« Donner sa chance à de petits studios »

Gilles Deléris, fondateur et directeur de création de W&Cie (et membre du conseil d’administration de l’APCI), est le responsable des catégories Design et Étudiants du Club des directeurs artistiques. Il revient sur le palmarès 2018, dévoilé le 10 avril à la Scène Musicale.

Quelle est la place du design au sein du Club des Directeurs artistiques ?
Gilles Deléris. Le Club est une vénérable institution de 49 ans, créée autour du métier de la publicité qui quittait alors le monde de la réclame avec l’arrivée du marketing et du commerce. Sous l’impulsion de son président Bertrand Suchet, il s’est élargi à d’autres métiers pour tenir compte des nouveaux médias et de nouvelles organisations d’agences. La publicité n’a pas bonne presse, les consommateurs installent massivement des adblockers, en revanche le design a une image positive. L’ère où l’on matraquait en télévision en prime time est révolue avec la multiplication des interfaces, et les jeunes créatifs eux-mêmes peuvent être graphistes le matin, rédacteurs l’après-midi et DJ le soir. Nos clients ont besoin d’une communauté de créatifs sans barrières, qui travaillent sur le graphisme, le clip, l’habillage TV… Les 22 catégories du prix reflètent ces différentes sources d’inspiration. En tant que responsable de la catégorie Design cette année, j’ai voulu l’élargir à l’ensemble des industries créatives, y compris les métiers d’art et les arts appliqués. Jean-François Porchez, le responsable de la catégorie Typographie, est sur la même longueur d’onde.

Invitation réalisé par le studio Artworklove.

Comment a travaillé le jury pour déterminer les gagnants ?
G.D. J’ai constitué un jury œcuménique réunissant des points de vue qui n’ont pas l’habitude de se confronter. Le président du jury, Patrick Jouin, est quelqu’un de bienveillant et curieux de tout. À ses côtés, j’ai fait venir Fanette Mellier, graphiste qui ne voulait pas entendre parler de publicité, et Xavier de Jarcy, journaliste culture à Télérama, mais aussi Lucille Bureau, designer d’espace, et des créatifs d’agence : Jean-Baptiste Coissac de Générous, Dilshan Arukatti d’Immersive Garden, Valentin Baumont de 4uatre. Cette compétition donne sa chance à de petits studios dans des secteurs moins visibles d’être récompensés, comme Artworklove qui a reçu deux boules rouges (l’équivalent de l’or) pour des cartons d’invitation. Le jury a aussi distingué l’opération Porcelain Bones pour sensibiliser à l’ostéoporose (Humanseven) et Scents of the City, un espace de découverte des fragrances de villes pour Thalys (Rosapark).

Beaucoup des projets émanent encore d’agences de publicité.
G.D. Il y a eu 30 % de dossiers déposés en plus cette année en catégorie design, soit 75 travaux, mais ce n’est pas suffisant. Il en faudrait 250 pour couvrir l’ensemble du métier : packaging, architecture, branding… Nous voulons accroître la notoriété de cette catégorie.

Vous étiez aussi en charge de la catégorie Étudiants. Qu’en avez-vous retenu ?
G.D. Nous pensons important d’entretenir la relation avec les écoles, c’est pourquoi nous avons intégré cette année le concours étudiants au reste de la compétition. Lorsque nous avons défini le programme, l’affaire Weinstein venait d’éclater, et nous avons fait travailler les futurs créatifs sur la question du combat contre le sexisme ordinaire. C’est essentiel de les faire réfléchir à la responsabilité des messages qu’ils vont transmettre, d’autant qu’il y a un vrai problème de valorisation des femmes dans les métiers créatifs. Elles représentent 80 % des effectifs dans les écoles mais seulement 25 % des primés.

Le prix étudiant à la proposition de l’équipe (féminine) de l’ECV Paris.

Comment l’expliquez-vous ?
G.D. Sans doute que les femmes sont moins exposées et montent moins dans la hiérarchie. La publicité est un métier de conviction, dans lequel il faut être dans l’affrontement. Elle implique un tempérament, une énergie que l’on n’encourage pas chez les filles. Et pourtant les femmes sont capables d’affronter des situations difficiles. Le Club veut être un acteur de la valorisation de la place des femmes, dans un premier temps en mettant en place des jurys paritaires.

Propos recueillis par Pascale Caussat pour Design fax

 

Retrouvez l’ensemble du palmarès sur le site du Club des DA

Notre article sur les prix du design sur Admirable design