De Charlie à Paris 2024

Joachim Roncin, fondateur de Fantome, et auparavant directeur du design des Jeux olympiques et paralympiques Paris 2024, nous dévoile sa contribution à cet évènement et nous fait part de ses ambitions.

Joachim Roncin, comment allez-vous ?
J.C. Il s’est passé pas mal de choses depuis les Jeux et je constate en particulier qu’il y a une appétence grandissante pour tout ce qui tourne autour du design graphique ou de la forme. Les jeux ont fait bouger les mentalités : c’est un fait sociétal et pas uniquement sportif.

Parlez-nous de votre expérience des Jeux
J.C. J’ai été le directeur du design des Jeux olympiques et paralympiques Paris 2024 pendant six ans, avec la charge de la supervision de l’ensemble de la création visuelle des évènements. Quand je suis arrivé, les organisateurs étaient en train de choisir le logo. Je faisais partie du jury, mais, étant jeune recrue, je n’ai pas pu choisir ce qui me semblait être l’identité des Jeux et j’ai donc fait avec celle qui a été retenue. Nous avions une agence intégrée avec une trentaine de créatifs et avons fait appel à des agences externes qui nous ont aidés à développer un certain nombre de choses, par exemple avec W Conran Design. Notre démarche a consisté en une cocréation de bout en bout, avec pas mal d’éléments réalisés exclusivement en interne, comme certaines tenues ou créations spécifiques. Cela a été pour moi l’occasion de découvrir de nouveaux corps de métier, comme des fabricants de peluches ou de médailles. Nous avons d’ailleurs mené une quinzaine de réunions quotidiennes pour passer tous les corps de métier en revue en fonction des créations.

Quel est votre parcours ?
J.C. Je viens du branding et du secteur de la presse : reprise de Studio, cocréation de Grazia France puis de Stylist (ndlr : Groupe Marie Claire), média qui n’a pas survécu à la crise sanitaire. En parallèle, je suis intervenu pour des évènements comme le festival We Love Green ou pour l’agence We Love Art. J’ai également été DA pour Les César en m’occupant de la mise en scène, de la création des visuels ainsi que des bandes-annonces. J’ai aussi pas mal travaillé pour Canal sur des habillages d’émissions. En 2015, j’étais chez Stylist et à la suite des attentats chez Charlie Hebdo j’ai écrit trois mots qui sont devenus un slogan, Je suis Charlie, comme la nostalgie d’une époque de mon enfance. Cela pour vous dire que, quand l’on fait quelque chose qui touche à l’histoire violente contemporaine, on change sa perception sur la création et on comprend mieux la portée de notre travail, même s’il relève du domaine de la fulgurance, comme c’était le cas ici. Ce slogan a cristallisé quelque chose dans la société et a représenté quelque chose de très fort. En fait, on n’est même plus dans la création, car graphiquement c’était pauvre avec ces lettres sur un fond noir. En revanche, l’écho a été totalement inédit, car il s’est propagé à travers le monde entier. 

Comment êtes-vous devenu directeur du design des Jeux ?
J.C. Le hasard : une rencontre avec Thierry Reboul, qui s’occupait de la composante créative des jeux. J’étais en train de réaliser un documentaire sur cinq sportifs qui allaient potentiellement participer aux Jeux et j’en parle à Cédric Klapisch, qui est très sensible aux documentaires traitant du sport. Et c’est Cédric Klapisch qui m’a mis en contact avec Thierry Reboul. C’est comme cela que j’ai rejoint le Comité créatif de Paris 2024, où l’on me propose finalement d’en être le directeur du design, car l’on avait décidé que je correspondais à l’énergie que dégageaient les Jeux.

Que faites-vous actuellement ?
J.C. En ce moment, je partage les locaux de Gédéon où je développe Fantome, une agence qui me permet de continuer sur la lancée de ce que j’ai pu faire pour Paris 2024, c’est-à-dire des territoires de marques et des récits. On est sur pas mal de gros sujets, dont il est encore trop tôt pour parler. Tout ce que je peux vous dire c’est que nous sommes davantage sur la posture du fantôme que sur celle du caméléon !

Quelques mots pour conclure ?
J.C. Je veux créer des histoires plutôt que des logos parce qu’il y a une corrélation assez évidente entre raconter une histoire avec des mots et la raconter avec des formes et des images. Je veux du sens, la subjectivité ne m’intéresse pas. Pour résumer, je doute énormément et donc je dois me convaincre tout le temps. Pour ce faire, il faut du fond, car sans fond, pas de cadre.

Une interview de Christophe Chaptal

Article précédemment paru dans le Design fax 1347