Mais où vont donc les marques ?

Un article remarquable sur la vie et l’avenir d’une marque. Jean-jacques Evrard (Pentawards) nous entraîne, preuves à l’appui, à suivre le destin de certaines marques dans leur essor ou dans leur déclin.

Un peu philosophe Jean-Jacques, non ?

Passionnant.

Du coquillage à la station service.

La société Peugeot (groupe PSA), aujourd’hui 8ème constructeur automobile, est née en 1810 et fabriquait ressorts en acier pour l’horlogerie, de la grosse quincaillerie puis des moulins à café… et présente maintenant en accord avec Pleyel, un piano au design futuriste.
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L’origine de WPP, la holding de Martin Sorrell qui est propriétaire entre autres de nombreuses agences de pub (Grey, Oglivy, Y&R, JWT) est plus étrange encore. Le nom de la société dérive de Wires & Plastic Products, activité qu’elle avait à son origine avant de devenir une coquille vide cotée en bourse et qui servit de « véhicule » à l’acquisition de JWT.
Apple Computer, créé par Steve Jobs et Steve Wozniak en 1977 s’appelle depuis 2007 tout simplement Apple pour « s’échapper » d’un domaine (l’ordinateur) qui ne constitue plus son core business.
Vivendi, à l’origine société de service aux collectivités territoriales est aujourd’hui spécialisée dans la communication et le divertissement.
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Shell et son logo, l’un des plus connu au monde, est la plus importante compagnie pétrolière du monde. Mais qui sait encore qu’à son origine, cette société fondée en 1833 était spécialisée dans le commerce des coquillages (d’où son nom et son logo) destinés aux collectionneurs anglais à l’époque victorienne ?
Et la Fnac, qui connaît aujourd’hui son origine de centrale d’achats ?
Le coréen Samsung, leader mondial des écrans plats et fabricant d’électronique, était à ses débuts une sorte d’épicerie. General Electric, fondée par Thomas Edison, inventeur de tant de merveilles – mais aussi de la chaise électrique – est à ce jour active dans quantité de domaines comme la finance, les infrastructures, le médical, le télévision, l’énergie, l’aviation, le transport des marchandises…

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Kodak façon Darwin

Tous ces exemples pour dire que la destinée des sociétés est aussi curieuse qu’aléatoire.
Mais aussi pour démontrer que l’adaptation aux conditions extérieures, aux marchés, aux tendances, aux innovations techniques peut, pour les sociétés, – donc aussi pour les agences de design – se comparer aux lois définies par Darwin qui a formulé l’hypothèse selon laquelle toutes les espèces vivantes ont évolué au cours du temps à partir d’un seul ou quelques ancêtres communs grâce au processus connu sous le nom de sélection naturelle. Kodak films ne l’avait pas compris et a déposé son bilan début 2012 ayant raté le tournant numérique. Le grand économiste Joseph Aloïs Schumpeter publiait en 1911 sa « Théorie de l’Evolution Economique » et pointait du doigt le processus de destruction créatrice qui fait que toute nouvelle invention crée de la richesse mais aussi détruit des secteurs économiques rentables, comme l’invention de la machine à coudre à mis des millions de petites couturières au chômage, comme l’appareil photo numérique à tué Kodak,…

Ikea dans les pas de Bouygues et Hermès dans ceux d’Ikea ?

Ikea a changé la vie de millions de jeunes ménages. Il est loin le temps du meuble en kit où il manquait toujours une pièce pour le finir. Ikea c’est aujourd’hui le plus grand marchand, non plus de mobilier mais d’espaces de vie, de décoration.
Et voilà que la célèbre marque bleu-jaune se lance dans l’immobilier. A Londres Ikea a acheté pas moins de 10 hectares où seront construits plus de 1000 maisons mais aussi un hôtel, des bureaux,… Et aux Etats-Unis la marque suédoise s’associe à un groupe de l’Oregon pour produire des maisons préfabriquées. Même chose en Allemagne, à Hambourg. D’un autre côté, Ikea c’est aussi de la restauration, de l’alimentaire. Ikea impose ses styles, de façon normée, sans réelles adaptations locales. Les noms des produits sont en suédois, de New York à Tokyo, et le midi les « fameuses » boulettes-purée-airelles sont servies par milliers à Malaga comme à Shanghai. Et voilà que depuis peu, Ikea est aussi une marque de produits alimentaires au même niveau que Carrefour, Super U, Monoprix…
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Dans un autre domaine, voilà Hermès qui se lance dans la décoration d’appartements. Mais non des moindres. Pas moins de 600 mètres carrés, en plein centre de Singapore, tour The Marq on Paterson Hill. D’accord, Ikéa, c’est pas Hermès et inversement et l’un ne concurrence pas l’autre. Mais ceci démontre que ce sont par expériences, par essais, par mutations, par erreurs aussi que les sociétés évoluent.
C’est dans cet esprit que toute société, grande ou petite, doit penser constamment son futur et doit être capable de s’adapter sans cesse, quitte à faire demain un tout autre métier. Existera-t-il encore des magasins Ikea au siècle prochain, et que sera Apple dans une génération ? Et Microsoft ? McDo survivra-t-il aux campagnes anti-obésité, que deviendront Total, BP et consort une fois tout le pétrole consommé. Comment Facebook fera-t-il face aux changements des attentes ? ? ?
Et vous, de quoi votre société tirera-t-elle ses profits dans 10 ans… pouvez-vous déjà le dire ?

Ce qui est certain, c’est que Darwin a toujours raison. Pour survivre, il faut s’adapter…