Quelques vérités sur la Chine

Harold Parisot, fondateur et président du Chinese Business Club, nous parle des fondamentaux du business en Chine.

Harold Parisot, pourriez-vous présenter le Chinese Business Club ?
H.P. J’ai fondé Chinese Business Club en 2012 à Paris et on a d’ailleurs fêté les 10 ans récemment. Nous sommes un club 100 % business qui organise une dizaine d’évènements par an avec des invités d’honneur assez médiatisés, comme des patrons du CAC 40 ou de licornes. Nous invitons également des hommes politiques et des ambassadeurs ainsi que quelques journalistes français et chinois. Nous avons une centaine de sociétés membres, de tout secteur et de toute taille, que nous réunissons avec deux mots clés, business et networking. Depuis trois ans, du fait de la crise sanitaire, il est évidemment beaucoup plus compliqué d’aller en Chine ou d’en venir. Du coup, on a élargi la cible en proposant à ceux qui le souhaitent de profiter de nos nombreux contacts, et ce à destination d’entrepreneurs ou de business angels.

Que dire à nos lecteurs à propos de la Chine ?
H.P. Pendant des années, la Chine a été considérée comme un pays de copieurs. Si cela a pu être une réalité, c’est désormais totalement faux. Et pourtant, cette image perdure, notamment auprès de Français qui ne sont jamais allés en Chine. Il faut bien comprendre à quel point les Chinois sont de bons innovateurs. On est sur 100 % de création. Bien sûr, l’historique est faible, mais tout va très vite et on va bientôt se retrouver en France avec quantité de marques particulièrement affutées qui auront fait leur preuve sur un marché intérieur de 1,4 milliard de personnes. Quand vous avez testé sur un marché comme la Chine, tout va bien  !

Quels conseils pourriez-vous donner à une entrepreneuse ou un entrepreneur qui souhaite se lancer en Chine ?
H.P. D’abord et avant toute chose de disposer d’un compte WeChat. C’est absolument incontournable pour travailler avec des Chinois. Pas de WeChat, pas de business. Deuxième point, son site doit être en mandarin. Un site qui n’a pas de pages en mandarin n’est pas référencé par Baidu. Et convenez qu’il est très difficile de se faire connaitre et de vendre sans site Internet référencé… Ensuite, les consommateurs chinois se fient aux goûts des nouvelles générations que sont les milléniaux ou les générations Y et Z : il est donc très important de demander l’avis des jeunes Chinois pour valider la pertinence de son offre. D’autre part, les modes évoluent extrêmement rapidement et la part des influenceurs est déterminante. Je pense notamment au chanteur Jay Chou qui est très sollicité par les marques et qui vient d’ailleurs de signer un partenariat avec la Samaritaine. Voilà une publicité qui vaut de l’or, et c’est tant mieux. Après, évidemment, tout dépend des moyens dont on dispose. La solution la plus économique est bien sûr d’ouvrir un site de e-commerce via des plateformes existantes. Après, le must est d’être physiquement présent en Chine avec tous les coûts que cela suppose – je précise au passage l’importance des équipes mixtes : pas que des Chinois et pas que des Français. De la mixité.

Quelles sont les erreurs « classiques » que commettent les Français quand ils veulent démarrer des affaires avec les Chinois ?
H.P. Le grand classique est le Français qui pense qu’il va pouvoir attaquer le marché chinois du jour au lendemain. Tout prend du temps, avec des villes et des cultures très différentes d’un endroit à l’autre. L’autre erreur classique est d’accorder l’exclusivité à un seul intermédiaire. Compte tenu de la taille et des différences des régions, il est nécessaire d’avoir plusieurs intermédiaires, chacun expert d’un domaine ou d’une région, voire d’une ville. Ensuite, il ne faut certainement pas refuser d’apprendre à connaitre les Chinois et à les apprécier. Il faut faire confiance tout en étant rigoureux sur le contrôle. Les Chinois sont très intelligents, travaillent beaucoup et sont de surcroît de redoutables négociateurs : il faut donc toujours faire en sorte qu’un accord soit win win. Et puis, il y a plein de marques et de sociétés françaises qui aimeraient travailler en Chine, mais qui ont peur et de ce fait sont frileuses pour investir. C’est très dommage. Dernier point, pour ce qui concerne spécifiquement le design, je ne vois pas qu’il y a de frictions ou de problèmes avec les autorités politiques. Et ce, contrairement à des secteurs jugés sensibles où peuvent surgir brutalement des règles spécifiques qui ne concernent que des entreprises étrangères. Je rappelle que l’on peut depuis quelque temps monter sa filiale en propre en Chine, mais je le répète : il est indispensable de monter des équipes mixtes, ne serait-ce que parce qu’il n’y a qu’un Chinois qui peut discuter avec les autorités chinoises. En synthèse, c’est un très gros marché où tout est possible si l’on accepte les règles du jeu et de travailler dans la durée.

Un message pour terminer ?
H.P. On a tous hâte que les Chinois puissent revenir en masse et que nous, entrepreneurs français, puissions revenir en Chine. L’on ne s’en rend peut-être pas compte vu de France, mais la population chinoise s’enrichit énormément. Les familles misent tout sur le diplôme des enfants et tout cela génère un système redoutablement efficace. Par exemple, les étudiants chinois en France ont des cursus bluffants. Ils parlent trois langues (mandarin, anglais et français). À ce rythme-là, nos petits-enfants auront des patrons chinois en France, surtout si l’on continue à travailler aussi peu dans un tel contexte de mondialisation. Je trouve que les gens ont de moins en moins envie de bosser et de plus en plus envie de profiter : ce n’est pas du tout la mentalité chinoise. Au final, c’est celui qui bosse le plus qui va remporter le morceau. Autrement dit, les Chinois risquent de racheter des pans entiers de notre économie. J’aime la Chine, j’adore les Chinois, mais je suis chauvin. Il ne faut pas que les relations entre la France et la Chine soient à sens unique. Il faut que cela soit win win !

Une interview de Christophe Chaptal

Article précédemment paru dans le Design fax 1249