Packagings en verre

Éric Citone, CEO de Berlin Packaging France, présente le métier de la conception et fabrication des packagings en verre et précise quelques tendances du secteur.

Éric Citone, pouvez-vous vous présenter ainsi que Berlin Packaging ?
E.C. J’étais auparavant directeur général de Bruni Glass France, entité rachetée par Berlin Packaging en 2010. Berlin Packaging France est une société spécialisée dans les emballages en verre qui représente une équipe de 120 personnes. Pour information, nous étions 50 début 2021. Nous sommes des distributeurs, nous ne fabriquons rien  : notre raison d’être est de constituer le lien entre la partie industrielle et le client. Dans cette optique, on apporte un service de design, de développement et de logistique pour aider nos clients à croître.

Comment se structure votre marché et comment intervenez-vous ?
E.C. Dans le milieu du verre il y a le standard et le spécial. Pour le standard, il s’agit surtout de résoudre des contraintes de distribution. Concernant le spécial, segment sur lequel nous sommes, il est notamment structuré par le développement de nouvelles technologies. Le spécial est intéressant à la fois pour le client et pour nous : si l’on prend le vin, les études montrent qu’il est acheté à 70 % par des femmes se montrant particulièrement sensibles à l’esthétique de la bouteille et à son étiquette. C’est d’ailleurs là que réside toute la réussite des vins de Provence ! Concernant nos modalités d’intervention, le groupe Berlin Packaging dispose de studios de design partout dans le monde, à l’instar de Studio One Eleven à Milan, afin de proposer en permanence à nos prospects et clients de nouveaux modèles et de nouvelles formes, en intégrant évidemment les contraintes techniques, de fabrication, de moulerie, d’étiquetage, etc. Nous maîtrisons l’ensemble de la chaîne de valeur, comme par exemple le bouchage (ndlr : effet de pression) ce qui nous conduit à travailler avec des bouchonniers spécialisés dans le liège, les matières synthétiques ou l’aluminium. Et, bien sûr, Berlin Packaging a des accords avec tous les verriers dans le monde. Nous intervenons notamment dans les secteurs des spiritueux, vins et champagnes, parfums, alimentation – et en particulier l’épicerie fine.

Comment crée-t-on une bouteille en verre et quelles en sont ses particularités ?
E.C. Nous créons spécifiquement pour la France 40 modèles en verre par an. Nous sommes en général face à deux cas de figure : le client a une idée mais ne sait pas comment la réaliser – dans ce cas, on lui fait différentes propositions ; ou bien le client a travaillé en amont avec une agence de design et là nous apportons un service technique d’ingénierie pour concrétiser la proposition qui a été faite. Nos studios travaillent pour tous types de clients ou de projets, qu’ils soient gros ou petits. Pour vous donner une idée, nous intervenons à partir de 30 000 pièces, ce qui dans notre domaine est un petit volume. Nous avons des accords avec des verriers et on travaille en engerbement, c’est-à-dire que nous faisons passer plusieurs formes de bouteilles sur une même ligne de production. Pour ce qui concerne la phase de prototypage, une fois que le client a validé le plan technique, nous réalisons des maquettes via des imprimantes 3D et on est capable de présenter des bouteilles avec un effet très ressemblant au verre transparent ou couleur. En termes de timing, une fois que l’on a dessiné un plan technique et qu’il est validé, la maquette peut se faire en trois jours. Nous arrivons maintenant à la partie production : il faut au préalable savoir que quand on fait une bouteille, il y a toujours deux moules – l’un pour la préparation et l’autre pour la finition, ce qui permet la personnalisation. La production est évidemment organisée en fonction de ce qui a été créé – forme, poids verre et quantité. La production est localisée Italie ou dans les pays de l’Est pour les petites quantités. À partir de 150 000 à 200 000 pièces, il est encore envisageable de produire en France. Notons, et c’est important, que le verre est très intéressant sur un plan écologique, notamment du fait de ses possibilités de recyclage. Il faut juste éviter de trop le transporter, vu son poids. 

Quel est votre modèle économique ?
E.C. Nous misons beaucoup, vous l’avez compris, sur le spécial, segment qui offre de bonnes opportunités de croissance pour le client et nous. Pour information, on est arrivé à faire tripler les ventes initialement prévues par l’un de nos clients grâce au spécial. Dans cette optique, le moule nous appartient et la forme appartient au client. Jusqu’à présent, on avait un système plus ou moins de gratuité lors des étapes de conception. Aujourd’hui, on sépare le prix de la conception du prix de la bouteille. Les frais de moulerie sont soit payés cash, soit intégrés au prix de la bouteille. Quant aux frais de stockage, ils sont toujours à notre charge. Nous sommes donc bien là pour faciliter la vie du client. Enfin, il faut bien distinguer ce qui relève des boissons alcoolisées du reste : ce n’est pas le même niveau d’investissement entre une bouteille de cognac et une bouteille de vinaigre.

Quelles sont les tendances en matière de packaging verre ?
E.C. Nous travaillons beaucoup sur les notions d’allégement et de recyclabilité. Il faut aussi savoir que le futur va nous ramener sur des formes assez classiques car beaucoup personnaliser augmente le poids de la bouteille. Il y aussi une prise en compte de plus en plus fine des souhaits et habitudes de consommation. Ainsi, le Français veut une bouteille blanche pour l’huile d’olive, contrairement aux Italiens. Ce critère de teinte prend une importance croissante pour nos clients. D’un point de vue économique, la situation verrière devient assez compliquée et même dramatique en Europe où il manque beaucoup de verre : quelques fours se sont arrêtés, d’autres sont en train d’être refaits, ce qui combiné à une forte demande nous conduit à une situation de pénurie. Et puis, l’énergie et le transport sont de plus en plus coûteux. Par conséquent, les augmentations tarifaires sur nos produits sont sensibles : on est entre 8 et 15 % d’augmentation sur 2021- 2022. Sur certains composants, c’est encore plus spectaculaire, comme la capsule twist-off en fer blanc qui a augmenté de 50 %, c’est du jamais vu. Cette situation est très difficile à gérer pour nous : on est en rupture et les gros industriels surtout n’arrivent plus à s’approvisionner. Cela dit, ayons bien conscience que le verre est soumis aux effets de cycle : ça monte et ça descend sur une période de trois à cinq ans et donc la situation devrait se stabiliser. Il n’est ainsi pas impossible que l’on se trouve en surcapacité de production dans un an. Nous avons, heureusement, la chance de disposer de beaucoup de stocks dans le spécial. 

Un message pour terminer ?
E.C. Le verre est un produit noble et recyclable à l’infini dont on ne pourra jamais se passer. On sait le travailler sur des formes spécifiques et on traite toutes les demandes. Et on apprécie particulièrement travailler avec des agences de design avec lesquelles on sait intervenir rapidement. La situation idéale pour nous est de lier expertise technique et expertise de design. 

Une interview de Christophe Chaptal

Article précédemment paru dans le Design fax 1222