Michel Tortel lance Qitteri

Michel Tortel, créateur, directeur artistique et designer de Qitteri, lance une nouvelle marque de joaillerie.

Michel Tortel, rappelez-nous votre parcours
M.T. Je suis architecte DPLG de formation. Je n’ai pas fait d’école de design, mais j’ai commencé à faire du design par moi-même en école d’archi et j’ai passé un tas de concours. Par exemple, en 1987, j’ai lancé une marque et un ensemble de lampes dont un modèle emblématique, la Kephren, s’est notamment retrouvée sur le bureau des dirigeants de la chaîne de télévision Canal+ ainsi que dans des émissions comme Nulle part ailleurs, et également en couverture du catalogue Habitat. J’ai aussi dessiné des montres, du mobilier, en me rapprochant du VIA, ou encore des chaussures (ndlr : pour Lafuma). J’ai beaucoup travaillé sur le design urbain à partir des années 2000, avec toujours un fil conducteur : combiner lumière architecturale et lumière urbaine, dont je suis un spécialiste, ayant dessiné plus de 60 gammes pour les leaders mondiaux de l’éclairage urbain. J’ai été appelé pour dessiner des collections internationales pour des marques avec comme objectif constant de ne pas se démoder. Je suis devenu en quelque sorte, et en toute modestie, un expert mondial de l’éclairage urbain en matière de design, en dessinant pour les industriels, paysagistes et architectes. Je ne suis pas guidé par une vision entrepreneuriale, mais plutôt par une démarche curieuse, gourmande.

Vous lancez une marque de joaillerie. C’est assez peu courant comme démarche, non ?
M.T. C’est une très vieille histoire de passion pour les minéraux, puisque dès l’enfance mes parents nous emmenaient nous promener sur des sites de minéraux pour y chercher des pierres. J’ai toujours admiré ce monde de la gemmologie et ne manque d’ailleurs jamais une exposition en la matière ou un musée spécialisé. C’est un plaisir simple, direct et sans cesse renouvelé. D’autre part, je suis passionné par les diffractions et les pléochroïsmes (ndlr : le pléochroïsme est la faculté que possède un cristal d’absorber, en lumière polarisée, des longueurs d’onde différentes selon l’angle d’éclairement. Source : Wikipédia). J’ai toujours eu le projet de faire quelque chose autour de ça. Cela a mûri progressivement parce que je voulais marier mon savoir-faire d’homme de produit, de technicien à cet univers magique.  Je voulais lier cette attraction irrésistible pour les gemmes et mon métier de designer. J’ai effectué plein d’essais et réalisé quantité de prototypes, notamment avec des tailles singulières, car les pierres ont des sens précis et changent de couleur selon la taille. Je voulais expérimenter, fouiller pour mon pur plaisir. Finalement, j’ai décidé de créer Qitteri. Cette marque va raconter quantité de choses : d’abord partager ce goût de la découverte, ce goût des couleurs. Ensuite, je veux faire connaître en France le plaisir des pierres rares. Non pas pour les démocratiser, mais pour faire partager l’extraordinaire beauté des tourmalines, des grenats, des spinelles, des zircons, des sphènes, des péridots et bien sûr des tanzanites. Faire découvrir leur feu et comment elles peuvent se combiner, car chaque taille de pierre va réfléchir et absorber la lumière de façon unique et permettre, au-delà de l’assemblage harmonieux en matière de couleurs, de créer des mélanges qui vont se projeter sur la peau ou sur l’oreille. Et tout cela sur des bagues portables au quotidien, d’un style non outrancier, qui allient finesse et raffinement. Il faut également signaler que cette aventure est aussi le fruit d’une rencontre avec des collectionneurs passionnés de gemmes qui m’ont demandé de travailler sur leurs pierres, ce qui a permis de lancer la marque. Vous l’avez compris, je suis le créateur, le directeur artistique  et le designer de la marque Qitteri.

En quoi cette nouvelle marque va se différencier des autres acteurs du marché ?
M.T. Personne n’agit comme je le fais. Certains font des mélanges de couleurs, mais pas en raisonnant comme de vrais tableaux abstraits. Je cherche l’accord parfait, le son parfait. Ces assemblages géométriques et de couleurs sur un territoire de formes simples sont une démarche totalement unique en France, et vraisemblablement dans le monde. Je revendique une grande sobriété, sans grosses pierres. Encore une fois, on peut porter mes créations de façon discrète, non ostentatoire. J’ai d’ailleurs deux modèles qui sont basés sur des tailles de pierre spécifiques qui dévoilent de façon totalement originale les jardins secrets, les réflexions et les couleurs des pierres.  Pour résumer, mon approche ainsi que le résultat proposé sont très distinctifs de ce qui se fait habituellement sur le marché.

Quelles sont vos ambitions pour Qitteri ?
M.T. Installer la marque et développer une clientèle que je définirais comme constituée principalement de femmes connaissant les pierres, qui aiment des choses simples, raffinées, mais sophistiquées en matière de couleurs. Ma clientèle n’apprécie pas d’étaler sa richesse, de ce fait le diamant constitue un appoint dans mes créations, une sorte de contrepoint. Je m’adresse à des gens qui sont sensibles à la prouesse créatrice et technique, et aussi, évidemment, à l’élégance et au jeu des couleurs. Pour l’anecdote, j’ai découvert l’autre jour un zircon rose que je vais utiliser pour faire une bague, avec d’autres pierres. Et cette création, je vais la partager avec mes clients.

Quelles sont les prochaines étapes à partir de maintenant ?
M.T. Le site Internet va être lancé ces jours-ci et la collection va être présentée au salon français Precious Room, organisé et animé par Muriel Piaser, figure incontournable de la profession. Une des spécificités de la marque est de proposer des modèles uniques, sauf pour les deux collections à taille singulière. Cela signifie que chaque modèle relève d’un design spécifique, avec des pierres uniques. Mon business plan a été construit sur un volume de vente sur la première année de 100 à 150 pièces, sachant que le prix médian se situe aux environs de 6 000 euros. On a des ambitions qui privilégient la haute qualité, ce qui signifie que l’on ne tient pas à faire du volume à tout prix. Nous visons d’abord la perfection pour chaque création. 

Un message pour terminer ?
M.T. Je suis impatient de voir cette aventure marcher comme je l’espère. Pas du tout d’un point de vue pécuniaire, mais parce que je veux faire partager cette passion pour ce monde d’exception et les possibilités extraordinaires et méconnues des jeux de lumière et des couleurs qui se transforment. 

Une interview de Christophe Chaptal

Article précédemment paru dans le Design fax 1261