Axone Design : bientôt 30 ans !

Frédéric Bonin est le fondateur d’Axone Design, agence de design industriel qui développe deux activités, dont l’une d’elles est le design au service des collectivités.

Frédéric Bonin, quel est votre parcours ?
F.B. Je suis diplômé de l’ISD en 1995 et trois mois après, je crée Axone Design. C’est donc toujours mon premier emploi, presque 30 ans plus tard ! Cela dit, il y a eu des projets en parallèle, notamment la création de plusieurs entreprises dans les domaines de l’aide technique au maintien à domicile ou du mobilier urbain adapté aux nouvelles mobilités, ou encore la construction du campus chinois de l’École de design Nantes-Atlantique de 2088 à 2011 – que l’on peut considérer quelque part comme une création d’entreprise. 

Quel est le positionnement d’Axone Design ?
F.B. Depuis 10 ans nous avons deux champs d’activité : le design industriel, bien sûr, et progressivement un pan d’activité qui se développe avec les collectivités sur des sujets liés au design urbain, à la signalétique, au design centré usager. Cette dernière activité représente désormais quasiment 50 % de notre chiffre d’affaires, avec des variations d’une année sur l’autre. Ces deux activités reposent sur des typologies de clients très différentes : la sphère privée, d’une part, et le public, d’autre part. Finalement, on est assez hybride… Concernant la partie purement design industriel, je souhaite préciser que dès le départ nous nous sommes positionnés sur une logique design et ingénierie, et que même si notre taille est restreinte (quatre personnes et un chiffre d’affaires de 400 000 euros), nous pilotons des projets complets, et disposons pour cela d’un atelier prototypage conséquent. On est dans la vague d’acteurs comme Axena Design et sommes en mesure de prendre en charge des start-up qui ont un besoin d’accompagnement sur une chaîne de valeur complète, mais également des acteurs importants comme L’Oréal en pur produit. Nos machines de prototypages tournent beaucoup d’autant que nous avons beaucoup développé notre activité de test orienté analyse d’usage à partir de prototypes. On est très attaché aux choses concrètes. Ainsi, l’UX m’intéresse énormément, mais pas sous l’angle UX digital. Je pense qu’il y a beaucoup à faire sur la question d’expérience traitant de choses tangibles. Je pense en particulier au domaine de l’urbain ou les notions d’expérience ne sont pas forcément très bien appréhendées. Bref, on est petit, avec deux activités reposant sur des process différents et cela nous va très bien. 

Quelle est votre actualité ?
F.B. Eh bien, dans trois semaines, nous allons délocaliser l’agence à Montréal pour cinq mois. Nous avons pris cette décision pour prendre un peu de distance avec notre métier, pour rencontrer d’autres personnes, pour évaluer les opportunités – car il y a des structures qui se sont intéressées à nous – et pour voir d’autres façons de faire. On verra bien où cela nous mène et comment cela nous nourrit. Cela dit, je n’y vais pas pour développer le business, mais surtout pour m’inspirer.

Vos ambitions pour les années à venir ?
F.B. L’air de rien, cette prise de distance au Canada n’est pas fortuite. Elle va nous permettre avec Nicolas Leclercq, mon associé, de définir notre nouvelle feuille de route. On n’a jamais pris ce temps de savoir où l’on devait aller demain. D’autre part, la question d’un rapprochement avec d’autres est un sujet qui commence à m’intéresser, et on veut prendre le temps d’y réfléchir. Pendant 28 ans, on est resté des artisans, et c’était très agréable, mais il faut peut-être désormais envisager les choses autrement, sur une échelle plus industrielle. On doit réfléchir à des collaborations avec d’autres partenaires ou structures pour aller vers de nouveaux horizons ou de nouvelles pratiques. Vous voyez, on a largement de quoi s’amuser.

Quelles sont les grandes tendances en matière de design et d’ingénierie ? 
F.B. C’est un vaste sujet, et je vais y répondre par rapport aux projets que l’on mène. D’abord, l’UX qui était ultra concentrée sur le digital est en train de bien rentrer dans le produit et dans l’espace physique. On dépasse le seul stade de l’observation et de l’interview pour intégrer de vraies phases d’itération liées à des tests d’usage. Je le ressens de façon très directe : ces phases peuvent maintenant représenter le gros du projet en termes de temps et de budget. On le voit bien dans le domaine du design urbain : l’expérience piétonne, par exemple, est quelque chose de très concret. Les villes viennent de plus en plus nous chercher sur ces questions de l’expérience dans la cité, au sein d’un grand site comme un hôpital, notamment.

Votre vision du design français ?
F.B. Quand je vivais en Chine et que j’étais en contact avec des universités chinoises, je leur demandais souvent ce qu’elles pensaient du design français. À l’époque, il n’y avait pour elles que le design allemand. Le design français, c’était exclusivement le luxe. Cela a sans doute changé, mais peut-être pas tant que cela ! Ce qui est sûr est que nous avons d’excellentes formations en France. Ce qui est sûr, aussi, c’est qu’en France le design industriel n’est pas vraiment un entrepreneur. Il y a un plafond de verre, car les structures de design industriel dépassent rarement la dizaine de personnes. C’est assez étonnant. Peut-être est-ce dû en partie à la forte désindustrialisation que l’on a connue chez nous. 

Un message pour terminer ?
F.B. Réussir à partenariser constituera un élément clé dans le développement des agences de design industriel. Rester seul va devenir compliqué, entre les bureaux d’études qui ont intégré le design, et les cabinets de consulting. Jouer en solo sera de moins en moins envisageable.

Une interview de Christophe Chaptal

Article précédemment paru dans le Design fax 1272