EcoVadis : merci le design !

Sylvain Guyoton, Senior Vice-President Research d’EcoVadis, première plateforme mondiale d’évaluation de fournisseurs en matière de pratiques économiques et sociétales, nous parle notamment des liens entre design et RSE.

Sylvain Guyoton, pouvez-vous nous présenter EcoVadis ?
La société EcoVadis été créée en 2007 avec pour but d’évaluer les performances RSE (ndlr : Responsabilité Sociétale des Entreprises) des fournisseurs pour le compte des acheteurs. Nous avons 450 donneurs d’ordres qui ont des dizaines de milliers de fournisseurs pour lesquels elles essaient d’identifier des risques en matière environnemental ou managérial. La raison en est que les fournisseurs dotés de mauvaises pratiques RSE sont facteurs de risque tant en termes industriel, d’image que sur un plan juridique. Ces acheteurs, ces donneurs d’ordres, veulent donc intégrer le critère RSE à leurs pratiques d’achat et donc acheter de façon responsable à des fournisseurs responsables.

Comment travaillez-vous  ?
Nous évaluons les pratiques sociales et environnementales des fournisseurs par l’analyse de leurs produits et services : nous regardons leur capacité à développer des offres à fort contenu sociétal environnemental. Nous avons 70 000 fournisseurs qui sont abonnés à notre plateforme, qui se font évaluer et qui ont accès aux résultats. Les fournisseurs peuvent s’abonner sans avoir un donneur d’ordre identifié. Ainsi, une agence de design peut parfaitement s’abonner et nous l’intégrerons en fonction de son code NACE (ndlr : la Nomenclature statistique des activités économiques dans la Communauté européenne, ou NACE, désigne la classification des activités économiques en vigueur dans l’Union européenne). Pour une entreprise donnée, nous prenons en compte 21 critères que nous passons au filtre des enjeux sectoriels. Ainsi, les impacts économiques d’une agence de design ne sont ni identiques ni comparables directement à ceux d’une usine pétrochimique.

Pourquoi les donneurs d’ordre sont-ils dorénavant si sensibles à cette notion de RSE ? 
Premièrement, la maîtrise des risques, en écartant au maximum les risques de rompre une chaîne d’approvisionnement. En effet, une entreprise « irresponsable » peut se voir localement interdire de production, ce qui génère immédiatement une rupture de flux. Deuxième point, la réduction des coûts, les entreprises responsables faisant état d’une moindre consommation en énergie et en eau que les entreprises traditionnelles. Troisièmement, la création de valeur, les bonnes pratiques en matière de RSE amenant les fournisseurs à concevoir de nouveaux produits plus verts. Enfin, quatrième point, la pression réglementaire qui pousse les industriels à être plus vertueux en matière économique et sociétale, sachant que le devoir de vigilance va par ailleurs devenir une directive européenne. Je voudrais également signaler que nous sommes un secteur gagnant de la Covid car nous effectuons depuis le départ toutes nos analyses à distance.

Quel est votre poids sur le marché ?
Nous analysons les entreprises dans plus de 100 pays et nous sommes en matière de BtoB l’agence de rating n°1 dans le monde pour ce qui concerne l’évaluation RSE pour le compte des donneurs d’ordres (directions achat). Nous sommes 650 personnes avec une douzaine de bureaux dans le monde pour un chiffre d’affaires d’environ 60 millions d’euros.

Comment gérez-vous l’information ?
Des dizaines de milliers d’entreprises de toutes tailles collaborent sur notre plateforme d’évaluation. Sont ainsi disponibles fiches d’évaluations basées sur des preuves, partage des résultats, données comparatives par secteur et outils de suivi et d’amélioration des performances. Nous recevons des milliers d’informations pour une entreprise donnée, soit directement par elle ou bien en provenance de tiers. Nous compilons toutes ces informations et nous en extrayons celles qui nous intéressent, sachant que nous sommes connectés à des dizaines de milliers de sources différentes, souvent contradictoires. À la fin du processus de compilation, tri et analyse, nous réalisons une scorecard de l’entreprise évaluée qui permet une lecture rapide et exhaustive de ses performances RSE.

Le design est-il un bon levier pour améliorer ses pratiques RSE ?
Absolument, notamment pour ce qui concerne le critère environnemental : on voit immédiatement les impacts vertueux sur un plan industriel que peut générer un produit vert. On constate que les usines qui fabriquent tout ou partie de ce produit font état d’une moindre consommation en fluides et en énergie et obtiennent de bien meilleurs résultats environnementaux. De surcroît, une entreprise qui a recours à l’éco-design, et qui peut le prouver, va obtenir des points lors de notre évaluation. Quand je dis éco-design, j’entends moins d’impacts lors de la fabrication et utilisation mais aussi également prise en compte de la réparabilité et la recyclabilité.

Quels sont vos axes stratégiques de développement ?
Nous ne souhaitons pas aller au-delà de l’évaluation du fournisseur, mais nous développons des scopes en particulier. Ainsi, CyberVadis, filiale à part entière, a été développée sur les pratiques de la sécurité de l’information. D’autre part, nous proposons des scorecards sur des aspects particuliers de la RSE. Par exemple, la scorecard carbone, sachant que 75 % des émissions de carbone sont le fait de la chaîne d’approvisionnement fournisseurs. De façon générale, on constate que les donneurs d’ordre d’abord besoin d’une vue généraliste (scorecard globale RSE) et puis avec le temps elles ont besoin d’avoir des scorecards plus en profondeur sur des thématiques précises : par exemple, la diversité pourrait être une scorecard à part entière. 

Une interview de Christophe Chaptal

Article précédemment paru dans le Design fax 1175