet élan. Je parlerai même d’un amour intact. En 37 ans, nous avons vu s’opérer de grands changements, et pourtant le design, expertise universelle, nous a toujours permis de passer d’évolution en évolution. Cette passion, cet amour, nous les avons transmis aux jeunes générations de l’agence, ainsi qu’à mes deux filles, Amelia Craig et Nora Craig, qui vont reprendre les rênes, avec l’ensemble des collaborateurs concernés. Dans cette optique, nous allons à tous leur distribuer des actions afin de leur donner les moyens de faire vivre l’agence dans un esprit family business. Ces actions sont attribuées d’une part en récompense de toutes les années de travail effectuées, mais aussi pour toutes les années de travail qui sont à venir. Mes filles seront bien sûr accompagnées par l’équipe en place, avant de prendre la direction du groupe. Mon objectif est de continuer à rester indépendant, c’est-à-dire ne jamais vendre. C’est aussi cela notre rêve. Autre motif de fierté, la fidélité des clients, comme Mars et Danone depuis 37 ans, ou Bonduelle depuis 20 ans. Je suis aussi très fière, enfin, de tous les couples qui se sont formés chez Team Créatif, et des enfants qui en sont issus. Quelque part, je suis leur grand-mère ! Vous l’aurez compris, nous avons une culture très forte, très émotionnelle et intuitive, qui se conjugue avec notre talent en matière de stratégie et de design. Pour nous, les valeurs humaines sont prépondérantes.
Que pensez-vous des mouvements de concentration de marché auxquels nous assistons en ce moment ?
S.V.R. Je pense que la règle de conduite pour une agence comme la nôtre, avec des clients aussi fidèles, est d’être totalement à leur service. On se doit de répondre à tous leurs besoins. Du coup, le client a besoin d’expertises pointues dans des domaines précis. Actuellement, beaucoup de marques ont de gros problèmes parce qu’elles se sont inscrites dans des tendances qui ont négligé la valeur du consommateur ainsi que l’ADN de la marque. Chez nous, tout ce qui touche à l’audit et l’étude du consommateur est le fait de partenariats avec des experts extérieurs. On veut rester indépendant et pour cela chacun doit exercer son métier de façon indépendante. Faire à la fois de l’audit et du design est compliqué, car il peut y avoir des conflits d’intérêts. Cela ne veut pas dire que nous ne maîtrisons l’amont stratégique – je pense au planning stratégique que nous avons effectué pour St Michel, Arkopharma, Kinder, Tic Tac ou Whiskas –, mais nous restons toujours à l’intérieur de l’expertise de la marque. Et c’est aussi pour cela qui nous sommes un groupe avec des activités bien différentes, mais complémentaires : content, narrative, retail architecture, sans oublier notre plateforme de production (ndlr : à Limoges) qui nous permet d’être totalement étanche au niveau de la confidentialité. Une chose est sûre : notre expertise à nous, les cabinets d’audit ou d’études ainsi que les agences de média ne l’ont pas ! Je rappelle par ailleurs que nous disposons d’agences au Brésil, en Indonésie, à Singapour, et bien sûr en France – à Paris et Lyon. Pour ce qui concerne les États-Unis, nous espérons y acheter une agence prochainement.
Vos ambitions pour les années à venir ?
S.V.R. Nous sommes certifiés B Corp et avons de ce fait un engagement envers l’individu et la société. Nous devons, grâce à notre expertise, arriver à faire évoluer les gestuelles, les habitudes et les besoins pour amener nos marques et leurs clients vers des considérations de plus en plus pointues sur les emballages, la durabilité, et le respect de la planète en général. Cela inclut le fait de mieux manger, de mieux prendre soin de soi, ce qui conduit, notamment, à être parfaitement honnête en matière de communication. Et puis, il y a l’éducation : il nous faut accompagner nos clients pour une planète meilleure. On ne pourra bien sûr pas être plus blanc que blanc en deux minutes, mais l’important est d’effectuer les bons pas dans la bonne direction, dans la durée. Ensuite, mon grand rêve est de mieux faire connaître notre métier et ses talents – femmes et hommes de la stratégie, du commerce et du design. Il faudrait qu’il y ait plus de respect pour notre métier et cette reconnaissance doit provenir de tous les services de l’entreprise – je mets à part le marketing qui nous reconnaît depuis longtemps –, et je pense en particulier aux services achat. Parfois, leurs exigences budgétaires tuent les agences. Et si cette pression tarifaire continue à s’accentuer, on ne pourra bientôt plus délivrer le niveau de qualité auquel nous sommes habitués. En France, surtout, il y a un vrai problème de respect pour ce que nous apportons aux marques. Être coincé par les prix n’est vraiment pas une bonne chose, tant pour l’environnement que pour le management.
Votre vision du design français dans le monde ?
S.V.R. Je veux contribuer à faire reconnaître le design français dans le monde entier et je m’y emploie d’ailleurs en tant que présidente de l’European Brand & Packaging Design Association. Le design français mérite d’être reconnu sur une large échelle : l’international doit réaliser que le design français ce n’est pas que le design du luxe. Mais pour que le design français soit vraiment reconnu, il faut parler anglais. C’est fondamental pour briller à l’international.
Un message pour terminer ?
S.V.R. Pour moi, un message important est que les jeunes conservent leur passion et leur enthousiasme pour ce métier du design, tellement essentiel. Avec le design, le monde sera meilleur et c’est pour cela que les nouvelles générations doivent continuent à croire en ce métier. Autre message qui me tient à cœur : que Team Créatif continue sur sa voie et atteigne ses 40 ans avec mes deux filles, Amelia et Nora.
Une interview de Christophe Chaptal
Article précédemment paru dans le Design fax 1270
