La Ligue : nouvelle identité

Sandrine Jobbin, directrice de la communication institutionnelle de La Ligue contre le cancer, et Martin Piot, vice-président de W Conran Design, nous parlent de la nouvelle identité de l’institution.

Sandrine Jobbin, Martin Piot, pourquoi une nouvelle identité pour la Ligue contre le cancer ?
S.J. Je suis arrivée à La Ligue il y a un an et demi et j’y ai découvert tout l’écosystème de la lutte contre le cancer. C’est une institution connue, avec un logo connu, pour autant le grand public ne sait pas exactement ce que cela recouvre en dehors de la dimension recherche. Il faut savoir qu’il y a en France 430 000 nouveaux cas de cancers par an et qu’il y a 4 millions de personnes qui vivent avec un cancer ou qui accompagnent les personnes qui ont un cancer. Il était notamment nécessaire de rappeler ce lien humain entre les malades et ceux qui sont à leur côté. Les progrès de la recherche permettent de mieux identifier les cancers : ce n’est pas forcément qu’il y en a plus, mais l’allongement de la durée de vie et les progrès de la recherche font logiquement monter le nombre de cancers détectés. Il y a les facteurs évitables et les facteurs génétiques. On a toujours cette image du cancer que l’on ne guérit pas. Mais il y a énormément de types de cancers et la recherche fait des progrès chaque jour. D’autre part, même si la Ligue est l’un des plus gros collecteurs de fonds en France avec 80 autres associations, dont UNICEF, Secours catholique, Secours populaire ou Restos du cœur, notre notoriété était en retrait. Il y avait donc urgence à dire qui l’on est vraiment. On a donc organisé un appel d’offres dans les règles imparties par La Ligue et on a choisi W Conran Design parce qu’ils avaient semblé être ceux qui avaient le mieux compris nos attentes et besoins, et surtout ce que pouvait être la marque demain. Je précise que La Ligue est une institution qui fonctionne avec une équipe entre 600 et 700 personnes à laquelle il faut ajouter 40 000 bénévoles.
M.P. Nous avons réalisé 20 entretiens de collaborateurs, aidants et malades pour s’immerger de la façon la plus fine possible. Premier constat : il y a de plus en plus de cancers, mais dans le même temps, il y a de plus en plus de cancers guérissables. La Ligue ne doit pas être contre le cancer, mais accompagner le parcours des malades dans le but de vivre avec son cancer. Et cet accompagnement s’envisage avant, pendant et après : sensibilisation pour éviter le cancer, pendant pour bien le soigner et après pour gérer le traumatisme pour les malades et les aidants. Notre intuition était que favoriser l’accès aux soins et au traitement est un enjeu colossal et que le problème majeur n’est pas que l’on ne sait pas soigner, mais que l’on n’ait pas accès aux soins. Déserts médicaux, contraintes financières : on n’est pas tous égaux devant le cancer. On est donc parti de ce postulat pour aboutir à une thématique de type “ensemble, réduisons les inégalités face à la maladie”. Par ailleurs, il est intéressant de noter que sur les réseaux sociaux il y a des coming out du cancer et on ose en même parler dans les entreprises : de plus en plus, un rapport sain et décomplexé s’installe face à la maladie. Et dans ces conditions, en matière de perception, La Ligue était un peu une vieille dame malgré les talents et les performances de collecte. Il a fallu par conséquent réfléchir au capital de cette marque et envisager un coup de fouet pour changer une identité d’un esprit très mutualiste. Il fallait désincarcérer tout cela tout en conservant le lien coloriel et le carré bleu, auxquels nous avons ajouté le cœur et signe “égal” afin d’insister sur la notion d’égalité, avec un focus sur une organisation très humaine et très engagée. C’est une vision optimiste et pragmatique du rôle de La Ligue dans le futur. 

Comment jugez-vous le nouveau logo ?
S.J. Ce nouveau logo est presque un rébus, mais il est très parlant sur nos valeurs. On a tout de suite été convaincus et tout le monde le reçoit de façon très positive. De plus, cette prise en compte de l’avant, pendant et après montre bien l’étendue de nos actions, ce qui est très important. La prévention est en effet une composante essentielle de notre démarche auprès des gens qui n’ont pas accès à l’information ou qui ne veulent pas savoir par peur. Ensuite, il y a la maladie avec sa gestion et enfin les perspectives de réinsertion avec cette vie qui continue. Sur ces deux aspects, il fallait corriger notre impact
M.P. La Ligue c’est pour tous les cancers, pour tous et partout. Il y a beaucoup de spécialisations médicales en matière de cancer, mais La Ligue est généraliste et traite tous les cancers de façon égale. Je précise à ce propos qu’il y a plus de 100 comités partout en France et plus de 300 espaces qui constituent des relais actifs de proximité. Ce quadrillage est important pour mieux faire comprendre ce qu’est La Ligue et pour communiquer sa nouvelle identité.

Comment vous situez-vous par rapport aux autres institutions ?
S.J. Il y a beaucoup d’acteurs du cancer en France en cancer avec des structures qui peuvent apparaître concurrentes à La Ligue, mais qui sont finalement complémentaires, notamment sur la recherche ou l’accompagnement. Ainsi, les hôpitaux, qui ont toujours été là, sont actifs dans la collecte. C’est tout un écosystème et notre volonté n’est pas de le dominer, mais d’être de plus en plus visible. On n’est surtout pas le monstre qui mange tout !
M.P. Le nombre de personnes touchées par le cancer ne cesse d’augmenter. Tous les acteurs sont importants : État, hôpitaux, chercheurs, associations, etc. On a besoin de tout le monde.

Quels sont vos objectifs pour les années qui viennent ?
S.J. Notre but est que La Ligue soit perçue sur ce qu’elle est vraiment et non seulement comme une association de financement de la recherche médicale. On veut être vu comme étant une main tendue : nous sommes là pour aider et accompagner. 
M.P. La Ligue fonctionne beaucoup avec des bénévoles et il faut donc attirer plus de jeunes. La Ligue est une marque et elle doit être préférée pour que les bénévoles la choisissent en priorité. C’est important de montrer que c’est là que ça se passe. Et puis il faut collecter des fonds, par conséquent la marque doit être attractive sur ce plan. Il s’agit de bien faire comprendre ses actions que les gens aident La Ligue à bien les réaliser. En résumé : une Ligue encore plus forte avec un rajeunissement des équipes et de meilleures performances de collecte.
S.J. La Ligue finance entre 45 et 47 millions d’euros de recherche chaque année (ndlr : 100 milliards dans le monde) et plus de 30 millions d’euros sur les parcours des malades et des proches. Encore une fois, il faut le faire savoir.

Un message pour terminer ?
M.P. On est très fiers d’accompagner une cause comme celle-là. C’est une grosse pression, car nous avons évidemment chez W ou dans nos familles des gens touchés par le cancer. Alors, on a la pression pour que ça marche. Mais l’accueil est d’ores et déjà très positif et on espère que cela va continuer.
S.J. Nous avons une relation très qualitative avec W et sommes très heureux et fiers du résultat.

Une interview de Christophe Chaptal

Article précédemment paru dans le Design fax 1344