Volskwagen : une bonne leçon pour dirigeants ?

Alain Meunier (Level Up) est un expert en performance collective pour les marques proches des designers. La tricherie organisée de Volskwagen a des résonances, y compris pour le design, qu’il est bon de comprendre. Le recul qu’apportent les quelques semaines qui nous séparent du jour où le scandale a éclaté, permet-il de tirer des leçons pour le management des entreprises ?
Alain nous éclaire sans langue de bois…

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Volkswagen : Leçon de choses pour dirigeants ?

Impossible aujourd’hui de dire quel sera le coût final des malheurs de cette prestigieuse société qui sera passée que très furtivement au sommet mondial. Le cours de bourse est quasiment revenu au niveau de 2007, après avoir été presque 6 fois plus élevé, effaçant ainsi tout l’apport de Martin Winterkorn depuis son arrivée. Les réparations sous forme de prime aux clients sont déjà décidées aux USA et vont se généraliser dans tous les pays. Les procès se préparent. Les agences de notations font exploser le coût du refinancement.
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Das Auto ?
Le slogan « Das Auto » et la référence à la prestigieuse qualité germanique sont détruits. Aujourd’hui pour Volkswagen, c’est la
descente au enfer.
Dans l’automobile, le couple volume / marge est au coeur du succès ou de la
faillite. La baisse de volume, plus de 40 % dans certains pays, augmente les coûts de revient de manière dramatique. La perte d’image augmente les rabais à consentir pour faire les volumes de ventes.
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Comment en sont-ils arrivés là ?
Les premiers éléments qui nous parviennent, nous esquisse un portrait peu flatteur, mais hélas pas si inhabituel, des causes.
Citons tout d’abord le « management par la peur ». Plusieurs cadres ont décrit Martin Winterkorn comme colérique et hermétique à toute critique ou discussion. Malheureusement une entreprise ne fonctionne jamais comme on l’a écrit dans les plans stratégiques ou dans les notes d’organisation.
La valeur des entreprises et de leurs dirigeants, est leur capacité à faire face rapidement et de manière collective aux aléas.
Comment le faire si l’expression des difficultés, si les idées différentes ne son pas tolérées ?
Il est vrai que la pression pesant sur les épaules d’un dirigeant est telle, que le stress est à son maximum, même pour une personne dont le parcours a prouvé qu’il y résistait bien. Les média, les analystes financiers… attribuent le succès ou les revers d’une entreprise de plusieurs centaines de milliers de salariés aux seuls mérites de son président.
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Le temps des divas…
Comment dès lors ne pas devenir une « diva » ignorant le doute et ne supportant pas la moindre contrariété. La mondialisation de leur activité les transforme en une « jet set managériale prestigieuse » parcourant le monde en
permanence et renforçant encore cette sur-valorisation et sur-individualisation excessive.
Une part très importante de leur vie se passe en première classe, en jet privé, dans des hôtels de luxe, dans des limousines… où, service client oblige, tous sont à l’écoute de leur moindre désir. La toute puissance ne devient plus un mythe mais une réalité perçue. Ils ont énormément mais ils ont aussi énormément à perdre.
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… et ses conséquences dans l’entreprise.
Le phénomène n’est pas si différent à des niveaux moindres de l’organisation. La peur de perdre son emploi existe à tous les niveaux. Le management intermédiaire est souvent la cible privilégiée des programmes de réduction des coûts qui les identifie comme « non productifs ». Ce management intermédiaire est souvent plus âgé rendant la perte d’emploi encore plus cruelle. De plus, chacun adoptant le style de son supérieur par conviction, opportunisme ou par culture, la peur engendre la peur qui elle même engendre la terreur. Les colères sont simplement moins fortes à des niveaux plus modestes car la toute puissance l’est aussi. Mais la peur induite ne l’est
pas forcément.
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La terreur du court terme
Un autre phénomène semble avoir été à l’oeuvre dans le cas de Volkswagen : le management par l’impossible court terme.
Il était manifestement techniquement impossible de respecter à la fois les
plafonds de pollution et les objectifs de réduction des coûts. Les décisions récentes de la Commission Européenne de revenir sur les plafonds de Nox ou de CO2 l’ont d’ailleurs prouvé. De nombreuses entreprises aujourd’hui fixent des objectifs annuels de réductions de coûts par métier.
Mais ces objectifs sont souvent fixés par rapport à des objectifs de résultats purement financiers. Objectifs financiers dictés par les agences de notations ou inspirés par des analyses plus ou moins fiables de la concurrence. Il s’agit de réduire les coûts de X % ou de XXX € par rapport à l’année précédente. Ce niveau de réduction est souvent mutualisé ou généralisé sans réelle considération des niveaux atteints et des contraintes métiers. Si fixer un objectif ambitieux peut être positif pour
la mobilisation, encore faut-il qu’il soit réellement accepté par les acteurs. Celai implique qu’il soit perçu comme un challenge et non comme une menace surtout si le climat de peur est déjà établit.

Du mensonge à la tricherie
Sans ces deux conditions l’adaptation du management intermédiaire et des employés conduira naturellement vers le mensonge par omission voire la manipulation des indicateurs tout d’abord puis la tricherie avec le réel.
Alors à la lumière de ce cas, les dirigeants doivent-ils continuer à chercher auprès des politiques leur performance compétitive dans une Nième « loi fourre-tout » ? Doivent-ils plutôt, décider d’améliorer leur leadership et ainsi exploiter le fabuleux gisement de productivité qui est entre leur mains ?

Cet article est illustré par quelques-uns des meilleurs visuels qui ont fait irruption sur les sites américains à la suite de cette affaire scandaleuse