Un historique du packaging

Les packagings et les agences qui les conçoivent connaissent une période florissante ; on n’arrête pas de « packager » en tous sens. Gros plan sur ces emballages qui ne laissent rien au hasard, vous assaillent de leurs couleurs et formes inventives, et en disent long sur notre société de consommation qui tourne à bloc. Etude menée par Carole Delantsheer.

Le packaging n’a pas poussé son dernier cri !

Un terme qu’emploi expressément Gérard Caron, consultant en design et cofondateur de la société Scopes. Parce que, pour lui, il s’agit bien d’un véritable cri qui interpelle, sur son passage, le consommateur pressé derrière son caddie, le regard scrutateur balayant -à la vitesse de 60 articles par seconde !- les linéaires achalandés des supermarchés. Le packaging, mot d’origine anglo-saxonne qui signifie « emballage » ou conditionnement », ne sert pas qu’à transporter et protéger les denrées mais aussi à désigner un produit et à nous le faire acheter, purement et simplement. Tiré à quatre épingles, il nous guette, nous regarde droit dans les yeux et nous crie :  » Le produit que tu cherches, c’est moi ! « . C’est là son rôle principal, et croyez-y ou non, ça marche !

Le packaging, produit de la société de consommation

Mais reprenons au début, penchons-nous, dans un premier temps, sur les premières formes de packaging. Celles-ci existent depuis la nuit des temps, depuis que l’Homme  » moderne  » transporte des aliments, solides et liquides. Simples contenants, les emballages remplissaient alors une mission purement fonctionnelle et cela jusqu’à leurs premiers balbutiements.

Certains esprits bien inspirés créent alors des packagings sans le savoir, à l’instar de monsieur Jourdain. Ce fut le cas de Monsieur Lesieur, qui, au début du siècle, alors que l’huile se vendait toujours en tonneaux – la ménagère s’approvisionnant au magasin-, a eu l’idée, révolutionnaire, de mettre son huile dans une bouteille de verre qu’il recouvre d’une étiquette portant son nom. Le tour est quasi joué ! Sauf que, tout de même, il faudra attendre l’avènement de la société de consommation, qui explose dans les seventies et se distingue par un développement massif des grandes surfaces et une offre globale démultipliée, pour que le packaging fasse son entrée fracassante dans notre vie quotidienne !

C’est justement parce que, soudain, les produits se poussent du coude sur les linéaires et doivent se vendre par eux-mêmes -sans passer par la main d’un prescripteur, en l’occurrence l’épicier- qu’il s’agira de tailler à chacun un habit forcément pratique (un minimum !), propre à faciliter sa reconnaissance immédiate et son achat. D’abord pour se différencier des autres, ensuite pour informer l’éventuel chaland de la nature du produit qu’il renferme, enfin pour « forcer » l’acte d’achat. Poussons le raisonnement jusqu’à son point ultime : le packaging devient, au final, bien plus qu’une manière de positionner un produit, il se confond avec le produit lui-même.  » Quand vous achetez du Perrier, vous achetez de l’eau minérale gazeuse mais le premier lien qui fait que vous l’achetez, c’est son packaging « , nous explique François Caratgé, Directeur Général de l’agence de design d/g. C’est dire son importance et le soin tout particulier qui va lui être apporté.

Une image à la hauteur du produit, sinon rien…

Que les choses soient claires : le packaging compose l’image même du produit et cette image, à force d’avoir été travaillée, peaufinée, constitue un véritable capital pour la marque qu’il promeut. A fortiori,  » l’impact du packaging n’est même pas discutable une seconde.

Des marques qui ne soignent pas leur packaging peuvent mourir. La bonne gestion des informations et de l’image sur un emballage sont incontournables. D’ailleurs, les marques investissent année après année pour améliorer les choses « , souligne Patrick Veyssière, Président Directeur Général de l’agence Dragon Rouge. Aussi, changer brutalement un packaging, c’est prendre le risque d’écorner, d’amoindrir, voire d’anéantir la personnalité d’un produit construite précautionneusement au fil des ans.  » C’est un travail d’une précision chirurgicale, toujours sur le fil du rasoir « , confirme Jean-Louis Azizollah.

Sur un packaging, chaque « signe » a sa raison d’être : absolument rien, qu’il s’agisse des couleurs, des formes ou des mots employés, n’est laissé au hasard. D’autant plus que certains agissent directement sur nos inconscients, ce que développe Gérard Caron :  » les langages utilisés par les designers sont du domaine des sensations, de l’instinct, des archétypes, des idées reçues qui assaillent tout individu « . A cet égard, il mène en 1966 une expérience pour le moins révélatrice. Il demande à quarante consommateurs, arrêtés au hasard dans un supermarché, de choisir, après les avoir goûtés, entre deux yaourts, l’un présenté dans un pot bleu ciel, l’autre dans un pot couleur « caca d’oie ». Trente-neuf sont partis avec des yaourts bleu ciel sous le bras, le jugeant  » plus doux, plus onctueux « … Ceci expliquant cela !

Toujours tenu par ce même souci d’être au plus juste de l’offre, le packaging ne doit ni surévaluer ni sous-évaluer son contenu au risque de ne pas faire coïncider la promesse du produit avec sa réalité. Il faudra forcément en passer par une communication « honnête » puisque au-delà du premier achat subsiste le problème du rachat :  » C’est le rachat qui est le plus important dans la vie d’une marque. La règle d’or, c’est de ne pas surpromettre, c’est beaucoup trop dangereux « , confirme François Caratgé.
Ainsi, le packaging vous dit tout sur le produit qu’il contient mais pas n’importe comment.

Une création dans l’air du temps

Le travail de création réalisé sur un emballage est, avant tout, une affaire de flair. Une règle à ne surtout pas perdre de vue ? Humer l’air du temps et le restituer.  » Le meilleur des créateurs, c’est celui qui sent parfaitement son époque, les tendances, les motivations, les aspirations des consommateurs ; la création la plus juste, c’est celle qui parle le plus au consommateur  » indique-t-on chez Carré Noir.

Pour mener à bien ce projet, une équipe parfaitement rodée œuvre dans l’ombre. Deux pôles la composent : d’un côté, les hommes du marketing, qui ont une connaissance parfaite du marché, et de l’autre, les créatifs purs et durs, autrement dit les designers. Tout ce « petit » monde s’active ardemment et de concert pour donner aux produits les atours qui les définissent le mieux. Mais, nuance de taille apportée par François Cartagé :  » Ce n’est pas un packaging qui fait la réussite ou l’échec d’un produit, c’est une somme de choses « .

Fait remarquable en ce début de millénaire, les agences de design connaissent, après quelques années de crise et de déconvenues, leur âge d’or. Cependant, la part de l’investissement financier des industriels en la matière demeure faible.

A titre d’illustration, le  » relookage  » d’un produit coûte à peu près le même tarif qu’un spot publicaitaire de 20 secondes en prime-time sur une chaîne de grande écoute (environ, 50000 euros). Ces agences forment donc, aujourd’hui, un secteur d’activité en pleine expansion, une expansion d’autant plus réelle que les packagings voient leur durée de vie rapidement abrégée parce que peaufinés, « améliorés » en permanence (exemple, dans le secteur de la confiserie, certains emballages meurent de leur mort naturelle ou bout de quatre petits mois…). A peine un packaging vient-il d’être terminé qu’il repasse déjà entre les mains du fameux « tandem » évoqué plus haut, prêt à lui apporter de nouvelles modifications.

Pourquoi tout ce travail ?

Parce que le consommateur est un être totalement inconstant, imprévisible ; il zappe sans état d’âme, jamais fidèle à une marque ou à un produit.  » Il y a peut-être 10 ans, les consommateurs se comportaient selon leur milieu social…

Aujourd’hui, tout cela a explosé. Désormais, ils agissent selon les réflexes d’achat « , indique Gérard Caron, avec pour corollaire de cet état de fait, l’obligation suivante :  » il faut maintenant le solliciter en permanence par des nouveautés « .

Vous l’aurez compris, les packagings n’ont plus le temps de souffler, les agences de design non plus…

Le paradoxe de l’emballage croissant et de la protection de l’environnement

L’emballage a le vent en poupe.

Mais qu’en est-il de sa relation à l’environnement ? Ne résiderait-il pas un paradoxe entre la très grande quantité de conditionnements mis sur le marché (accuenté par l’individualisation de la consommation) et la volonté de lutter contre la dégradation de la planète ?

Ce « paradoxe » -ce que Gérard Caron appelle une manière de  » se cacher la vue « -, ne semble pourtant pas insoluble. La loi de 1975 -modifiée par celle de 1992 et appliquée par le décret du 1/4/92- oblige ceux-là mêmes qui mettent sur le marché des produits emballés à destination des ménages à pourvoir ou à contribuer à leur élimination.

C’est ainsi qu’est née la société Eco-Emballage -société de droit privée agréée par l’Etat- par les volontés croisées des industriels de la grande consommation et de l’Etat. La règle du jeu est simple : pour chaque emballage produit, l’entreprise fabriquante est tenue verser 2 centimes à la société précitée. Cette dernière doit alors prendre en charge les déchets et les recycler.

Cela, afin que le packaging s’inscrive, sans heurt, dans nos sociétés pour lesquelles les problématiques d’environnement ne sont plus à démontrer.

Les grandes tendances du packaging

En matière de packaging, plusieurs tendances majeures parcourent notre globe, à Paris comme à New York ou Tokyo (oui, il y aurait plus de points communs entre les femmes de ces grandes capitales qu’entre une Parisienne et une Aveyronnaise). Des sociétés spécialisées dont Òcopes passent en revue, en ce début de XXIème siècle, quelques grands courants :

 Un besoin absolu d’authenticité, de choses vraies, très loin des magouilles politiciennes… Cette tendance, majeure, se traduit par des packagings qui jouent la carte de la transparence et laissent voir le contenu (ainsi, se déploient sous nos yeux des rayons entiers de produits emballés dans des matériaux transparents en plastique, en verre…).

 Le très fort attrait de la nature. Au Japon, par exemple, il existe autant de packagings que de saisons ! En France, ce « culte » de la nature se vérifie par le grand nombre de produits dits d’origine et présentés comme au bon vieux temps ! Exemple : des beurres de spécialité enveloppés dans des papiers sulfurisés comme les mottes d’antan.

 L’ère de l’être : on s’assume, on est soi, simplement, sans fard, sans passion. On recherche aussi, tout naturellement, des produits qui nous permettent de nous réaliser, d’où des conditionnements aux lignes sobres, simples, épurées, délivrant, également, pléthore d’informations.

Les réunions de consommateurs

Les réunions de groupe ou de consommateurs, commanditées auprès de cabinets d’études de marché, poursuivent deux objectifs principaux : définir des pistes créatives en accord avec les attentes des consommateurs (pré-tests) et/ou les valider (post-tests).

Réunis autour d’un animateur, ces groupes, composés de 8 à 12 personnes, sont appelés à réagir aux créations qu’on leur soumet. C’est leur compréhension et leur perception mêmes des packagings qui sont mises à l’épreuve. Cachés derrière une glace sans tain, le « client » et l’agence de design sont témoins de la scène. D’autres batteries de tests, toujours qualitatifs, peuvent être effectués, destinés à en savoir toujours plus sur ce qu’évoque tel ou tel conditionnement : les entretiens en face-à-face, le « mystery shopping » ou comment se faire passer pour un acheteur et poser aux vendeurs toutes sortes de questions sur leur perception des marques.