Le salon de Milan, miroir des tendances 2018-2019

Incontournable du design, le Salone del mobile permet de détecter les évolutions d’usages et d’esthétiques qui font écho à des tendances sociétales. Décryptage de l’édition 2018 par l’agence Paris Calling.

1• PURPOSEFUL MATERIAL (matières à dessein – traduction d’Admirable design)

Un packaging qui s’adapte à son objet avant de se dégrader une fois devenu inutile. Par Biorealize avec Puma et le MIT.  Crédit photo : MIT Design Lab, powered by Biorealize.

Face au défi de la surconsommation, la production est soumise  à une justification du bon usage de la matière. Puma s’est associée avec le MIT Design Lab pour créer des matériaux incorporant des organismes vivants dans les polymères. La Breathing Shoes se dégradera pour créer des aérations en cas d’utilisation intensive. Un Adaptive Packaging pour ces chaussures, se gonflera pour les accueillir pour se dissoudre ensuite une fois devenu inutile, toujours grâce à l’action de bactéries multifonctions. Tout comme le plastique, la filière textile se mobilise pour la revalorisation de ses déchets. L’éditeur de tissus Kvadrat avec Really et sept designers inventent une nouvelle matière sous forme de plaques rigides, à même de servir à la fabrication de mobilier ou d’isolant, proposant ainsi de nouveaux usages aux textiles en fin de vie.

« Fourrure » acoustique réalisée à partir de textiles usagés. Chaque élément est aimanté afin de pouvoir être accroché et déplacé sur un mur magnétique. Par Christien Meindertsma pour Really.

L’idée : les matériaux hier indignes d’être utilisés deviennent montrables et désirables. Porteurs d’innovation et de valeurs, ils sont indispensables à une économie circulaire plus vertueuse.

2• PLAYFUL HERITAGE (passé recomposé)
Pour nourrir le storytelling, designers et marques puisent depuis toujours dans le passé. Faire vivre ou revivre ce qui tend à disparaître marque toujours plus les imaginaires. Mais pas question de verser dans une  nostalgie mélancolique d’arrière-garde. Dans cette quête de sens, l’éditeur hollandais Moooi avec le thème « Extinct Animals » s’inspire certes des motifs du pelage d’animaux disparus, mais ils sont mis en scène et revivent sous forme de revêtements muraux colorés ou en relief et de de mobilier exubérant.

Papier peint Arte pour Mooi s’inspirant de la texture et du dessin du plumage du feu dodo. Photos SB.

L’idée : sans pathos ni culpabilisation, les marques puisent dans le passé pour imaginer avec détachement une expérience distrayante, mais riche de sens.

Les textiles de Missoni home reprennent de façon ludique l’horoscope chinois.

3• HOMELY TECHNO (techno douce)

À l’heure où la technologie se fait de plus en plus pointue, les objets mutent pour s’humaniser et s’intégrer à l’intime, au cocon de nos chez-soi. Avec le projet Softwear, Google a fait appel à Li Edelkoort, trendsetteuse mode, pour mettre en scène le lien des objets de l’univers Google Google Home, Pixel ou Daydream avec l’univers de la maison. Ainsi le textile, doux, texturé, attractif, fait son retour dans nos intérieurs pour habiller ce qui est réputé froid et notamment les équipements techniques, à l’instar du radiateur d’Alica Pola Knabe qui revêt un textile moelleux adapté aux conditions de la salle de bains.

Pour la première apparition de Google au Salon du meuble, la tendanceuse Li Edelkoort a commandé à la designer Kiki van Eijk des tapisseries mettant en scène les produits du géant du numérique. (Photo SB)

NDLR : de son côté, Sony, avec son parcours « Hidden senses » (sens cachés) mettait en scène des interfaces qui répondaient au mouvement du corps et se faisaient muettes ou invisibles sans interraction (photo de une : l’ombre répond en asymétrie à une présence, comme une autre présence).

L’idée : place à la douceur du toucher, aux effets textiles chaleureux et confortables pour rendre la technique accessible.

4• SMALL VANITY (petites vanités)

Sculpture domestique par Sara Polmar.

La tendance du nomadisme, qui touche l’univers de la beauté et de la cosmétique, se poursuit et investit la maison. On observe ainsi une profusion d’objets miniatures personnalisés. Des petits miroirs ponctuent les intérieurs et scénarisent les espaces les plus improbables comme le miroir sur tige en métal à intégrer dans son pot de crayon par Antje Pesel design studio. Prendre soin de soi n’est plus réservé à la salle de bains comme le témoigne le retour dans la chambre de la coiffeuse, qui sert également de bureau d’appoint, véritable signe de porosité des univers. Ces créations multiplient les espaces intimes de bien-être comme la sculpture domestique de Sara Polmar qui réunit autour d’un miroir, de petites coupelles mobiles.

L’idée : la tendance des produits nomades, du « on the go » tend à s’imposer dans nos intérieurs avec une mise en scène et des rituels encore plus personnalisés.

5• MAXIMIZED EXPERIENCE (expérience augmentée)
Couleurs pop, mix de motifs, références kitsch, appel à tous les sens… tout est possible pour challenger la tendance minimaliste. Le show joue sur des extrêmes, l’improbable, le défi face aux convenances, voire aux lois physiques. Célébrés par le designer Marcel Wanders, les cinq saisons se déclinent en parfums d’intérieur pour Alessi et s’accompagnent d’un univers opulent aux noms évocateurs de Brrr, Ahhh, Hmm, Grrr et Shhh. Une approche extrême, à l’image de la collection Skin de l’éditeur De Rosso imaginée par Paola Navone : du mobilier qui évoque les fruits exotiques. Un habillage toutefois amovible en cas de regret.

Collection Skin de l’éditeur De Rosso, imaginée par Paola Navone.

L’idée : les univers « OVER » sensoriels font leur retour : couleurs vives, parfums capiteux, motifs forts, texture ultra comfy, mots évocateurs…  pour une expérience renouvelée.

Collection de parfums d’intérieurs et diffuseurs de Marcel Wanders pour Alessi.