FutureBrand Index 2022

Jérôme Lhermenier, directeur général de FutureBrand Paris, revient en particulier sur le FutureBrand Index 2022, étude annuelle de perception des entreprises du Top 100 mondial, réalisée à partir du classement PwC.

Jérôme Lhermenier, quels sont les enseignements clés que vous tirez de l’étude FutureBrand Index 2022 ?
J.L. L’index est une étude éditée tous les ans et c’est intéressant d’avoir à la fois un track record qui permet un recul sur l’évolution de la société, et l’analyse en instantané des grands mouvements sociétaux. Du point de vue de la méthodologie, on part du classement que PwC effectue sur les 100 plus grosses capitalisations mondiales pour aller interroger 3 000 personnes, décisionnaires, décideurs, journalistes à travers le monde. Cela nous permet de réordonner le classement avec un index que nous avons créé et qui vise à poser une série de questions sur les raisons d’être des organisations et sur la façon dont l’expérience est délivrée. Je constate que cette année il y a un fort écho aux préoccupations sociétales, et notamment pour ce qui concerne le climat ou l’énergie. Auparavant, la question clé était l’intégration technologique : les marques considéraient que le premier facteur de risque était la non-capacité d’intégrer ou d’anticiper les nouvelles technologies.  Cet aspect est toujours structurant, mais l’on sent nettement que tout ce qui touche au développement durable est majeur. Il n’y a d’ailleurs qu’à voir les trois premiers du classement (ndlr : NextEra Energy, Reliance Industries et CATL) pour voir combien est important ce qui concerne la capacité des entreprises à prendre la main sur le changement et la transformation de nos sociétés. Évidemment, cela ne veut pas dire que les marques « historiques », les GAFAM, Tesla, etc. ne sont pas sur des positions clés, mais cela démontre une montée en puissance notable des composantes environnementales. D’autre part, il m’apparaît assez clairement que les marques fortes de demain seront plutôt du domaine du BtoB : ce sont les plateformes d’infrastructures avec un rôle pivot sur la construction de demain. Pour ce qui concerne spécifiquement le secteur français, c’est le luxe qui incarne l’image avec une force et une résilience importantes.

Quelles pourraient être les répercussions sur les métiers du design ?
J.L. À l’instar de ce que l’on voit dans l’étude, le plus gros challenge pour nous est de savoir comment les designers vont intégrer l’AI et le codage. Les marques étaient auparavant monolithiques avec une démarche de copier-coller de codes identitaires sur un nombre fini de supports. Tout cela est terminé : les marques doivent continuer à donner à voir, mais devront demain beaucoup plus projeter des émotions avec un fil de cohérence à déployer dans le chemin d’expérience. Voilà qui rend le métier stimulant et excitant ! Je pense aussi que la marque doit rester un matériau vivant et qu’elle peut évoluer au fil du temps. On se doit donc d’être agile, car une marque est une individualité : la plateforme de marque ne se résume pas à la raison d’être. Elle est bien sûr essentielle, mais la personnalité compte tout autant et c’est elle qui va permettre d’incarner la vision. Les marques doivent être appréhendées comme un matériau vivant capable de donner du ressenti. D’un point de vue technologique, on expérimente l’AI. Je veux que l’outil techno soit à la bonne place, c’est-à-dire au service des idées. Si l’AI peut rendre nos univers de marque encore plus mouvants et réactifs, je trouve cela très intéressant. On est dans le test and learn. Par contre, je ne crois pas au grand soir ou au grand matin : il n’y aura pas de changements radicaux, mais un apport de valeur ajoutée. Nous sommes dans un métier d’idées. On n’est pas une entreprise de technologie. On doit garder un geste et un savoir-faire, c’est-à-dire être un métier à portée d’homme.

Quoi de neuf chez FutureBrand Paris ?
J.L. L’agence va très bien. Nous faisons état en 2022 d’une croissance organique de 11 % par rapport à 2021 et nous réaliserons une marge brute de 8 millions d’euros avec notre équipe de 55 personnes. De surcroît on a porté un plan RSE avec nos collaborateurs. C’est d’ailleurs aussi le cas chez nos clients, essentiellement de grandes marques. Nos fondamentaux sont toujours là : travailler avec les acteurs les plus excitants de chaque catégorie et prendre soin des marques. On ne s’en lasse pas ! Ceci étant, on a des challenges forts sur comment cimenter la culture d’entreprise ou comment continuer à faire aimer le design auprès des nouvelles générations. Et il nous faut également toujours continuer à convaincre que le design de marque peut vraiment apporter de la valeur. Même si cela va de mieux en mieux, tout le monde n’a pas forcément compris qu’une plateforme de marque ce n’est pas juste un message. Évangéliser est toujours important. 

Un message pour terminer ?
J.L. On attend de voir comment l’année prochaine va se passer. On tremble tous pour 2023, car le contexte international est lourd, ce qui fait que chaque décision d’investissement de la part des annonceurs est de plus en plus soupesée avec beaucoup de réalisme, et notamment pour ceux qui sont pénalisés par le coût de l’énergie. Tout cela ne doit pourtant pas empêcher d’être optimistes et j’espère que du fait que la portée de nos actions se situe dans le temps long, on ne sera pas trop impacté. De façon générale, je pense que les marques devront être de plus en plus fortes notamment pour affronter les sorties de crise. On voit bien que des secteurs comme l’énergie, le real estate ou le tourisme sont en pleine mutation et ont vraiment besoin des agences pour se réinventer. On le sait : une marque forte et attractive est un atout majeur dans des contextes en forte tension. 

Une interview de Christophe Chaptal

Article précédemment paru dans le Design fax 1254