Que ce soit Michaël Cailloux pour Lenôtre, ou Julien Colombier chez Moissonnier, ce début d’année voit fleurir de nombreuses collaborations d’artistes contemporains (plasticiens, grapheurs, illustrateurs…) avec les marques dans tous les domaines qui soient. Dans celui de la cosmétique, rien de nouveau – Jeff Koons, Peter Max ou Kenny Scharf sévissaient déjà depuis des années chez Khiel’s pour des habillages singuliers devenus collectors. En effet, la puissance imaginative des artistes contribue également à améliorer l’expérience client – désormais sacrée – proposée par les marques, à l’heure où certaines de ces dernières font face à des problématiques d’authenticité, de différenciation et de légitimité.C’est pourquoi les marques multiplient les collaborations avec des artistes en créant des lignes ou des produits signés. Le produit bénéficie d’une dimension artistique, devenant lui-même une œuvre. L’art apporte aux produits de luxe une dimension émotionnelle qui les différencie des simples produits de consommation.
Packaging Michaël Cailloux pour la galette Lenôtre 2019
Commode Moissonnier par Julien Colombier
Aujourd’hui pourtant, dans un monde en pleine mutation, sous l’influence des réseaux sociaux et de l’e-commerce, l’enjeu de ces associations « coup de comm’ » événementielles devient stratégique au point que les agences de design global s’emparent de ce nouveau marché.
C’est le cas de Paris Calling, agence en stratégie et image de marque, qui a lancé, en septembre dernier, une entité spécialement dédiée au sein de l’agence : Art Clash.
L’objectif : inscrire des collaborations créatives (marque + partenaire (artiste/marque, marque/marque, marque/fondation, marque/influenceur, marque/égérie…) pérennes dans l’histoire des marques en s’appuyant sur trois piliers :
• les Social & Creative Trends (collecte de data afin de quantifier le potentiel de la collaboration (notoriété, engagement, audience…) et analyser l’adéquation du partenariat (confrontation des communautés, valeurs, intérêts, points de contacts…)),
• le Sourcing d’artistes (recommandation du meilleur partenaire),
• l’Activation du développement produit (storytelling, création, réalisation et écosystème de communication).
Une stratégie qui s’appuie sur les data – un social listening – pour rationnaliser cette démarche et que chacune des trois étapes permette au client d’acquérir les connaissances tant au niveau qualitatif que quantitatif de leur opération.
© Paris Calling
Comme aime à le dire Kim de Lentdecker, Directrice du planning stratégique de l’agence : « Beaucoup de marques demandent à trouver des artistes pour faire des collab’. Mais elles manquent souvent d’arguments pour prouver que tel artiste leur correspondra le mieux avec suffisamment de notoriété et d’engagement pour que le public adhère au produit. Ainsi, pour éviter que ces associations relèvent « du doigt mouillé » nous réunissons cerveau droit et cerveau gauche pour y mettre un peu de rationnel réactionnel ; les collaborations nécessitent de plus en plus d’investissements et, à l’heure d’arbitrer, on ne veut pas perdre d’argent.
La data c’est toute l’information qui est discutée sur internet, tout ce qui est partagé. Elle est collectée grâce à un partenariat avec un expert afin de réaliser analyse et diagnostic de nos chers partenaires. »
Toutefois, si la data, en toile de fond, sert à valider ou invalider toute proposition, elle ne se substitue pas à l’expertise de l’agence qui se compose d’une quinzaine de créatives – toutes artistes avant d’être graphistes – et qui, par son œil marketing et ses études, fait ses recommandations d’artistes.
Art Clash vient soutenir la confrontation dans la création. Pour donner du sens à ce qui relève de l’air du temps, elle a la volonté de pousser plus loin la collaboration en s’inscrivant dans une réflexion pérenne. Une pérennité qui se fait sur le fond, la stratégie.
Aller chercher des artistes engagés ou qui ont une approche nouvelle des techniques permet de construire des histoires dans le temps et des ancrages culturels.
Bien évidemment il s’agit d’une façon plus élégante de faire du marketing d’influence.
Les consommateurs étant pour la plupart hyper connectés partout et en permanence, un jeune internaute sur trois choisit une marque évoquée par une recommandation ou influence sur internet.
Le message à distiller est donc toujours le même, mais il se veut plus subtile. Instagram a fait exploser le milieu des artistes, offrant une typologie d’artistes qui se sont fait connaître sur les réseaux sociaux et non en galerie. Il y a désormais les artistes cotés et les autres, suivis.
La collaboration avec des artistes éclectiques rend également le processus créatif très enrichissant : c’est un partage de sensibilités, de visions communes, de reconnexions, de co-création où chacun regarde avec un œil nouveau.
C’est ainsi qu’est née la collection l’Autre Ôud, parfums d’intérieur de Lancôme.
Collection L’autre Ôud – Maison Lancôme © Paris Calling
L’agence, sollicitée pour réaliser les flaconnage et packaging, a tout d’abord eu l’idée de travailler une fresque pour raconter les trois jus créés par 3 nez différents de la Maison Lancôme. Cherchant une « patte » en fonction de la cible et de l’engagement de la marque, c’est l’envie de collectif, de pluralité de visions pour interpréter ces parfums d’intérieurs qui a porté leur choix sur Alex et Marine, tatoueurs de murs, dont les sujets très nature sont toujours adaptés à l’environnement qu’ils investissent.
Déesse – Alex & Marine © Alex & Marine
Une collaboration offrant un double regard pour trois nez, qui a abouti à trois flacons ornés de plaques dorées ciselées au laser à l’image de la principale matière première de chaque accord, dont les courbes et les déliés font jouer la lumière à travers les fragrances.
Ôud Bouquet – Maison Lancôme © Paris Calling
Un changement d’échelle pour les artistes et un ancrage dans la modernité pour la Maison de Parfums symbole de l’art de vivre à la française, qui concrétise depuis deux ans cette rencontre dans l’agrandissement de sa collection de Grands Crus et la mise en scène de ses vitrines.
Jasmins Marzipane – Maison Lancôme © Alex & Marine
Si les artistes se mettent au packaging, il ne faudra plus s’étonner que les designers s’emploient à s’exposer en galerie…