Philippe Picaud, patron de la stratégie design et produit de Decathlon confie aux amis d’ Admirable Design ses conclusions sur le design en tant que force d’échanges entre les gens, les cultures et les économies. Idées qu’il a pu exprimer lors de la dernière conférence du Design Management Institute à Paris.
Et de poser la question : le design est-il mature ?
Design : the linking force…
De par sa configuration l’Europe offre un mélange de cultures et de regards qui s’enrichissent naturellement de l’évidente nécessité de vivre et de travailler ensemble. L’histoire européenne de chaque pays, ville et même compagnie est le résultat des relations construites avec les autres.
Paris a été pendant une longue période le centre culturel du sud et du nord de l’Europe. C’est l’exemple même d’une cité bâtie sur ces influences.
Notre survie est liée à notre capacité de créer des liens avec d’autres cultures, d’autres connaissances et des marchés extérieurs à notre environnement national. Dans ce domaine les plus petits pays ont démontré qu’ils étaient les plus aptes à associer leurs forces à celles des autres.
Nous, en tant que designers avons un rôle et une responsabilité majeurs pour donner un sens au business : nous interrogeons ce qui n’est pas encore connu, utilisons les méthodes de fertilisation croisée, sommes ouverts aux comportements des autres et avons un important réseau de relations.
Nous nous devons d’être généreux pour étudier des solutions qui améliorent la vie quotidienne des gens… Pour cela les designers doivent échanger ce qu’ils ont appris et partager leurs expériences pour le plus grand bénéfice des autres mais aussi pour celui de la profession toute entière.
C’est par le partage que nous pourrons mettre en évidence la puissance du design global.
Pour moi, il y a pour cela trois mots-clé importants :
#1 : La conviction
Nous sommes trop discrets, attendant d’être invités. Ne sommes-nous qu’une force de propositions à partir de laquelle d’autres prendront des décisions et choisiront d’agir ? Ou ne pouvons-nous pas jouer un rôle plus grand en exprimant nos convictions et nos opinions ?
Un exemple courant est d’associer design à innovation ; avec des thèmes très tendances et récurrents tels que : « L’innovation par le design » ou » Conjuguer design et innovation », etc. Mais pourquoi pas : « Le design EST innovation » ?
#2 : L’intimité de l’usager (User inside)
Une des plus grandes contradictions que j’ai rencontrée dans ma carrière est cette idée qu’il y a une différence entre consommateurs et usagers. Il existe une contradiction identique dans l’approche de la vente et le marketing ; l’un étudie le comportement du consommateur dans son acte d’achat quand l’autre s’attache aux modes d’utilisation de l’usager pour mieux créer l’offre.
Comprendre notre cible sur ces deux tableaux donne plus de chances pour résoudre la relation du produit avec l’utilisateur : arrêtons d’étudier les usagers « designons » plutôt avec eux pour appliquer ce principe d’intimité, de cocréation avec l’usager : « user inside ».
#3 : Benchmark
Combien d’entre nous sont réellement « challengés » par leurs confrères et collègues et combien les challengent ?
Quand nous sommes ensemble n’avons-nous pas tendance à nous taper sur l’épaule ? Ne devrions-nous pas saisir cette opportunité et apprendre d’autres façons de faire, accepter d’autres points de vue et ainsi questionner notre propre savoir-faire ?
De la maturité du design…
En conclusion, je me pose la question de la maturité du design en comparaison avec celle d’autres disciplines ou tout au moins de l’idée qu’on s’en fait…
Mais le design a-t-il vocation à devenir mature ?
Ou n’a-t-il pas vocation à se renouveler constamment dans un monde de changements ?