Tout sur la stratégie de Mc Donalds ? Jean-François Bellest vous délivre ici un papier remarquablement documenté sur le « virage design » pris par la marque, au moins en Europe. Sans omettre le rappel historique, les résistances des consommateurs et le formidable succès de l’enseigne… surtout en France !
Curieux, non ? Lisez l’article de notre sémanticien de service, Jean-François. Avec lui, tout devient clair…
Merci qui ?
Le phénomène MacDo…
L’une des entreprises qui a le plus popularisé le fast-food est la firme étatsunienne McDonald’s. La version européenne, au caractère plus traditionnel, est la firme belge Quick. Née en Belgique en 1971, la firme Quick compte près de 400 restaurants dans le Monde, avec plus de 300 en France, pour un CA de près de 300 millions d’euro (source 2004). Il existe cependant d’autres modes de restauration rapide comme les sandwicheries, les friteries ou les kebab de tradition orientale par exemple.
Nous nous intéresserons plus particulièrement dans cet article à McDonald’s. Pourquoi ? Parce que le si le design, dans sa pratique générale, n’est pas nouveau chez MacDo, la nouvelle stratégie de la marque est de faire entrer le design architectural dans le point de vente.
Mc Donald’s : 1940…
Créé en Californie en 1940, le siège d’Oak Brook (Illinois) gère aujourd’hui plus de 30 000 restaurants dans le Monde pour un Ca de plus de 19 milliards de dollars (source 2004).
La France est l’un des marchés les plus dynamiques en Europe. Avec plus de 1 000 points de vente et 1,2 million de clients par jour, pour un Ca de 2,2 milliards d’euro (source 2003).
Hier, simple lieu de passage de restauration sans âme, le « MacDo » n’était pas l’endroit où le consommateur aimait à rester. Du premier restaurant implanté en 1979 en France (Strasbourg) à aujourd’hui, la majorité des MacDo étaient dessinés avec un cadre homogène. Nous y retrouvions d’ailleurs plus ou moins, les mêmes espaces, les mêmes styles de mobilier, les mêmes codes.
Depuis près de 20 ans, les MacDo se sont quelques fois « adaptés » à la sévère loi du marché. Si certains points de vente ont été adaptés à l’environnement, parce que se trouvant dans un endroit lié à un site historique, à un site touristique ou au fait d’être en phase avec les spécificités régionales, la plupart sont restés uniformes. Jusqu’ici MacDo et autres fast foods ne s’étaient contentés que d’améliorer la déco intérieure de fioritures n’engageant pas de réelles ruptures.
Les nouvelles menaces.
Les Français aiment le MacDo pour ce qu’il est. On y vient en famille, avec les enfants… On y vient ado parce que cela (ne semble) pas cher et rapide.
Les slogans ne sont-ils pas à l’image de ce qu’est supposé ressentir le consommateur ? I’m lovin’ it (Pays anglo-saxons) \ C’est tout ce que j’aime (Europe) \ C’est ça que j’aime (Canada).
Néanmoins, les fast food font l’objet de critiques, notamment par des associations de défense du patrimoine et des associations altermondialistes, pour la médiocrité de leur cuisine (sous le terme de malbouffe), pour leurs tendances au profit maximum, et à l’exploitation des bas salaires.
MacDo fait donc de la résistance tant à son concurrent national (Quick pour la France) qu’à ses détracteurs. Après le dégraissement des menus pour changer son image et outre la réponse aux Quick avec ses bornes Wi-Fi, MacDo a toujours eut du répondant : lutte contre l’obésité, jeux pour les enfants, l’animation, etc. Mais cela ne suffit plus. La concurrence vient aussi du « bien manger » des cafés et des concepts du lounge bar ou des brasseries voisines…
Qu’à cela ne tienne ! MacDo répond donc par le design !
Initié par l’architecture avant-gardiste des drive in de Quick, MacDo se met au diapason de designer ses lieux pour se « retrouver » ailleurs que dans l’uniformité de la marque.
Avec la mondialisation acharnée de l’économie de libre marché, le design est véritablement devenu un phénomène planétaire.
Ainsi, par exemple, MacDo fait aujourd’hui du design architectural son cheval de bataille et de communication. Le projet d’aujourd’hui, c’est : « allez chez MacDo, ce n’est pas se retrouver chez MacDo… ». Sous-entendu, c’est ne pas se retrouver une fois dans les lieux, « dans » l’image du MacDo.
En 2005, MacDo a décidé de confier cette mission à de « vrais » designers, de vrais équipes de spécialistes et non plus aux stylistes maison. La vraie rupture est là. Quick agit de même avec l’agence de retail design Malherbe.
Le design, nouvelle arme de MacDo !
En France, c’est l’architecte isérois Philippe Avanzi, fondateur de l’Atelier Archange, qui a réalisé le « nouveau » MacDo à Paris-La Défense. Avec un travail de (ré)invention, précurseur sans être avant-gardiste, cet architecte a (brillamment) tenté avec sobriété d’être le plus proche et le plus fidèle de l’esprit MacDo. Pour le Pdg de la marque en France, Jean-Pierre Petit, les bons résultats financiers sur le territoire français ont pu justifier cette rupture de l’architecture intérieure. Elle devrait être l’élément moteur de la prochaine communication.
Le « M » emblématique à pratiquement disparu, la forme du mobilier s’est apuré et a redessiné des contours plus doux, plus capiteux. Le cuir a remplacé le plastique, l’alu brossé est exploité d’une façon noble et non plus industrielle. Ce n’est pas du semblant. Les suspensions, les lampadaires et autres lanternes sont à l’image des magazines de design et diffusent une douce luminosité, donnant alors au lieu une atmosphère lounge.
Outre ces changements radicaux, des bornes informent les consommateurs sur la santé et sur la charte de qualité de la marque (Charte depuis reprise partout en Europe). MacDo s’affiche aujourd’hui dans les magazines du design, qui l’eut crû hier ?
En Italie, c’est Sandro et Franco Costa (Costagroup) qui ont officié pour le MacDo de Viale Fulvio Testi au nord de Milan.
Après avoir définit des nouveaux espaces invitant à plus d’intimité, les couleurs sont chaudes et chaleureuses. Finito des couleurs criardes et agressives. Contrairement à la France qui a fait disparaître le « M » (ce qui constitue une erreur, Ndr) , les Italiens ont troqué son jaune poussin pour un habillage en acier brossé sur fond de bois noir.
Le bois, nouvelle matière que le géant étasunien compte mettre en avant dans le design de ses points de vente en Europe. Cette matière noble répondrait-elle alors aux princeps du Développement durable ? Oui en ce qui concerne l’Europe, bien que paradoxalement les Etats-Unis n’aient pas ratifié les accords de Kyoto ! Juste que… cela se passe comme çà chez MacDo-Europe !
Au sein même du fast-food, Costagroup a crée le McCafé où l’on se sentirait presque
comme chez soi. Fauteuils, banquettes et tabourets, dans un mélange de couleurs aubergine et ivoire, permettent de prendre son temps autour d’un comptoir, spécifiquement réalisé par le sculpteur Pietro Ravecca. La lumière n’a pas été oubliée et a été elle aussi confiée à l’artiste Mara Mastrosanti. L’art fait son entrée chez MacDo… Costagroup a même poussé l’exercice de style jusqu’à la toilette, au design digne des grands hôtels…
Chez MacDo, l’idée n’est plus de venir se restaurer, mais de déguster… dans une ambiance design où il fait bon vivre…
A Chicago, siège historique de la marque, l’ambition de Mc Donald’s serait de (re)stylisé 5.000 des 13.000 restaurants européens de l’enseigne. Si la stratégie est
d’imposer aux consommateurs un nouveau regard du MacDo, la direction générale confirme que les choix des designers portent sur les projets qui révèlent une vision novatrice, élégante et dynamique de la marque. Mc Donald’s veut « sortir » de l’image européenne qu’elle a, malgré elle, imposé. Paris Défense et Milan sont des exemples réussis, reste à savoir si la marque ira jusqu’au bout…
La marque compte-t-elle harmoniser ces concepts de design architectural avec ses packaging, avec les uniformes de ses employés, avec ses pratiques, ses services, son site Internet ?
Pour le moment, en dehors de ces deux vitrines, aucune campagne de communication ne vient « changer » l’image de la marque…
J’ajouterai un vœu : Espérons que la Direction générale de MacDo soit suffisamment intelligente pour confier le design de ses points de vente à des designers et ou à des agences différentes et non pas à un seul designer.
Peut-être que dans la prochaine décennie, Philippe Stark, Matali Crasset, James Irvin, Sam Hecht, Stefano Giovannoni, Marc newson, Christophe Pillet et d’autres encore redessineront des endroits à vivre (tiens ! Cela ne vous rappelle-t-il pas une autre marque ?).
Souhaitons donc que chaque âme de designer exprime alors sa vision de l’esprit MacDo. L’unité des MacDo ne se retrouvera alors que dans l’assiette…