Louis Collinet : les 40 ans de CBA

Louis Collinet, fondateur et président de CBA, a bien voulu, rare privilège, nous accorder une interview pour les 40 ans de l’agence.

Louis Collinet, comment définir CBA ?
L.C. J’ai créé CBA en 1982 à Paris, sans connaître personne, après cinq années passées comme freelance. Les premiers budgets gagnés l’ont été dans le secteur de l’agroalimentaire, notamment avec General Foods ou Nestlé que nous avons accompagné à l’international. Nous sommes une agence de branding, retail et packaging et sommes aujourd’hui 330 personnes dans le monde, dont 166 collaborateurs sur Paris – en comptant notre filiale SUB. Nous accompagnons les marques avec l’objectif de leur permettre de conjuguer performance, expression et expérience. Notre réseau international s’est constitué à partir de 2005 et nous sommes désormais présents à Londres, Milan, Barcelone, Madrid, Bruxelles, Istanbul, São Paulo, Lima, Mexico ou encore Singapour qui constitue notre dernière implantation. Pour ce concerne la Chine, nous avons des partenariats étroits avec un certain nombre d’acteurs locaux et nous réfléchissons selon les opportunités qui se présenteront à y ouvrir un bureau. Toutes nos filiales internationales, hormis São Paulo, ont été constituées en partant de zéro. Nous sommes probablement la plus internationalisée des agences françaises avec une communauté de créatifs et de planneurs stratégiques qui échangent régulièrement dans le but de créer une véritable plateforme créative multiculturelle. En 2000, CBA s’est rapprochée de WPP (ndlr  : le plus gros réseau d’agences de publicité et de communication mondial comprenant plus de 100 000 personnes réparties dans 3 000 bureaux à travers 112 pays) dont on constitue la caution morale en matière de design. J’en profite pour souligner que je dispose d’une équipe fantastique, avec notamment Anne Malberti, la directrice générale. Les principes structurants de CBA sont l’agilité, l’engagement, l’entrepreneuriat et la passion. C’est pourquoi je suis catastrophé quand je vois des designers qui n’ont pas la passion !

Comment travaillez-vous ?
L.C. Mon rôle est de rester en contact avec nos clients et être en permanence à leur écoute pour investiguer de nouveaux axes de collaboration. Quant à mon équipe, je la compare à un pack – ma passion pour le rugby sans doute – avec ce côté très humain auquel je suis particulièrement attaché. Ceci étant, et en dépit des liens de proximité que nous entretenons avec notre écosystème, nous sommes fortement sujets à la pression tarifaire que les directions achats nous imposent. Cela constitue un risque potentiel de perte de valeur, d’autant qu’il est exclu de lâcher sur la qualité de ce que nous produisons. Il nous faut donc trouver un équilibre sur la durée entre excellence créative et performance économique. Autre point, la maîtrise de savoir-faire en amont et aval de nos cœurs de métiers. Du fait de notre appartenance WPP, je n’ai pas eu à intégrer la communication – ni d’ailleurs le digital – car ce sont des expertises qui sont mondialement développées au sein du groupe. C’est tout l’intérêt d’appartenir à un acteur comme WPP car l’on peut répondre à de gros appels d’offres internationaux pour lesquels des compétences publicitaires ou média sont requises. Depuis 45 ans, mon réseau personnel et professionnel est devenu très important et il est clair que beaucoup d’opportunités commerciales et de business proviennent de là. Nous avons également, partout où nous sommes implantés, un tissu de partenaires avec qui nous pouvons travailler selon les problématiques spécifiques que nous traitons – nous ne passons en effet jamais par des plateformes de créatifs. Vous comprendrez que pour toutes ses raisons, j’ai peu d’appétence pour le contact virtuel !

Pourquoi tant de discrétion ?
L.C. Il est exact qu’à titre personnel, j’apprécie la discrétion autant que la fidélité. J’ai horreur de me mettre en avant ou mettre en avant mes clients. Cela dit, la discrétion n’empêche pas, bien au contraire, une intense activité relationnelle. Je suis en permanence en petit-déjeuner, déjeuner et dîner avec des clients, prospects ou partenaires : ce contact direct est pour moi primordial pour comprendre et sentir ce qu’il se passe. Quant à la fidélité, elle fait partie de mes valeurs : je conserve mes clients très longtemps, ainsi que mes collaborateurs – certains sont là depuis 40 ans ! À ce propos, une remarque : ceux qui ont un vrai réseau, solide, ce sont les entrepreneurs : c’est pour cela qu’une démarche commerciale efficace doit se faire d’entrepreneur à entrepreneur, de dirigeant à dirigeant. Si vous envoyez un commercial junior négocier un gros budget, cela va rarement donner un résultat satisfaisant…

Vos objectifs pour les années qui viennent ?
L.C. Nous voulons démultiplier les échanges au sein du réseau mondial CBA : nous sommes très multiculturels et c’est un avantage que nous devons davantage exploiter. D’autre part, nous réfléchissons à de nouvelles approches commerciales qui trancheront avec ce qui existe actuellement, en particulier sur des cibles précisément identifiées. Enfin, pour ce qui concerne l’avenir de CBA, je compte sur quelques personnes en qui j’ai pleine confiance pour reprendre le flambeau, aidées en cela par la force de l’agence en matière de notoriété. Nous sommes ainsi quasi incontournables sur les gros appels d’offres nationaux ou internationaux, sans compter le nombre important d’appels entrants. De toute façon, je ferai tout pour que CBA soit une marque pérenne. 

Quelles sont les tendances clés du marché ?
L.C. Il m’apparaît assez clairement que les stratégies des entreprises devront exprimer des savoir-faire tangibles, et dans le même temps révéler de vraies valeurs, au-delà du message publicitaire. Il va être de moins en moins concevable de ne pas accorder son message et ses engagements car l’exigence du consommateur augmente de façon sensible en matière de service, de conseil, d’expérience, de nouveautés, de relations plus humaines ainsi que d’impacts positifs sociétaux et environnementaux. D’autre part, il va falloir combiner de plus en plus étroitement lieux physiques et propositions digitales afin de mieux connecter et fidéliser le client : il est déterminant de mettre en place de véritables expériences hybrides. Nous devons également aller vers un design plus utile et agile, apte à séduire à la fois les marques et les communautés auxquelles elles s’adressent – c’est-à-dire inscrire le design dans une démarche collaborative et faisant appel à l’éco-conception. 

Un message pour terminer ?
L.C. Nous avons un métier de passion qui rime pour moi avec plaisir, générosité et convivialité. Ces mots clés ont constitué ma ligne de conduite depuis la création de CBA il y a 40 ans : je ne souhaite pas en changer. Autre sujet, j’attends avec impatience la prochaine coupe de rugby en France ! 

Une interview de Christophe Chaptal

Article précédemment paru dans le Design fax 1217