Logan -un nom qui sonne bien à l’international- n’est pas une nouvelle voiture automobile de plus. Il s’agit d’un concept original (une voiture de classe moyenne à 5000 €) qui représente un choix courageux et, probablement, bien dans l’air du temps : le retour à des objets débarrassés de leurs surplus de technicité. Ici, une voiture simple, facile à construire et donc, facile à réparer.
On prend conscience du challenge que cela a présenté qu’en on sait que Peugeot s’est associé à Toyota pour pour fabriquer dans les pays de l’est, une petite voiture économique à… 8000 €, le prix d’un téléviseur géant à écran plat.
Mais pour qu’elle ne soit pas la voiture des pauvres il a fallu compter sur le design…
Design to cost
Tel est le nom donné à cette technique de fabrication dont le but est de tenir à tous prix… les coûts ! Plus que jamais le design est orienté pour réduire les coûts de fabrication et accepter les composants et solutions qui sont déjà en stock dans l’entreprise. Or, avec Samsung, Nissan et sa propre marque, Renault a multiplié ses sources d’approvisionnement en interne et aussi ses compétences.
Pour autant, ce concept qui semble tellement adapté à la nouvelle demande des pays émergeants a paru bien utopique quand Louis Schweitzer en a lancé l’idée en 1998. Les ingénieurs maison étaient pour le moins dubitatifs. « Impossible à tenir », « on ne gagnera aucune marge dessus », etc.
Mais le président de la marque a résister aux « ça ne marchera jamais »… D’ailleurs, n’en a t-il pas fait un thème de campagne publicitaire ?
Economie écossaise
Pour le design de ce nouveau projet, Patrick Le Quément à mobilisé une équipe sous la baguette magique d’un designer… écossais ! Trop beau pour être vrai et pourtant… Ne croyez pas que l’on a choisi une sorte de « sous-designer » pour programme de bouts de ficelles, bien au contraire. Il ne s’agit pas moins de celui qui a été, par le passé, en charge du design de la Mercedes SLK, rien que cela.
Et il faut du talent pour rendre sexy une silhouette d’automobile avec des contraintes du genre :
pare-brise droit,
carrosserie avec le minimum d’arêtes pour simplifier l’emboutissage,
pièces importées directement de la Clio 11, de la Dacia Solenza, de l’Espace,…
train avant de la Clio II, train arrière de la Modus,
tableau de bord monobloc,
etc.
Un design pour les pays pauvres…
A voir la Logan, aux lignes simples mais travaillées, avec une calandre européenne, un tableau de bord complet, on peut penser que les designers ont fait un travail extraordinaire. Pour ma part, je pense qu’il est plus difficile de réussir un packaging de lessive qu’un coffret de parfum ou une Logan qu’une Jaguar ! Dans le cas qui nous intéresse, les outils mis à la disposition des créateurs sont limités, leur champ d’action également. Ils doivent masquer une certaine rusticité nécessaire, afin que l’acquéreur ait ce petit sentiment de valorisation qui fait que l’on achète une voiture… ou pas.
La T ford et la Coccinelle ont été concues dans le même état d’esprit avec succès… Tout en plaçant la barre des tarifs bien plus haut. La Palio de Fiat elle, qui se voulait mondiale également, a été un échec.
Renault joue gros sur ce coup. Sans l’aide du design, ce pari eût été inenvisageable. Par les médias ou par la mondialisation des voitures de luxe auprès des élites, même les plus modestes habitants des régions reculées de Chine, de l’Inde, de la Roumanie, sont au courant des tendances automobiles. Il ne s’agit plus de leur vendre des sous-voitures de pauvres. Le design est considéré comme un dû par le consommateur ou l’utilisateur.
…Ou pour les pays riches ?
A voir la réaction enthousiaste des internautes le jour de l’annonce et la surmédiatisation qui en a suivi, on peut penser que la Logan trouvera sa place dans les pays de l’Ouest. Renault a peut-être bien appréhendé les marchés émergents mais a probablement sous-estimé l’intérêt d’un tel véhicule pour nos marchés saturés*. Pensons à la première voiture des jeunes, ou à la seconde voiture des plus de 30 ans, ou à ceux qui « n’aiment pas la bagnole mais qui en ont besoin ». Sans oublier les ruraux qui souhaitent une voiture qui roule sans complications électroniques avec les soucis qu’elles savent entraîner… Parlez-en aux prorpiétaires de Mercedes, Peugeot ou des premières Laguna.
Faire simple est difficile. Les designers de Renault ont, une fois de plus, apporté une réponse qui se remarque.
Suivons l’expérience avec intérêt. C’est une démonstration du nouveau rôle que peut jouer le design dans la mondialisation et dans le respect des lois démographiques. Les voitures d’aujourd’hui sont conçues pour 20 % des habitants de la planète. La Logan pense aux 80 % qui sont les oubliés…
*Par la suite Louis Schweitzer devait annoncer au dernier Mondial de l’Automobile, que la Logan sera commercialisée en Europe de l’Ouest. Comme quoi…