Rencontre avec Maxime Garros, co-fondateur et design manager de studio Boost.
Maxime Garros, quel est votre parcours ?
M.G. J’ai fait un BTS Olivier de Serres puis Master en Industrial Product à Birmingham en 2006. Mon premier emploi a été à Paris dans le domaine de l’architecture commerciale chez Mkd puis l’amour du produit et du voyage m’ont rappelé et je suis parti au Canada pour intégrer l’équipe de Megablocks Mattel où j’ai travaillé sur le segment des 0-3 ans. Cela a réveillé ma fibre dormante du jouet : en effet, je ne pensais pas au départ faire du jouet un métier car c’est un univers complexe (marketing, sécurité et normes) et de surcroît assez peu abordé au sein des écoles de design. Rentré une seconde fois en France en 2013, je décide travailler en tant que designer indépendant. Ne souhaitant pas travailler seul je décide, avec Antonin Philippe de monter Studio Boost en 2017.
Parlez-nous un peu de Studio Boost
M.G. Nous sommes trois personnes plein temps, dont un concepteur, auxquelles s’ajoutent deux indépendants pour la comptabilité et communication qui nous accompagnent quelques heures par semaine. Nos clients sont pour une part des grands comptes multi-secteurs avec qui nous travaillons via des partenaires comme Making Tomorrow. Mais la majeure partie de notre activité se situe dans les domaines du jeu, jouet et puériculture où nous travaillons avec des PME et ETI comme Thermobaby ou Falk et avec des start-up porteuses de projets comme Les Mini Mondes ou Kojo. Notre mojo est d’essayer d’apporter plus de bien dans la vie des utilisateurs. Un bon produit c’est important, mais le bien-avoir aussi. Autrement dit, le lieu d’origine du produit – le made in France pour ce qui nous concerne – est une donnée indissociable de la valeur du produit. Et ce n’est pas une utopie : on sait aujourd’hui qu’un bon produit fabriqué près de son marché de destination n’est pas beaucoup plus cher qu’un produit fabriqué dans un pays lointain à faible coût de main d’œuvre, compte tenu de l’explosion des coûts logistiques. Cela veut dire qu’avec un peu d’intelligence on peut concevoir un produit fabriqué localement et qui soit compétitif. Ce qui est intéressant est que nos clients jouent le jeu, et mieux, nous avons désormais de nouveaux clients qui viennent nous voir parce qu’ils veulent fabriquer en France et qu’ils savent que nous disposons du savoir-faire nécessaire, avec notre réseau de partenaires techniques, pour aller dans ce sens.
Pourquoi s’être spécialisé sur l’enfance ?
M.G. D’abord d’un point de vue stratégique, c’est une niche assez peu occupée dans le design produit. On peut donc s’y démarquer plus facilement. Et puis, l’enfance est une continuation naturelle de mon expérience canadienne. Enfin, j’ai découvert que tout ce qui touche à l’enfance est généralement très porteur de challenges en termes de plaisir, sécurité ou complexité technologique. J’ajoute que le jouet, plus que tout autre objet, est très représentatif de l’époque dans laquelle on vit. Le jouet est donc une bonne façon de « lire » le monde.
Votre ambition ?
M.G. On voudrait bien grandir encore un peu et arriver à cinq personnes, pas plus pour rester vraiment proche de nos clients, pour aller voir les pays limitrophes et tenter d’y être reconnus dans le domaine du jouet. On réfléchit aussi à se diversifier dans le mobilier urbain pour voir comment davantage inclure les enfants dans la ville.
Votre vision du design français ?
M.G. Deux versants. D’abord il est mal compris : je le vois chez les fabricants où la culture ingénieur est encore très forte et où le design est perçu surtout pour sa composante stylistique – sauf dans le jouet où il est davantage utilisé à sa pleine valeur. Cela évolue, bien sûr, mais cela reste compliqué. Deuxième versant : on met beaucoup en avant les designers français pour les domaines du mobilier et du luxe et pas assez les designers produit et designers industriels. À part quelques fleurons comme le Groupe Seb qui utilise à plein le design produit et le médiatise bien, cela reste assez rare.
Un message en particulier pour terminer ?
M.G. Les designers devraient davantage oser la vraie réflexion créative. Je donne quelques heures de cours par semaine en école de design à Nantes où l’on parle beaucoup de stratégie et pas assez de projets qui pourraient permettre aux industriels de se développer. On a besoin de stratégie, c’est essentiel, mais aussi de beaux projets concrets en matière de design, car tous les secteurs de notre économie sont demandeurs.
Une interview de Christophe Chaptal
Article précédemment paru dans le Design fax 1166