Delavelle : mobilier écoconçu

Hugo Delavelle, ébéniste, dirige l’Atelier Hugo Delavelle, société de conception et de fabrication de meubles située à Saulnot dans l’est de la France. Il nous parle de son parcours et de son activité.

Hugo Delavelle, quel est votre parcours ?
H.D. J’ai un CAP d’ébéniste, puis j’ai effectué un tour de France avec Les Compagnons du Devoir. Après cela, je suis parti en Allemagne étudier le design artisanal. J’ai créé mon atelier en 2009 dans le but d’éditer mes créations. Au début, évidemment, j’ai commencé par effectuer un certain nombre de petits boulots alimentaires, tout en dessinant et prototypant mes premières créations.

Parlez-nous de la société Delavelle
H.D. Aujourd’hui, nous sommes une vingtaine de collaborateurs et réalisons à la fois des pièces uniques et des micro-séries pour des marques, des designers et des éditeurs, ainsi que l’édition de nos propres collections.  Nous proposons en moyenne entre 2 à 3 nouveautés par an sous forme de collections ou de pièces de complément de collections existantes. Au départ, je dessinais une grosse partie des collections, mais, depuis 3 à 4 ans, on a pris également une casquette d’éditeur pour des créateurs comme Bina Baitel, Atelier Prosper ou Pierre Dubourg. Je suis le seul designer de l’équipe qui comprend le développement technique, l’administratif, la communication, les ventes, et les ébénistes et tapissiers. Nous réalisons actuellement un chiffre d’affaires de 1,5 million d’euros, avec de grosses amplitudes de prix : du canapé en pièce unique à plus de 100 000 euros à quelques dizaines d’euros pour un accessoire destiné aux arts de la table. Je suis par ailleurs très attaché à l’écoconception du fait de ses avantages écologiques. Je souhaite ainsi que nous soyons le plus vertueux possible dès le design des produits afin de générer l’impact le plus faible possible sur des aspects tels le choix des matières, l’empilabilité lors du transport, la réparabilité ou le recyclage. Nous travaillons en ce sens tout le long du cycle de vie du produit. On se fournit avec du bois local issu de Franche-Comté et, en 2021, on a créé une scierie qui travaille avec du bois local et qui a opté pour le séchage à l’air libre : il faut compter 1 à 4 ans en séchage à l’air libre contre quelques semaines pour le séchoir artificiel, mais l’impact est sans comparaison. On achète les bois l’hiver et on sèche pendant l’hiver et le printemps.

Quelles sont vos ambitions ?
H.D. Notre objectif est avant tout de finir de payer nos prêts, car on a acheté 4000 m² de bâtiments sur un plateau de 27 000 m² qui appartenaient à une entreprise de travaux publics. De ce fait, on a un potentiel de moyens quasiment illimité pour les années qui viennent. En parallèle, nous devons structurer l’entreprise et l’offre produit et continuer à développer l’outil de production. Nous disposons actuellement d’un centre d’usinage 5 axes à commande numérique avec un parc de machines conventionnelles pour travailler le bois. Quand on aura payé cette première machine à commande numérique courant 2026, on pourra en acheter une deuxième, sachant que cela représente chaque fois un investissement de l’ordre de 200 000 euros. Plus globalement, notre objectif est de monter à 25 collaborateurs avec un chiffre d’affaires multiplié par 5, le tout avec une meilleure rentabilité économique. Pour cela, il nous faudra fidéliser nos collaborateurs actuels et en embaucher de nouveaux. Bref, continuer de faire du beau, du bon et du bien, tout en explorant de nouveaux univers au-delà de celui du repas, en allant vers les arts de la table, la chambre à coucher, l’hôtellerie, ou la restauration. Et puis, il sera important de diversifier nos typologies de clients et de développer notre chiffre d’affaires à l’export.

Quel est votre regard sur l’ameublement en France ?
H.D. C’est très dur de fabriquer en France aujourd’hui du fait d’un fort taux de désindustrialisation, et avec des concurrents étrangers qui n’ont pas du tout les mêmes contraintes que nous. L’ameublement fabriqué en France, ce doit être quelque chose comme moins de 5% du mobilier vendu sur notre territoire. Il faut vraiment se battre pour préserver nos savoir-faire ainsi que les marques françaises. Tout comme il est nécessaire de trouver en permanence des solutions nouvelles pour être à la fois attractifs et rentables. Mais on est fier de participer à ça et de se bagarrer. Et puis, 15 ans après nos débuts, on est toujours là, et avec un bel outil de travail ! Le contexte n’est pas spécialement favorable, mais on continue de se battre. Depuis 2018, on est sur une belle croissance, à l’exception des 2 années de crise sanitaire. 

Quelle est votre perception du design français ?
H.D. Je ne suis pas sûr d’avoir une bonne vision, car je regarde assez peu la scène design. J’essaie de trouver ma voie dans la pratique que je peux avoir du design et de l’édition, sans trop analyser ce qui se fait ailleurs. C’est à la fois une posture volontaire, et, en même temps, je suis bien occupé dans mes forêts, même si je vais à Paris environ une fois par mois pour livrer mes clients. Je tiens à rester en dehors du microcosme. Je fais régulièrement les salons, mais je ne suis pas du tout un design fan qui passe son temps à scruter. Bientôt, il y aura d’ailleurs plus de gens qui commentent que de gens qui font. Et puis, je ne veux pas analyser et commenter, car beaucoup d’autres le font très bien.

Un message pour terminer ?
H.D. Nous recherchons en permanence de nouvelles collaborations avec des designers : nous sommes en ce sens ouverts à toute proposition de dessin dans le but d’étoffer nos collections.

Une interview de Christophe Chaptal

Article précédemment paru dans le Design fax 1366