Rubika : associatif et collaboratif

Stéphane André, directeur général de Rubika, s’exprime sur le nouveau statut associatif de l’école. 

Stéphane André, comment allez-vous ?
S.A. En pleine forme. Cela dit, avec la Covid, les équipes ont passé des moments épuisants pour finalement faire moins bien. On redécouvre donc avec plaisir les vertus du présentiel, en particulier pour certains types d’enseignements. Car tout ne peut pas se faire à distance : on a besoin d’une école en présentiel, notamment sur le fond de l’apprentissage. C’est un peu l’analogie avec un médecin : je préfère un médecin passé par l’hôpital plutôt que formé uniquement en e-learning ! Pour nous, c’est pareil : le numérique – aussi paradoxal que cela puisse paraître – ne peut s’apprendre uniquement en distanciel. Tout le côté informel est important et ne se conçoit qu’en présentiel.

L’école a récemment changé de statut, pourquoi ?
S.A. On a changé de statut pour devenir une association, pour trois raisons. Il y a la composante financière car ce nouveau statut nous permettra de bénéficier de subventions ou de mécénat. Ensuite, et c’est l’une des raisons principales, pour garantir la pérennité de l’école dans son fonctionnement actuel. En effet, beaucoup de fonds privés investissent le secteur des écoles et le passage au statut associatif nous met à l’abri d’un rachat par une structure de ce type. Nous tenons effectivement à ce que chaque euro investi par un étudiant soit intégralement réinvesti. Dans cet esprit, je cherche à faire du zéro +, c’est-à-dire fonctionner selon un modèle économique équilibré mais pas forcément fortement bénéficiaire. Troisième raison : l’attractivité. Le fait d’être passé en association accélère la reconnaissance de nos diplômes par l’État. On croit d’ailleurs beaucoup à la double reconnaissance : RNCP d’abord (ndlr : le Répertoire national des certifications professionnelles recense tous les diplômes reconnus en France et délivrés par l’État), autrement dit l’obligation de résultat car un nombre significatif d’étdiants doit trouver le job pour lequel ils ont été formés. Et puis, l’obligation de moyens, c’est-à-dire que nos diplômes doivent être visés par le ministère de l’Enseignement supérieur. Enfin, et on le voit très bien sur les salons, quand on dit aux parents que nous sommes une association à but non lucratif, cela les rassure car ils savent que leur investissement va intégralement profiter à leurs enfants. D’ailleurs, dans cet esprit, je présente chaque année les comptes aux étudiants pour leur montrer où va l’argent issus des frais de scolarité.  

Quelles sont les nouveautés concernant les programmes ?
S.A. Pas de nouveautés particulières mais nous sommes toujours très en phase avec les évènements extérieurs. Ainsi, on a bâti des programmes où l’on associe jeux vidéo et design, ce qui nous permet d’être à San Francisco à la Game Developers Conference (GDC). Depuis cinq ans, la GDC sélectionne des projets de contrôleurs de jeu interactifs et nous avons systématiquement trois à quatre projets tous les ans sur dix sélectionnés dans le monde. Dans ces projets les game font du game et les designers font du design  : il ne s’agit pas de former des profils multidisciplinaires mais des talents qui savent travailler ensemble. Et justement, dans les projets design, on avait longtemps cadencé selon trois étapes : analyse de la problématique, solutions possibles, développement de concept. On a rajouté une quatrième étape avec le prototypage, ce qui nous permet de sortir paradoxalement du numérique avec un prototype physique le plus fonctionnel possible. Pour nous, il est important de maîtriser l’ensemble de la chaîne de valeur allant de la conception jusqu’au produit physique si besoin. Sur un autre plan, ce que l’on aimerait vraiment développer ce sont les échanges, pas seulement individuels mais collectifs. On veut pouvoir envoyer toute une classe dans un endroit ou un autre car nous misons beaucoup sur l’apprentissage du groupe. Quand on est plusieurs, le collectif est un facteur majeur d’apprentissage – cela reboucle avec cette problématique du distanciel où le collectif fonctionne moins bien, voire n’existe plus. Avec ces programmes d’échange, on expérimente sur un semestre la rencontre, par exemple, avec des industries que nous ne connaissons pas ici, comme les loisirs neige ou les loisirs intérieurs tels qu’ils se pratiquent au Canada.

Justement, comment se porte le développement international ?
S.A. Nous avons un campus à Montréal et des campus partenaires en Inde, au Kenya et au Vietnam. On aimerait bien être présent en Asie du Nord, en Chine, mais c’est très compliqué pour l’instant. On verra après les Jeux Olympiques. De façon générale, notre politique à l’international est simple : chaque projet doit être autoporteur car n’ayant pas vocation à être financé par les étudiants français. Sauf bien sûr dans le cas des échanges.

Comment se situe Rubika sur l’échiquier des écoles en France ?
S.A. L’échiquier est clairement séparé entre formations publiques largement subventionnées et formations privées qui s’autofinancent. Dans cet esprit, on apprécie beaucoup l’École de design Nantes Atlantique (cf. voir l’interview dans le Df. 1224 de Christian Guellerin, directeur général de l’École de design Nantes Atlantique) car ils vont loin dans les certifications et sont très intéressants dans tout ce qu’ils font. De toute façon, on préfère les écoles non axées uniquement sur la rentabilité, car lorsque l’on fait de la formation initiale, il est très compliqué d’être vraiment profitable sans concessions majeures.

Quelle est votre position sur le Conseil national du design ?
S.A. Je ne connais pas assez le sujet – c’est uniquement de mon fait, je le précise – pour émettre un avis. Je pense de toute façon qu’il y a un problème de définition du terme design. Quand on parle de game tout le monde comprend. Quand on parle de design, chacun a son interprétation.

Un message pour terminer ?
S.A. Je me dis qu’on a de la chance de vivre à notre époque car nous disposons de moyens extraordinaires, avec une prise de conscience qui s’affirme. Dans cette optique, la créativité du designer est requise et il a de très beaux jours devant lui.

Une interview de Christophe Chaptal

Article précédemment paru dans le Design fax 1225