Jean Valentin, Laurent Denize d’Estrées et Thomas Frébourg, respectivement président d’extreme, président de 14 SEPTEMBRE et directeur général de 14 SEPTEMBRE, ont décidé d’unir leurs forces via une prise de participation majoritaire d’extreme dans le capital de 14 SEPTEMBRE.
Jean Valentin, Laurent Denize d’Estrées et Thomas Frébourg, pourquoi une telle décision ?
L.D.E. La raison en est clairement indiquée dans le communiqué de presse. Je vais avoir 62 ans cette année, et par conséquent une vraie volonté avec mes associés de pérenniser l’entreprise. Nous avons donc réfléchi et discuté en interne et il s’est avéré que si mes associés n’avaient pas le souhait de tout reprendre, ils voulaient cependant rester associés aux commandes et au développement. Du coup, je me suis placé dans une démarche de transmission douce et organisée et résolu à trouver un partenaire qui donnerait du sens à un regroupement. J’ai fait le tour du marché, rencontré des agences, et le hasard a fait qu’une relation commune nous a mis en contact Jean Valentin et moi. On a pris langue et on a échangé. On était un peu gros en taille au départ, mais finalement on s’est revu après les vacances d’été, et on s’est rendu compte que plein de choses nous rapprochaient : la stratégie de développement, le type de management ou encore le fait d’associer les collaborateurs à l’entreprise. Ce qui a aussi fortement joué, c’est la spécificité de 14 SEPTEMBRE dans les domaines de l’influence et des relations médias ainsi que notre dimension internationale, car extreme est très franco-français. Je parlais de la taille : au départ, Jean Valentin visait initialement le rachat d’une structure d’une quinzaine de personnes et il a racheté une structure de 70 personnes. Mais cela n’a pas du tout été un problème, tant a été grande la transparence de part et d’autre, et surtout parce que nous avons laissé nos associés respectifs échanger et construire des perspectives, ce qui a permis de constater l’envie de travailler ensemble, dans un contexte de synergie viable.
J.V. extreme a traversé la Covid avec beaucoup de vigueur. On s’est réinventé, étant consigné dans nos domiciles respectifs. On a radicalisé notre façon d’adresser le marché : le design packaging et la food se sont renforcés et la cosmétique a baissé. Il y a un an, on a agrégé nos compétences pour adresser plus spécifiquement le monde de la food avec Miaaam : il y a un vrai savoir-faire avec notre brigade. De façon générale, on n’a jamais été de grands spécialistes de la croissance externe : avec 14 SEPTEMBRE, j’ai découvert un nouveau métier, et notamment le monde de l’influence, et notre complémentarité s’est avérée évidente dès le premier contact. En matière de structures, nos associés ont le même âge. Je n’étais pas certain que cela fonctionnerait pour autant, car il y a beaucoup d’exemples de destruction de valeur lors de regroupements. Nous sommes désormais majoritaires au capital de 14 SEPTEMBRE, mais la philosophie de fonctionnement est basée sur un 50- 50. L’ensemble du Codir de 14 SEPTEMBRE est engagé dans l’aventure comme le sont les équipes d’extreme. On n’a pas racheté un nom, mais on s’est rapproché. Pour la petite histoire, extreme était mon agence de pack quand j’étais chez L’Oréal. J’avais envie de reprendre une boîte et j’ai rejoint extreme en 1995. Là, j’ai créé une offre pour compléter le packaging. L’agence extreme vient du design, dans l’acception anglo-saxonne du terme. Quant à 14 SEPTEMBRE, c’est le leader incontesté dans son domaine. Dernier point, j’ai été frappé par la déferlante d’enthousiasme de la part de nos clients : la qualité d’image de 14 SEPTEMBRE est unanimement appréciée.
T.F. Effectivement, il y a un an, quand Laurent nous a parlé de ses échanges avec Jean, la condition pour poursuivre était que toute l’équipe soit dans le mouvement. Nous sommes très attachés à ce que nous avons réussi à faire de 14 SEPTEMBRE durant ces 25 années d’aventure commune : il s’agit d’un entrepreneuriat collectif, qui est la nouvelle forme de l’entrepreneuriat aujourd’hui. La force de 14 SEPTEMBRE c’est la force du collectif. Et on peut refaire la même chose avec extreme. On arrivera à être encore plus puissant sur le marché, sans aucun overlap, mais avec une complémentarité assez surprenante, même dans la créa. En fait, on s’est embarqué sur ce constat et surtout sur le constat humain, avec les rencontres entre les équipes : c’était comme une sorte de miroir. Des générations identiques et des valeurs communes, avec l’humain d’abord et l’envie d’avancer en groupe. Je précise que les deux entités conserveront leur structure juridique propre.
Comment s’est déroulée opérationnellement la prise de participation d’extreme dans 14 SEPTEMBRE ?
J.V. Elle s’est faite essentiellement en cash, c’est-à-dire avec un fort taux d’autofinancement. On a fait de très bonnes années 2021 et 2022 et nous disposions par conséquent d’une excellente trésorerie. Sinon on ne l’aurait pas fait. On ne voulait pas s’endetter et être certain que l’on pourrait absorber tout aléa qui pourrait survenir. Je note, et c’est assez incroyable, qu’il n’y a pas eu de négociation : on est tombé d’accord tout de suite.
L.D.E. Beaucoup de bienveillance et de compréhension d’un côté et de l’autre. Beaucoup d’empathie. On s’est parlé très librement : ce sont davantage nos conseils et avocats qui ont freiné sur des points de procédure, plutôt que Jean et moi.
Quels sont vos axes de développement ?
J.V. extreme travaille selon deux grandes verticales sectorielles. Je précise que nous avons connu une sorte d’errance stratégique sur notre positionnement lors de cette fameuse période du 360 – qui est en fait un véritable talon d’Achille en matière d’activité. C’est pour cela que nous avons deux verticales bien spécifiques : taste and travel et archi intérieur. Il y a aussi une troisième verticale : luxe, beauté et cosmétique. Mais là, il faut développer.
L.D.E. On se rend compte que l’on n’a pas écrit la feuille de route de façon précise. En fin de compte, ce n’est pas ce qui est le plus important et cela se fera naturellement, en fonction de la meilleure connaissance qu’auront les uns des autres. On va encore davantage développer ces deux verticales dont Jean parlait avec nos savoir-faire respectifs. Et s’il est vrai que sur la beauté et la cosmétique nous n’avons pas d’activité influence, nous avons cependant un énorme réseau de designers que l’on peut présenter aux marques. Jean pourrait fortement en bénéficier et donc enrichir son offre. Autre dimension où extreme n’est pas : le design d’espace. On sait monter des offres pour nos clients. Et puis, l’international. On a rapproché nos équipes sur un projet ambitieux sur l’Italie, et notamment Milan avec tous ses réseaux.
Un message pour terminer ?
J.V. Cela fait 30 ans que je fais de ce métier et j’y ai vu un accroissement de la complexité des procédés pour émouvoir un consommateur avec une marque. On est obligé, compte tenu de la typologie de nos clients, d’agréger les compétences. Il faut être capable d’exploiter l’ensemble d’une verticale donnée. Fragmentation des domaines et complexité des savoir-faire sont des opportunités pour se regrouper et mixer personnalités, modèles et métiers.
L.D.E. Notre métier subit depuis 15 ans de grandes transformations avec un effet de balancement entre une presse écrite qui souffre de façon importante, la montée des influences et une demande de nos clients de créer des liens et de la proximité avec leurs cibles. En réalité, le vrai challenge pour 14 SEPTEMBRE était de développer notre studio de création pour s’impliquer davantage sur l’offre digitale, sachant que le digital a besoin de se renforcer sur l’influence et le média. Il fallait trouver un accélérateur et extreme est le partenaire idéal dans cette optique. C’est surtout l’intelligence de l’offre que l’on va construire qui est importante. Nous devons être une force de proposition démultipliée avec des clients qui ont des besoins extrêmement divers. C’est pour cela que nous mettons nos intelligences et nos forces en commun.
T.F. Quand j’entends Jean et Laurent, je suis heureux de cette aventure. On va collectivement être un groupe engagé avec une responsabilité forte en prenant la route pour devenir une entreprise à mission. D’abord 14 SEPTEMBRE, puis extreme.
Une interview de Christophe Chaptal
Article précédemment paru dans le Design fax 1266