InProcess : approche combinée

Christophe Rebours est fondateur et président d’InProcess, agence qui se positionne sur l’innovation stratégique au service des entreprises.

Christophe Rebours, comment allez-vous ?
C.R. Je vais bien, merci. Et je vais bien parce que l’on vit des moments captivants dans le monde du design. Beaucoup de plaisir, donc, et ravi de vivre les années que nous vivons actuellement, très intéressantes tant pour les designers que pour le design.

Rappelez-nous ce que fait InProcess ?
C.R. InProcess qui a eu 20 ans l’an dernier réunit trois disciplines : le design, bien sûr, les sciences humaines avec notamment l’anthropologie et tout ce qui est lié à la valeur dans le sens étymologique du terme, c’est-à-dire le registre de la valeur. À partir de ces trois disciplines, on nous confie des sujets assez stratégiques qui concernent le développement de nouvelles offres de produits et services, voire la réflexion globale sur de nouvelles organisations. En 20 ans, InProcess n’a cessé d’évoluer, tout comme le monde du design. En toute humilité, on apprend sans cesse, mais il y a aussi des moments où c’est nous, avec d’autres, qui contribuons à tirer la filière design. Nous sommes d’ailleurs, et depuis le départ, très motivés à ce que la filière design se développe, et notamment par l’intégration conjointe de ces trois disciplines sur lesquelles nous intervenons – design, sciences humaines et valeur. 

Quel est le profil de vos équipes ?
C.R. Nous sommes une trentaine de collaborateurs. Un tiers est issu des sciences humaines et sociales et est naturellement porté vers l’anthropologie ou la sémiotique, et de façon générale, vers toute une série de ressources dans la catégorie des sciences humaines et sociales. Il s’agit de focales d’observation très complémentaires qui travaillent à produire des connaissances objectives en proposant une matière première sur l’évolution de la société. Le deuxième tiers, ce sont des designers et particulièrement des designers industriels qui ont envie d’utiliser leur culture pour travailler sur les enjeux du design d’aujourd’hui. Moi-même, je suis issu de la conception de produits industriels et je suis marqué par cette culture du produit. Actuellement, il est vrai que le produit manufacturé est un peu moins l’enjeu, mais les designers industriels ont su évoluer et savent traiter tant du numérique que du physique. Cette culture du design industriel demeure importante, car c’est une façon très intéressante de répondre aux problématiques que nous rencontrons. Le troisième tiers, étant donné que les sujets traités sont de plus en plus stratégiques et que se pose la question de la valeur pour organisations, sont des profils qui traitent de l’expérience au sens large, c’est-à-dire l’expérience humaine. On travaille sur le sujet en profondeur depuis 2013 : ce sont des collaborateurs qui ont fait des écoles qui les connectent bien à la notion d’organisation et qui sont sensibilisés aux problématiques tant des sciences humaines que de la valeur.

Avez-vous des exemples d’intervention ?
C.R. Depuis 2013, on a poussé le bouchon de la valeur et de l’expérience de façon intensive. Quatre exemples me viennent en tête : Decathlon, société très expérimentée en design produit, qui s’est interrogée sur ces notions de valeur et d’expérience et de façon très concrète. Ils considèrent l’être humain avant le sportif et cette posture alimente leur stratégie design  ; la MAIF qui s’est emparée de ces sujets venant désormais nourrir leur stratégie ; et idem pour Roche et Nexans. Ces quatre clients sont des démonstrateurs très concrets de ce que nous faisons : la valeur du design produit par la valeur de l’expérience. Sur la durée, j’ai pu voir ce que cela donnait et je suis ravi que nous, designers, soyons à même de contribuer à définir la stratégie de nos clients avec un modèle d’agence très spécifique. C’est très agréable de travailler ces trois disciplines et de voir que plus l’on avance, plus l’on nous confie des sujets stratégiques. C’est pour cela que l’on y met autant d’énergie et que l’on veut pérenniser notre modèle de fonctionnement. Ce sont des prestations de bon niveau, à la fois épanouissantes et valorisantes. On construit par le design des expériences pleines de valeur pour les gens à qui cela s’adresse. Parler d’expérience humaine change tout. Et cela, c’est en grande partie grâce à notre approche de type sciences humaines.

Comment voyez-vous les années à venir pour InProcess ?
C.R. Avec humilité, forcément, et en même temps avec beaucoup d’envie parce que finalement ce qui va arriver est forcément passionnant. Je veux mettre toute l’énergie pour que ceux qui vont s’emparer d’InProcess puissent en assurer la pérennité. J’ai une grande confiance dans le marché du design. L’enjeu est de savoir si on saura le comprendre et le traiter. Il faut que les nouvelles générations se l’approprient. On passe beaucoup de temps avec les écoles. Ce qui est important n’est pas ce que l’on a fait, mais ce que l’on va faire et de se mettre au service des générations montantes pour les faire accéder dans les meilleures conditions au marché du design. Quand je vois les écoles aujourd’hui, je me dis que les étudiants ont beaucoup de chance et bien plus de chance que nous. Il y a un terrain qui est en train de se construire et il faut y contribuer. L’autre enjeu, c’est la possibilité économique de se développer. Il faut 20 ans pour construire une agence pérenne et qui a pignon sur rue. Les prochaines années vont nous nous permettre de nous déployer. Mais pour cela il faut être libre. Ce n’est pas simple parce qu’il n’y a pas beaucoup de structures référentes. Il faut sans cesse innover sur notre modèle. C’est de plus en plus mon rôle et désormais je m’engage à porter ce modèle pour ceux qui vont prendre des rôles majeurs chez InProcess, et finir par me remplacer.

Et comment voyez-vous évoluer le marché du design  ?
C.R. Le marché de du design se développe de plus en plus : il faut savoir l’adresser tout autant que nous sommes dans notre diversité de designers, avec toute la profondeur et la puissance que cela nécessite. Bref, un mélange d’ambition et d’humilité pour ce qui concerne le futur. Beaucoup est encore à construire. Je vois l’avenir avec surtout l’exigence que notre développement et celui des autres agences puissent se faire avec l’esprit libre – j’en parlais à l’instan t– et avec une grande une liberté de manœuvre. Concrètement, il faut des gens libres dans les équipes, avec une liberté de penser. C’est d’ailleurs le propre des sciences humaines, et de l’anthropologie en particulier : on sait ce que l’on cherche et on est surpris par ce que l’on trouve. On cherche une réalité sur la vie des gens et sur ce qu’ils pensent de tel ou tel domaine ou de tel ou tel produit ou service. Et à partir de là – et en France nous avons une superbe culture de sciences humaines – on peut exercer le design dans sa plénitude. 

Un message pour terminer ? 
C.R. En travaillant bien avec les générations entrantes et en les accompagnant correctement avec des plans de carrières ouvrant des perspectives intéressantes, on constate que le collectif est de plus en plus harmonieux et a plaisir à vivre ensemble. Je suis très content de cela.

Une interview de Christophe Chaptal

Article précédemment paru dans le Design fax 1267