JCDecaux : un design très urbain

Rencontre avec Sylvain Grandpierre, directeur des designs graphique, numérique et produits de JCDecaux.

Sylvain Grandpierre, quel est votre parcours ?
S.G. Je suis diplômé de l’ISD à Valenciennes et suis immédiatement entré chez JCDecaux où j’ai occupé un certain nombre de postes, assez éloignés du design (génie civil, exploitation France) mais qui m’ont permis de bien connaître l’entreprise et surtout l’ensemble des volets de notre activité – conception, génie civil, exploitation, etc. Il y a quatre ans le poste de directeur du design s’est libéré et j’ai postulé.

En quoi consiste la fonction design chez JCDecaux ?
S.G. Nous sommes une véritable agence de design intégré comprenant 56 personnes réparties sur 28 métiers différents. Nous sommes rattachés à la direction générale, comme les autres fonctions clés, ce qui place le design en position d’échanger et de nouer des synergies de façon fluide et efficace. Nous intervenons sur l’ensemble de nos offres, mais également sur tous les supports de communication du groupe, tant matériels que numériques. L’activité de JCDecaux passant essentiellement par la réponse à des appels d’offres nationaux et internationaux – nous sommes présents dans 80 pays – nous collaborons de façon continue avec des designers externes locaux. Cela nous permet d’intégrer les particularités culturelles et formelles des pays où nous avons des projets. Depuis 40 ans nous avons ainsi travaillé avec pas moins de 400 designers. Cela étant, nous gardons systématiquement la maîtrise de la conception, de la fabrication et de l’exploitation de nos offres puisque – et c’est l’une de nos particularités – nous sommes le plus souvent propriétaire des éléments urbains ou de circulation que nous mettons à disposition des publics. 

Comment JCDecaux voit le design ?
S.G. Il s’agit de proposer des produits et services urbains pour lesquels les notions de valeur d’usage, de fiabilité, de résistance et de recyclabilité sont déterminantes. Par exemple, il est assez courant que nous offrions une deuxième vie à nos matériels, ce qui montre notre souci d’optimiser l’emploi des ressources. Cette philosophie de la qualité et la durabilité se retrouve dès l’origine de l’entreprise puisque dès les années 1970 JCDecaux a proposé du mobilier routier directionnel qui adoptait les codes de qualité et de résistance du luxe (emploi d’aluminium anodisé, etc.), ce qui était alors tout à fait novateur pour ce type de matériel. 

Qu’apporte le design chez JCDecaux ?
S.G. Chez JCDecaux, le design s’appréhende selon deux volets : stratégique et opérationnel. Stratégique, notamment via l’innovation, en explorant de nouveaux usages, de nouvelles façons de faire, de nouvelles relations entre parties prenantes. Ainsi, nous avons développé une batterie personnelle pour les vélos à assistance électrique : l’utilisateur emporte sa batterie, la recharge chez lui et la replace sur le vélo en libre-service (les Vélo’v à Lyon). Ou encore, des abribus dotés d’un système de rafraîchissement naturel. Cette démarche d’innovation, basée sur la valeur d’usage et l’écoute des besoins et contraintes de l’ensemble des intéressés aboutit souvent à la définition de nouveaux modèles économiques de produits et services. Pour ce qui concerne le volet opérationnel du design, nous apportons un soin permanent à la conception, fabrication, utilisation et maintenance de nos produits et services. En d’autres termes, la chaîne de valeur du design concerne toutes les facettes de l’offre, de l’amont stratégique à la réalisation. 

Votre vision du design français ?
S.G. Au préalable, une précision : au-delà des considérations de nationalité, un design est d’abord bon ou mauvais ! Cela dit, je pense que nous, designers français, nous nous sous-estimons. Redisons-le : nos écoles en matière de design sont excellentes, de surcroît dans des secteurs très variés, et nos designers sont vraiment talentueux. Nous n’avons donc absolument pas à rougir face à des pays considérés comme à la pointe en la matière.

Un message en particulier pour terminer ?
S.G. En ces périodes actuelles, un design de qualité est un réel facteur de différenciation concurrentielle et de progrès. Dès lors, il est vraiment dommage qu’il ne soit pas systématiquement mis en œuvre dans toutes les entreprises. Et puis, si le design est une façon de penser, c’est aussi et surtout le moyen de changer le monde – et c’est ce que chaque designer devrait avoir en tête.

Une interview de Christophe Chaptal

Article précédemment paru dans le Design fax 1165