Gregori Vincens, président de 4uatre et cofondateur de Black[Foundry], et Jérémie Hornus, cofondateur et directeur de Black[Foundry], s’expriment à propos des nouveautés de la fonderie.
Gregori Vincens et Jérémie Hornus, comment allez-vous ?
G.V. Ça va pas mal du tout. L’année 2021 a été plutôt bonne et en rebond de la Covid et de ses complications, avec toute la gêne que cela a occasionnée sur les projets. Mais comme notre activité est très internationalisée, on a finalement bien amorti ces soubresauts d’activité. 2022 avait très bien démarré, mais la rentrée est un peu plus molle. C’est d’ailleurs sans doute le cas pour pas mal d’entreprises du design. Cela dit, on sent quand même une vraie énergie sur les questions de la singularité de marque et la singularité typographique. De toute façon, on est optimiste et on continue d’avancer.
J.H. Je confirme : ça va bien malgré ces fluctuations extérieures. En interne, on a été très actif avec le développement de notre nouveau site qui nous a demandé plus de deux ans de travail avec cette grande nouveauté que constitue la boutique en ligne et un système de licences totalement repensé.
Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?
G.V. Nous avons mené une réflexion pour faire du site une clé d’entrée pour des licences sur mesure. On s’est inspiré de l’Asie et cela fait aussi suite à notre learning expedition de fonderies au Japon, à Taiwan et en Chine où nous avons été confrontés à des business models d’usage de fontes assez complexes, mais tout à fait intéressants et inspirants pour nous Occidentaux qui avons notoirement tendance à simplifier les choses.
J.H. Depuis ce voyage en Asie, on est sur le projet. La problématique de fond est que le marché est complexe pour des gens qui doivent acheter des licences avec des droits pour des polices de caractère, en fonction d’un ou plusieurs usages spécifiques. Nous voulions que le futur utilisateur puisse facilement définir l’usage qu’il fera d’une fonte donnée selon 19 cas de figure les plus couramment rencontrés. Il va donc cocher une ou plusieurs cases lui permettant la construction sur mesure d’une licence selon ce dont il a exactement besoin. On a été dans cette configuration avec Gédéon sur le branding d’une station télé où l’on a pu travailler en amont et en toute transparence sur la licence adaptée.
G.V. On a pris en compte tous les insights de nos clients, le tout modulé avec notre connaissance du marché. De surcroit, avec notre avocat, on a planché sur un modèle souple qui s’adapte à toutes les possibilités. Quand vous arrivez sur notre site, en fonction des options choisies, une licence spécifique est définie avec un prix adapté qui désormais démarre à cinq euros. Et nous avons plusieurs types de licences, qui vont d’un an jusqu’à des durées illimitées, avec les mises à jour lorsque nécessaires.
G.V. Je voudrais signaler qu’en Asie n’existe qu’un système de packages figés. Nous, nous proposons une expérience utilisateur beaucoup plus aboutie, car l’on construit vraiment en fonction des besoins. Pour cela, nous avons aussi travaillé avec un développeur sur les bases de données et les interfaces, le tout en lien avec notre designer intégré pour l’UX et l’UI. On a aussi fait des tests avec certaines agences pour optimiser l’expérience proposée.
J.H. Cela fait un mois que le nouveau site est en ligne, mais on peut d’ores et déjà dire que ça démarre bien. Évidemment, on a toujours les trial fonts (ndlr : fontes gratuites) destinées aux agences qui veulent aller pitcher un nouveau budget : certaines agences pensent encore qu’elles doivent acheter des licences pour utiliser des polices lors des pitchs. Pour nous, les agences sont des prescripteurs et nous ne voulons pas les pénaliser lors de leur développement client. Si elles remportent la compétition, leur client ira alors acheter les licences nécessaires.
G.V. Bien entendu, si une agence modifie nos fontes pour faire un logo, elle devra payer la licence, ce qui peut être une bonne affaire pour elle en fonction du coût auquel elle vend le travail de création global derrière.
Comment évolue le marché compte tenu de ce que vous apportez ?
G.V. On se rend compte que le marché se bipolarise : il y a à la fois des paniers plus petits qu’avant et surtout de beaucoup plus gros paniers, car un client peut acquérir l’ensemble des possibilités d’usage qu’il souhaite. Et surtout il est confiant. Il se dit que tout est bien ficelé et il n’a plus peur de faire des bêtises. Avec notre système, il gagne en assurance. Moins de souffrance, moins d’angoisse : les choses sont claires.
J.H. Et bien sûr, le marché bénéficie du fait que l’on peut dorénavant savoir exactement en amont quel sera son budget typo. C’est très important. Dans d’autres fonderies, on ne sait pas vraiment ce que recouvrent les droits que l’on a achetés.
G.V. Nous disposons d’un outil commercial puissant qui permet de vraiment de maîtriser son budget. Parce qu’il faut bien le dire, auparavant le budget typo passait à la trappe. Et puis, nous avons mis au point un processus qui permet de passer de la simulation au devis très facilement : tout est fait pour une gestion fluide et précise. On a essayé de faciliter au mieux le travail des agences. Je le redis, on veut que, de façon générale, les gens paient pour ce qu’ils ont vraiment besoin et que, in fine, le panier moyen augmente, car le marché est dur et nous avons besoin de conserver voire augmenter nos marges.
Vous vous distinguez vraiment de la concurrence, semble-t-il ?
G.V. Il est sûr que l’on a posé une petite barrière à l’entrée avec tout le développement que l’on a fait. Du coup, on a un peu déblayé le terrain.
J.H. Le fait de savoir exactement en amont quel sera son budget typo est une avancée majeure. Et si vous ajoutez qu’avec les fontes variables on peut vraiment choisir la typo dont on a exactement besoin, on peut dire que nous détenons un avantage concurrentiel de poids. Pour information, sur un catalogue d’une trentaine de familles de fontes, 70 % sont disponibles en fontes variables.
G.V. Générer à la volée des fontes et des licences est une première mondiale. Nous sommes les seuls au monde à faire cela. On ne serait pas étonné que l’on nous suive, notamment les plus petits acteurs. Et peut-être que cela sera l’occasion de favoriser des rapprochements, au moins au niveau industriel, pour que plusieurs acteurs travaillent sur des modèles économiques communs.
J.H. De surcroit, nous maîtrisons l’ensemble de la chaîne de valeur, du design à la production, et avec tous les mécanismes qui permettent de passer de la production à la boutique en ligne.
G.V. On en revient à notre positionnement type+tech. On maîtrise tout, du design jusqu’à la licence sur mesure.
Un message pour terminer ?
G.V. Achetez davantage de licences de fontes ! Que les marques n’hésitent pas à investir dans cet actif. Il y a plein d’entreprises qui ont plusieurs marques. Le propos n’est pas de faire de la diversité tous azimuts, mais de proposer de la variété intelligente avec des fontes parfaitement conçues. On sait le gérer : nous sommes très solides sur le plan tech et de surcroit très adeptes de l’amélioration continue.
J.H. Et puis, on n’est pas des robots. On est toujours là pour trouver une solution personnalisée !
Une interview de Christophe Chaptal
Article précédemment paru dans le Design fax 1252