Namibie : destination naming

Sophie Gay, fondatrice de Namibie, “agence de branding par les langages”, nous en dit plus sur son parcours, sur l’activité de l’agence ainsi que sur sa vision de la création de marques.

Sophie Gay, quel est votre parcours ?
S.G. Mon parcours est très typé “humanités”. Il a débuté par une hypokhâgne et une khâgne, et ensuite la Sorbonne pour de la philosophie et des lettres modernes, ainsi que beaucoup de latin et un peu de grec. Après cela, j’ai découvert, un jour, alors que je m’occupais de relations publiques dans le monde de l’art, un article dans le magazine Elle qui parlait de la création de noms, en citant deux agences spécialisées en la matière. Je les ai contactées, et l’une d’entre elles m’a rappelée et m’a embauchée. J’y suis restée 13 ans, en passant par tous les postes, et cette expérience m’a confortée dans le fait que le naming était mon univers. Finalement, en 2016, je décide de créer Namibie à partir de ma façon de voir le métier et, également, à partir d’une sensibilité différente. L’envie aussi, étant donné que le nom est la pierre angulaire et le condensé de toute identité, de faire du branding par les langages. Il s’agit de mettre en œuvre une réflexion sur les langages qui englobe la stratégie, l’identité nominale, tonale et verbale, et, également, le design de marque qui s’y rattache. Autrement dit, une approche narrative, sonore et visuelle. 

Dites-en nous plus sur Namibie
S.G. Ce nom de Namibie, tout le monde peut le comprendre, et c’est ce que je voulais ! Namibie évoque des territoires lointains à explorer, sachant aussi que Namib signifie “terre sans nom”. Un territoire lointain, donc, mais avec une identité forte. Et puis, Namibie est aussi un vocable compréhensible dans toutes les langues. En parallèle, j’ai créé le réseau We Are Naming, sorte de preuve de notre présence hors des frontières, ce qui nous permet de pitcher à l’international et de dire que nous avons la capacité d’adresser des problématiques globales avec nos partenaires situés dans 11 pays. Concernant notre spécificité, nous avons, par rapport à nos collègues, cette vision très pointue, singulière et très créative du nom. Par exemple, lorsque l’on a annoncé à l’un des réseaux de Vinci Énergie son nouveau nom, Ubbak, il était évident que l’on avait fait un pas de côté sur tout le territoire de marque. Ubbak est une marque singulière pour parler du froid, avec, évidemment, cette référence à l’ubac et à l’adret. J’en profite pour dire que le vrai brief n’est pas forcément écrit : c’est essentiellement dans la dynamique d’écoute que l’on va arriver à une solution créative. On le constate pour Swile (ndlr : titres-restaurants ). Au lieu de parler simplement de travail, on a préféré faire référence à la notion de “smile at work”. C’est de cela qu’il s’agit quand je parle de trouver l’espace de singularité qui, à tous points de vue, nous permet d’être au plus près du caractère unique de la marque. Pour ce qui concerne son fonctionnement, Namibie est une équipe de 5 à 7 personnes et on staffe selon les besoins. Cela nous permet d’être agiles et, dans cet esprit, d’être toujours à la juste taille en fonction de la structure pour laquelle nous intervenons, start-up ou grand groupe. Ce type d’organisation est idéal pour travailler de travailler pour toutes les tailles d’entreprises.

Comment voyez-vous évoluer votre secteur d’activité ?
S.G. Vinci, notre client, avait proposé à un IA de travailler à partir du brief de Namibie. Eh bien, cette IA n’a jamais été capable de créer ne serait-ce que le début d’un positionnement stratégique ou d’un positionnement nominal. Pour information, notre brief pour cette marque a eu lieu en juin l’année dernière : cela signifie qu’à l’heure de l’IA, créer une marque sur l’ensemble des touch points demande du temps, c’est-à-dire une écoute attentive. Manière de dire que l’on ne peut pas transiger sur la question de la réflexion qui est processus le plus important. Au final, la question consiste à se demander comment faire converger l’humain et l’IA et, dans cet esprit, il est compliqué de trouver le bon timing pour gérer la complexité humaine et donc émotionnelle. L’IA est donc encore loin du compte.

Votre vision du naming en France ?
S.G. C’est un marché de niche qui n’est pas reconnu à sa juste valeur au sein du marché global du branding. Le naming est pourtant l’un des éléments majeurs du bouquet de la mariée, et de plus, c’est sans doute l’élément le plus résilient d’une identité, car on ne change pas de nom tous les quatre matins. De surcroît, le nom ne tend pas à disparaitre – bien au contraire.

Un message pour terminer ?
S.G. La marque est une façon, à l’heure de l’IA, de l’immédiateté et des individus éclatés, de créer du lien et de recréer de l’imaginaire et de la beauté. Cette beauté de la marque est aussi une manière d’apporter une forme de fierté aux collaborateurs et aux équipes dirigeantes. Dans cette optique, nous sommes les ouvriers de cet esthétisme.

Une interview de Christophe Chaptal

Article précédemment paru dans le Design fax 1368