En septembre 2020 trois évènements majeurs du design se sont déroulés de façon relativement concomitante : France Design Week, Paris Design Week et Lille Métropole 2020, Capitale Mondiale du Design. Pour en savoir plus, rencontre avec Dominique Sciamma, Franck Millot et Caroline Naphegyi.
Dominique Sciamma, en quoi consiste la French Design Week ?
D.S. La French Design Week est née des Assises nationales du design : c’est un point important. De façon opérationnelle, la French Design Week a été construite avec un groupe de travail qui comprenait initialement l’IFD, Maison&Objet, l’APCI et 14 septembre. Ce groupe de travail s’est ensuite élargi avec un comité de pilotage rassemblant les 13 régions françaises. La French Design Week dispose d’une charte graphique spécifique, créée par Lonsdale, et construite sur l’idée qu’en matière de design il faut donner le pouvoir aux régions.
Il s’agit donc d’un évènement régionalisé ?
D.S. Tout à fait : chaque région est libre de mettre en avant ce qu’elle souhaite, dans le respect de certaines valeurs clés, et évidemment de la charte graphique. Ainsi, en Auvergne-Rhône-Alpes, la Cité du design s’est rapprochée de Lyon City Demain, dans un esprit de collaboration remarquable. C’est d’ailleurs dans le cadre de la French Design Week que la Cité du design fera l’annonce de la prochaine Biennale. Il y a donc une dynamique régionale ainsi qu’une dynamique de réseaux qui se sont mises en place. Pour information, nous avons 250 évènements au programme sur l’ensemble des régions. Et, par exemple, rien que sur Nantes, il y a 50 évènements.
N’êtes-vous pas légèrement en train de chasser sur les terres de Paris Design Week ?
D.S. La réponse est clairement non. D’ailleurs, Paris Design Week est dans le comité de pilotage de la French Design Week via Maison&Objet. Disons pour être précis que Paris Design Week est désormais l’un des évènements de la French Design Week : c’est le principal évènement parisien. Je tiens d’ailleurs à remercier Maison&Objet pour l’expertise qu’elle nous a apportée dans l’organisation de la French Design Week.
Aucune visée hégémonique en matière de design ?
D.S. Je rappelle que la French Design Week est un collectif qui n’est contrôlé par aucune instance mais qui est co-piloté par l’ensemble des acteurs territoriaux. Dans cette optique, nous serions bien en mal de revendiquer une quelconque visée hégémonique. Notre seul souci, pour la prochaine édition, est de coordonner l’ensemble, de faire savoir et d’avoir assez de ressources pour aider au financement des initiatives.
Un message à faire passer ?
D.S. D’abord, la crise sanitaire n’a pas empêché cet évènement d’avoir lieu, et nous en sommes très fiers. Ensuite, la French Design Week est tout à fait représentative du nouveau mode de fonctionnement de l’APCI : inciter, assister, coordonner et communiquer.
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Franck Millot, directeur de Paris Design Week et directeur des partenariats de Maison&Objet.
Franck Millot, comment se présente la Paris Design Week cette année ?
F.M. Nous en sommes à la dixième édition. La crise sanitaire a évidemment bousculé la logique de calendrier car la Paris Design Week est le prolongement parisien de Maison&Objet qui n’a pas eu lieu physiquement cette année. Nous avons néanmoins tenu à maintenir l’évènement car nous avions misé sur une reprise à partir de mai. Et puis, la Paris Design Week est un dispositif important pour relancer une partie du secteur du design, avec ses designers, fabricants et distributeurs. Nous comptons 250 participants dans un esprit de très bonne émulation, avec par exemple un appel à projets en collaboration avec les Ateliers de Paris.
Comment la Paris Design Week s’intègre-t-elle dans la French Design Week ?
F.M. Lorsque les Assises ont eu lieu, j’ai rapidement eu le sentiment qu’allait se mettre en place un évènement intéressant. C’est donc tout naturellement que Maison&Objet a été présent dès le départ dans l’organisation de la French Design Week. Je constate d’ailleurs que cette édition zéro part plutôt bien. Mon souhait, évidemment, est que la Paris Design Week prenne toute sa place au sein de la French Design Week, ce qui est légitime compte tenu de notre historique. Une remarque au passage : on va revenir d’un jour ou l’autre dans un monde globalisé et non confiné. Dans cette optique, la French Design Week doit être un label capable de rayonner à l’international afin de porter haut et fort le design français.
Votre vision de la French Design Week ?
F.M. Avec la French Design Week, on est en train de bâtir un modèle différent : à ma connaissance, c’est la première fois dans le monde que se tient une manifestation consacrée au design à l’échelle nationale. Cela étant dit, je suis un acteur du secteur privé et France Design Week est un collectif sans but lucratif. Alors, attendons de voir quelles seront les prochaines étapes, d’ici à trois à cinq ans, pour pouvoir affirmer qu’il y a réellement en France, à un moment donné, un évènement fédérateur du design réunissant l’ensemble des acteurs, tant publics que privés. De toute façon, et quel que soit le principe, c’est l’audience qui décide du succès ou non d’une opération : si le public est au rendez-vous, c’est gagné.
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Caroline Naphegyi, directrice des programmes de Lille Métropole 2020, Capitale Mondiale du Design.
Caroline Naphegyi, comment se présente Lille Métropole 2020, Capitale Mondiale du Design ?
C.N. Tout d’abord, je veux vous dire combien je suis heureuse que cet évènement redevienne désormais visible et partageable par le grand public. Nous devions initialement ouvrir la saison de printemps le 29 avril mais la crise sanitaire nous a stoppé net dans notre élan – pour mémoire, l’évènement avait démarré en décembre 2019 avec le World Design Street Festival. Notre programmation se voit donc concentrée sur l’automne, avec un contenu amputé de 25 %, les summer camps d’été n’ayant pas eu lieu et les POC sur l’axe de la Deûle et du Grand Boulevard n’ayant pu être montrés. Les mesures nous ont contraint à réduire les jauges : pour bien échelonner le public on travaille donc sous forme de pré-réservation, avec envoi d’un livret visiteur permettant de bien préparer sa visite. Mais le confinement n’a pas eu que des effets négatifs. Il a été l’occasion d’échanger avec les commissaires d’expositions et des maisons POC sur la pertinence des propositions antérieurement établies et de se demander comment aller plus loin dans ce contexte de crise qui amène à voir le monde autrement. Résultat : on a notamment mis en place une série de talks avec des étudiants et des chercheurs du monde entier pour réfléchir au monde demain et au rôle du design. On refera des talks avec ces mêmes personnes en post-confinement et on présentera le tout lors de la Nuit étrange pour voir comment les réflexions ont évolué. L’automne sera donc ponctué de temps forts – soit des périodes de 4 à 10 jours – qui seront l’occasion d’aller dans les maisons POC, mais aussi d’aller sur le terrain, pour comprendre, en particulier, ce que signifie innover par le design. Le 24 octobre auront lieu les POC Awards : 20 nominés et un grand gagnant. Ces POC constitueront le « grand » POC de la métropole en matière de design. Et n’oublions pas la Design Week du 8 au 18 octobre.
Comment vous positionnez-vous par rapport à la French Design Week ?
C.N. Nous faisons partie de la dynamique de programmation de la French Design Week. Pour moi, il s’agit d’une formidable initiative, et je rappelle à ce propos qu’il était initialement prévu que l’une des expositions lilloises soit présentée dans le cadre de Paris Design Week. D’autre part, je trouve formidable que les régions soient parties prenantes de ce type d’initiative centrée sur le design.
Votre vision du design territorial ?
C.N. Le design existe sur notre territoire depuis 2012 avec lille-design. J’ai toujours pensé qu’il nous fallait un évènement fédérateur comme Lille Métropole 2020, Capitale Mondiale du Design. Cela a été un catalyseur très efficace : ainsi, par exemple, Lille Métropole a embauché un designer et est en train de créer un laboratoire des politiques publiques. La métropole est même devenue l’un des acteurs les plus exemplaires en matière de POC. En deux ans de temps, la métropole a intégré de manière dynamique la démarche et les outils du design. Notre objectif est que cette intégration du design se poursuive, via, entre autres, un évènement récurrent comme une design week.
Un message à faire passer ?
C.N. Le parti pris a été de construire une programmation qui montre combien le designer est doté d’une vision prospective. Pour nous ce qui est important c’est la co-construction systématique avec un designer, pas l’effet de grands noms ou de thématiques alléchantes. Il faut considérer Lille Métropole 2020, Capitale Mondiale du Design comme un laboratoire, avec du très bon, mais aussi du moins bien. L’important est de tester, ce qui est par définition le propre du design.
Une interview de Christophe Chaptal
Article précédemment paru dans le Design fax 1162