Rencontre avec Emmanuelle Lacaze, présidente de Gédéon, agence de branding, de communication et également maison de production.
Emmanuelle Lacaze, pouvez-vous vous présenter et présenter Gédéon ?
Je suis entrée chez Gédéon en 1998 après des études de lettres, d’art plastique et d’économie de la culture. Lorsque je suis arrivée chez Gédéon, cette entreprise, créée en 1985, était déjà iconoclaste en tant qu’agence et maison de production. C’était, par exemple, la seule en France positionnée sur le marché de l’habillage des chaînes de télévision. J’ai démarré chez Gédéon avec un profil de producteur et de chef de projet et de fortes appétences pour le cinéma et le design. Lorsque Vivendi a repris Canal+, à qui appartenait alors Gédéon, nous avons été quatre salariés à décider de reprendre l’entreprise, bien décidés à ne pas laisser une si belle marque mourir. On a fait cela sur un coup de tête et j’ai très vite pris goût à l’indépendance, au plaisir de la création, mais aussi au développement international.
Comment définiriez-vous Gédéon ?
Gédéon a été parmi les premiers à lancer des CD-Rom ou des sites internet. On a aussi produit de la publicité. On s’est essayé à de la fiction avec des courts métrages et des clips vidéo. On a toujours eu l’habitude de travailler avec des talents les plus divers : typographes, réalisateurs, concepteurs-rédacteurs et aussi les tous premiers motion designers. Gédéon Communications dont je suis aujourd’hui la présidente et unique actionnaire est à la fois une agence de branding, une agence de communication digitale 360° et une société de production. Notre spécialité est de concevoir des identités et des outils de communication en mouvement. On est bien sûr connu pour notre spécialisation d’habillage de chaînes, c’est dire que depuis toujours nous sommes habitués à penser identité visuelle en mouvement. Ce qui m’intéresse avant tout est de piloter une structure agile et de défendre la qualité de ce que nous faisons, et notamment pour ce qui concerne le design, c’est-à-dire donner du sens à une grammaire graphique. Cela suppose du sur-mesure et dans cette optique nous montons des équipes ad hoc en fonction des projets. En termes de sructure, nous sommes 15 salariés permanents auxquels se rajoutent 5 à 10 CDD suivant les projets. Nous pouvons facilement monter à 50 personnes sur un budget donné.
Pourquoi l’identité visuelle en mouvement est-elle aujourd’hui si importante ?
Toutes les marques, grâce aux réseaux sociaux, sont désormais en mouvement : elles ont donc besoin de logotypes animés. De surcroît, les marques sont devenues des médias à part entière et peuvent communiquer directement avec leurs publics cibles sans passer par de l’achat d’espace d’un média presse ou une chaîne de télévision. De ce fait, elles peuvent présenter un contenu en direct, ce qui suppose un savoir-faire spécifique – et c’est là où nous intervenons. Il y a d’ailleurs pas mal d’agences de design traditionnelles qui nous appellent pour pouvoir prendre pied dans l’univers de l’identité en mouvement.
Comment « utilisez-vous » le design ?
Chez Gédéon nous avons une vraie culture des composantes du design, comme la typographie ou l’illustration, tout en ayant la volonté de bousculer les barrières établies. Par exemple, suivant les pays, les codes couleurs ont des significations particulières. La manière de raconter les choses via l’animation d’un logotype influe par conséquent sur sa conception. D’autre part, on fait évoluer les codes graphiques tout en gardant les fondamentaux de la marque permettant à leurs audiences de la décoder. Et puis, il y a cette volonté d’interaction entre les marques et ces audiences, ce qui influe également sur le design des marques.
Que pensez-vous de la période actuelle ?
Cette période troublée est finalement une assez bonne surprise : malgré une peur ambiante, des restrictions de budgets et un suivisme de beaucoup d’entreprises, pas mal d’opportunités se créent, notamment en matière de design. Par exemple, la créativité a davantage d’espace pour émerger, notamment chez certains clients français ou étrangers qui sont prêts à prendre des risques comme dans le cadre du projet belge Play qui consiste en une association des marques médias de Telenet avec toutes les marques média du groupe SBS. C‘est une plateforme pour laquelle nous avons conçu l’identité des neuf marques : télévision, digital et print.
Comment voyez-vous évoluer votre marché ?
Je trouve que les frontières entre les métiers du design et de la communication sont de plus en plus poreuses. Ces frontières n’ont jamais existé chez Gédéon et je constate que le marché prend la même direction. Nous sommes également dans un monde à 360° et la marque suit évidemment cette tendance. Il faut donc à la fois offrir des outils 360° et en même temps des talents ultraspécialisés. Autrement dit, une vision globale ainsi qu’une expertise sectorielle. Je constate aussi que le consommateur est davantage sensible aux codes du design et qu’il est en demande de sens. Voilà qui nous oblige à maîtriser les codes et à les utiliser avec précaution et intelligence. Et puis, comme je le disais tout à l’heure, la crise actuelle va nous aider à libérer des espaces de création et à mettre en valeur des talents qui ne sont pas sur le devant de la scène aujourd’hui.
Un message pour terminer ?
J’ai plutôt envie de faire passer des messages positifs en ces temps moroses. Ce que l’on nous demande, c’est d’amener du sens et proposer une forme d’évasion, de rêve. Ce qui n’est pas contraire au fait d’offrir de l’intelligence et surtout à la volonté de ne jamais rien lâcher sur la qualité. Enfin, donner des signes positifs aux jeunes générations, mais pas seulement : comme tout est à construire, il est intéressant de binômer seniors et juniors pour combiner créativité et expertise.
Une interview de Christophe Chaptal
Article précédemment paru dans le Design fax 1181