Emmanuelle Lacaze, présidente de Gédéon, fait le point sur la forte contribution de l’agence aux Jeux olympiques et paralympiques, ainsi que sur l’opportunité que représente le motion pour les marques.
Emmanuelle Lacaze, comment allez-vous ?
E.L. Très bien et surtout avec ce grand nombre de réalisations effectuées pour le compte du Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques (Cojop) Paris 2024 à l’occasion de différents appels d’offres que nous avons remportés. De ce fait, nous sommes intervenus pour mettre en mouvement l’emblème des jeux Paris 2024 et son reveal à la presse. On a conçu un nombre important d’assets vidéo et productions pour raconter la genèse de cet emblème ainsi que la grammaire graphique de façon animée, dont certains éléments ont été vus dans Paris pendant les quatre ans qui ont précédé les Jeux. Sur cette période, on a produit 35 films sur l’actualité en amont des jeux, qui était très riche avec plein d’annonces. On s’est également occupé des fils pour les conférences de presse qui ont été ensuite relayés sur les réseaux sociaux. Et puis, on a été appelé pour révéler la mascotte avec un film et une campagne de recrutement des volontaires conçue sur un ton très humoristique, sans compter une campagne écogeste et un film billboard sur les partenaires des Jeux. J’ajoute que toutes ces réalisations ont été réalisées en intégrant tout type et format de supports numériques.
Vous avez également participé à la cérémonie d’ouverture ?
E.L. Effectivement, on s’est occupé du sol de la barge de 30 mètres sur lequel les danseurs s’étaient positionnés comme sur un dancefloor : 14 minutes de vidéo pour lequel il y a eu un très gros travail de synchronisation, d’autant plus que nous n’avons eu droit seulement qu’à une seule répétition cinq jours avant la cérémonie. Nous avons d’autre part réalisé le film historique avec la cavalière qui remontait la Seine.
C’est une diversification intéressante pour Gédéon que d’avoir travaillé pour le Cojop ?
E.L. Cette collaboration intensive et sur une longue durée a touché à tout ce que l’on sait faire chez Gédéon et nous a donné l’occasion d’une exposition internationale. Et cela nous a permis de sortir de notre cœur de métier que sont les chaînes de télévision et de travailler pour une marque mondiale qui n’est pas un média. Cela a vraiment été une satisfaction de voir que notre savoir-faire que l’on aurait pu penser comme étant de niche s’est raccroché de façon naturelle à une marque. Voilà qui nous pousse à nous positionner pour les Jeux olympiques de Los Angeles !
Quel message pourriez-vous passer aux marques ?
E.L. Si l’on sait mettre en mouvement un signe créé pour le print, l’idéal est quand même de placer le motion au cœur de la marque et donc penser la marque en mouvement dès sa conception. J’ajoute que c’est une expertise que très peu de gens ont. Fort de cette expérience avec le Cojop, on veut maintenant aller chercher des marques qui seraient désireuses d’accroître leur performance en matière d’impact grâce à une marque en mouvement, que ce soit en France ou partout dans le monde.
Quelle est votre feuille de route pour ces prochaines années ?
E.L. Dans la continuité de ce que je disais, notre feuille de route est de convaincre les marques qu’il faut intégrer le mouvement et la vidéo dès les réflexions de départ. Autrement dit, il faut dans les équipes du planning stratégique des experts qui ont la connaissance des identités en mouvement, et ce, jusqu’au stade de leur finalisation. Notre challenge est de faire remonter toute cette connaissance très en amont et de la dérouler de façon harmonieuse et efficace sur l’ensemble de la plateforme de marque. C’est la meilleure façon de ne pas être bloqué, y compris sur le nom ou sur le nombre de signes qui composent la marque. Le fait d’avoir des DA qui ont intégré le mouvement dans leur démarche permet de passer au niveau supérieur et de tirer parti de la puissance du motion. C’est ce que l’on a toujours fait pour les chaînes de télévision et que l’on voudrait aujourd’hui mettre au service de la marque.
Comment voyez-vous évoluer le marché du motion ?
E.L. Je vais commencer par notre marché traditionnel, celui de la télévision. C’est un marché en mutation, car le modèle économique des chaînes de télévision est chahuté par la révolution digitale, par les plateformes et par la gratuité généralisée. Pour résister, il faut être toujours plus créatif, performant et réactif, ce qui n’est pas facile. En d’autres termes, disons qu’il y a moins d’argent, mais d’un autre côté, comme on est très peu à savoir répondre à la demande, nous sommes donc appelés sur des compétences hyper spécifiques. L’autre marché se situe en dehors de celui de la télévision, et là il y a tout à faire, car très peu de marques peuvent finalement se passer d’une identité visuelle pensée pour le mouvement. Plus largement, il y a eu un engouement important ces 10 dernières années pour de la production de contenu que personne ne regarde en réalité. Et puis il y a une telle quantité que la qualité n’est pas au rendez-vous, car peu de marques savent produire à un niveau industriel du contenu de qualité. La solution : moins de contenu, mais avec une identité très forte permettant de construire des messages simples et percutants justement parce que cette identité a été pensée dès l’amont pour le mouvement. Nous, ce que l’on veut, c’est faire moins, mais mieux. On ne produit pas de contenu au sens production de programme, mais on sait faire passer des messages en jouant sur l’identité. Autrement dit, je ne vais pas alimenter mes réseaux sociaux avec des contenus que personne ne regarde, mais jouer sur une qualité et une attractivité au top pour un impact démultiplié. D’où l’importance de kits de communication bien faits qui savent tirer parti d’une marque pensée pour être en mouvement.
Une interview de Christophe Chaptal
Article précédemment paru dans le Design fax 1339