Damien Collot, directeur de création typographique de Monotype en France, nous parle de son métier, de son entreprise et de sa vision de la typographie. Pour rappel, Monotype est le leader mondial des polices de caractères et des technologies associées.
Damien Collot, quel est votre parcours ?
D.C. Il est centré sur le design, avec, pour démarrer, un bac arts appliqués, puis de la communication visuelle à l’École Duperré. Ensuite, l’art plastique à l’École Supérieure d’Art et Design du Havre où j’ai davantage étudié la typographie. Après cela, je suis allé à l’École supérieure d’art et de design d’Amiens où j’ai étudié une 4e année en typographie (dessins, calligraphie), puis un post-diplôme en création typographique. Ce sont donc quasiment 10 années d’études qui ont été consacrées aux arts appliqués, à la communication et à la typographie. Pendant mon cursus, j’avais démarré une activité de freelance que j’ai continuée quelque temps après ma formation en enchaînant des travaux de typographie, de scénographie ou d’édition. En 2013, je suis parti chez Dalton Maag à Londres où je suis resté 10 ans. Là, j’ai tout appris du métier, et notamment le business, la technologie, la création ou la gestion des écritures étrangères. J’ai commencé comme junior et j’ai fini comme directeur du design avec une équipe de 30 personnes. Il y a six mois, j’ai rejoint Monotype France. C’est un changement d’échelle : il y avait 50 personnes chez Dalton Maag et nous sommes 780 chez Monotype.
Présentez-nous Monotype en deux mots
D.C. Monotype est le leader mondial des polices de caractères, et propose l’assortiment le plus large au monde de polices (ndlr : 6 400 familles de polices). Nous disposons de structures complètes dans chacune de nos régions : marketing, création, commerce, etc. L’objectif de Monotype est de s’adapter au mieux aux besoins et contraintes des clients partout dans le monde, d’où cette organisation par business units. Nos revenus proviennent pour une part importante des licences issues de l’exploitation de nos collections de polices et notre ambition est d’aider le plus possible la création typographique et l’industrie typographique en général.
Quelle est la position de Monotype en France ?
D.C. On connaît bien le marché français, tant pour ce qui concerne les agences que les clients, ces derniers se trouvant dans une grande diversité de secteurs, par exemple, le luxe, la tech ou la grande distribution. Il faut en effet préciser que Monotype est présent en France depuis une quinzaine d’années, mais sans la composante créative, jusqu’il y a peu. C’est d’ailleurs l’un des points qui m’ont poussé à rejoindre Monotype : la décision qu’il y ait un directeur de création pour la région France et Benelux.
Quelles sont les caractéristiques du marché français en matière de typographie ?
D.C. Le marché français est aujourd’hui très structuré, avec une quinzaine de fonderies qui délivrent des prestations de haut niveau. Beaucoup de mouvements ont eu lieu ces dix dernières années, toujours avec une part remarquable de création. Chaque fonderie a sa propre identité et une volonté de développer sa passion pour le dessin et la création. C’est d’ailleurs une démarche que Monotype vise à pousser avec sa plateforme, où l’on trouve nos polices propres, mais aussi les fontes des partenaires que nous aidons et accompagnons. Et cela va au-delà de l’aspect commercial, car nous développons des partenariats en vue de répondre à des demandes clients spécifiques. Ce qui n’empêche bien sûr pas que nous soyons en compétition sur certains dossiers, mais notre objectif n’est clairement pas d’écraser le marché. Nous souhaitons, au contraire, pousser la création au maximum et l’intégrer à notre plateforme, ce qui permet aux entreprises clientes de choisir, contrôler et gérer leurs polices : une petite fonderie n’est pas en mesure de proposer cela.
Comment fonctionne le design chez Monotype ?
D.C. Une grosse partie de mon travail est de pousser la création typographique. Cela passe notamment par l’acculturation et la promotion de la typographie auprès des prospects et clients. Et cela n’aide pas que Monotype, mais toute l’industrie. D’autre part, comme il y a un directeur de création par région, il y a une expertise interne très importante dont chaque directeur de création profite, dont la France et le Benelux. Ma mission est également d’aider et orienter la création de polices : optimisation et validation du brief, travail avec chef de projet pour la partie économique, puis accompagnement du client tout au long des phases de création. Il s’agit d’une approche éminemment collaborative. Et comme les licences nous apportent une part importante des revenus, on est capable de faire preuve d’une certaine souplesse pour prendre le temps de la réflexion et celui d’accompagner le client, du sketch jusqu’au produit final.
Quel regard avez-vous sur la typographie française ?
D.C. La France, certainement du fait de son type d’éducation, a un fort rapport à l’histoire. De ce fait, il y a une approche très humaine de la création typographique qui va pousser la forme vers une expression nouvelle et différente de ce que l’on peut voir dans d’autres pays. Et les Français rendent toujours leur création lisible, avec une grande attention portée à la lecture et au rendu. Il y a un véritable respect de la lettre, même dans les approches d’expérimentation.
Un message pour terminer ?
D.C. Vous l’avez compris : Monotype n’est pas seulement là pour vendre, mais pour pousser la créativité, avec un support international et des équipes régionales.
Une interview de Christophe Chaptal
Article précédemment paru dans le Design fax 1273