« Redressement productif » : au secours le design…

Christian Guellerin a accumulé une expérience sur la place du design et de son enseignement dans le monde, quand il a occupé le poste de président de Cumulus (Association qui regroupe les plus grandes écoles de design au monde), poste qu’il vient de quitter.
Formons-nous trop de designers ?
Sont-ils suffisamment reconnus par le pourvoir politique ?
Que représente le design français vu de l’étranger ?
Christian Guellerin donne des réponses dans ce papier vif…

admirable_design_design-lab-dl121-01.jpgPeugeot Design Lab.

« Redressement productif » : au secours le design…

La Commission européenne vient de publier un petit ouvrage présenté à Helsinki résultat d’une réflexion menée par des experts internationaux de l’innovation, intitulé « Design for Growth and Prosperity – Report and recommendations of the European Leadership Board ». L’objectif de cet ouvrage est de promouvoir le rôle du design dans toutes les politiques d’innovation conduites en Europe. Sont présentées 21 propositions pour faire du design une discipline-clé des stratégies publiques en faveur du développement économique. Bien que générales, ces propositions ont le mérite d’éveiller la conscience des institutions. Il existe un recours aux profondes mutations industrielles et économiques que subissent les entreprises occidentales : l’innovation.
Il est dommage qu’on n’y présente pas – ou de façon très succincte – le rôle de l’éducation. J’aurais souhaité que l’on parle de l’augmentation des effectifs dans les écoles de design. Pensez qu’à l’université Aalto d’Helsinki, il y a 17 000 ingénieurs et seulement 2000 designers. Au moment où l’industrie ne cesse de perdre du terrain dans sa contribution au PIB des pays européens, combien faudra-t-il demain former de designers, et combien d’ingénieurs ?

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En France, aucun gouvernement ne s’est jamais vraiment soucié du nombre de designers à former et pourtant l’enjeu est énorme si nous voulons transformer notre industrie, passer du produit au service, placer l’enjeu du développement durable au centre de toutes problématiques industrielles, et faire en sorte que le développement économique soit au service de l’Homme plutôt qu’à celui du profit.

Il faut espérer que le Ministère de l’Enseignement Supérieur fasse du design une priorité. Peut-être, ce sera celle du Ministère du « redressement productif » dont on espère qu’il sera celui du « redressement créatif », comme l’ont souligné récemment les étudiants de l’Ensci auMontebourg.

Il est dommage qu’on ne présente pas non plus dans cet ouvrage toutes les expériences menées en Europe de formations en apprentissage, particulièrement efficaces pour sensibiliser les PMI-PME. Au-delà de son rôle de formation professionnelle des jeunes, l’apprentissage permet d’acculturer les petites entreprises au design, à la création et à l’innovation. Avec le soutien de la Région de Pays de la Loire, c’est plus de 500 entreprises de moins de 250 salariés que l’École de design Nantes Atlantique a sensibilisées au design depuis 5 ans en accueillant un apprenti.

La formation de jeunes designers est un enjeu primordial. Il est considérable, car les designers actuellement formés peuvent être les premiers entrepreneurs d’une économie différente, une économie non plus basée sur les modèles industriels anciens, ni la consommation de masse, modèles occidentaux qui s’essoufflent inexorablement.
Les designers vont jouer un rôle-clé dans de nouveaux types de structures économiques plus flexibles, plus adaptables, plus mobiles. Les entreprises vont devoir réfléchir différemment et adapter leur modèle et leur management à la mobilité industrielle.
Non pas celle qui consiste à délocaliser dans les pays asiatiques ou ailleurs, mais celle qui consiste à s’adapter au changement.